Censure, divisions, insultes… L’Université Paris-Dauphine au bord de l’implosion après le meurtre de Philippine

Censure, divisions, insultes… L’Université Paris-Dauphine au bord de l’implosion après le meurtre de Philippine
Censure, divisions, insultes… L’Université Paris-Dauphine au bord de l’implosion après le meurtre de Philippine

Samedi 21 septembre dernier, le corps de Philippine a été retrouvé non loin de l’université Paris-Dauphine, son établissement. Dimanche soir, tous les étudiants dauphinois ont reçu l’information par e-mail de la direction. L’heure est alors à la méditation. Les réseaux sociaux de l’université communiquent, dès lundi 23, de manière « sobre et digne »selon Luc Fournial, vice-président étudiant et président du syndicat Unef à Dauphine. Les premiers hommages, en accord avec la famille, sont organisés.

Les camarades de classe de Philippine, dans le cadre de son double diplôme, décident de lui rendre hommage par une minute de silence. Le président de l’université prononce un discours. “Beaucoup d’étudiants étaient là, c’était bondé”ajoute Luc Fournial. Un mémorial est installé avec un cahier dans lequel les étudiants peuvent écrire leurs pensées, leurs préoccupations et se souvenir de Philippine, dont la disparition reste, à ce jour, entourée de mystère. L’unité des Dauphinois ne durera cependant pas. Mardi 24 septembre, la a appris que Philippine avait été tuée par un Marocain sous l’emprise d’une OQTF. Et tout change.

mercredi 25 septembre

L’appel à manifester du collectif identitaire féministe Némésis en hommage à Philippine – qui sera la seule – est publié par le collectif sur ses propres réseaux. Une Dauphinoise, Aliénor, décide alors de contacter les différents syndicats étudiants de l’université pour « partager des informations ». Précisons qu’Aliénor n’est pas inscrite dans un syndicat étudiant à cette époque, ni à Némésis. Via un message privé sur Instagram, l’Unef lui demande plus d’informations sur l’événement à partager.

Après avoir compris qu’il s’agissait d’un rassemblement organisé par Nemesis, le syndicat a laissé sans réponse les messages suivants d’Eleanor. L’étudiant décide alors de parler personnellement de l’événement au syndicat UNI. Mais l’UNI choisit également de ne pas communiquer sur cet événement. Le président d’UNI Dauphine Germain Kuen justifie cette décision ainsi : « Nous n’avons pas l’habitude de relayer des événements extérieurs, mais nous aurions pu le faire. »

Au même moment, un ancien élève de Dauphine, Stanislas, qui était inscrit à l’UNI durant ses années étudiantes, partageait l’affiche officielle de la manifestation du collectif – où le nom de Némésis n’est pas écrit – sur le groupe Facebook « Promo Dauphine 2024-2025 ». » qui rassemble 4 300 personnes. Sept modérateurs gèrent le groupe : deux représentants de l’Unef, deux autres pour Esprit Dauphine, syndicat qui se dit « apolitique », deux membres de l’UNI, et enfin Luc Fournial. Le message est resté en ligne pendant environ deux heures avant d’être supprimé. Stanislas commence alors à recevoir des messages privés d’étudiants qu’il ne connaît pas. “je ne sais pas” l’assimilant à un “raciste”. “Nemesis, ce sont juste des racistes qui portent un projet politique dégoûtant” ou même “c’est un collectif de suprémacistes blancs” pouvait-il aussi lire. “Les messages étaient très agressifs, mais bon, j’ai l’habitude” il confie.

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jeudi 26 septembre

Eléonore, “éperdu” par le refus des syndicats de publier les informations de ce rassemblement prévu le 29 septembre, décide alors de contacter le chargé de projet auprès du directeur général des services qui s’avoue être “choqué” de la réponse des syndicats, mais que “on ne peut pas forcer la communication sur le sujet”. Il la rassure en lui assurant qu’il veut “trouver une solution” et lui conseille de rejoindre le groupe Facebook pour communiquer sur l’événement prévu le 29 septembre.

Vendredi 27 septembre

La demande d’adhésion au groupe Facebook d’Aliénor est accordée. L’étudiant rédige ensuite un premier post publiant l’affiche du rassemblement. « Mon objectif n’était en aucun cas de politiser la disparition de Philippine, mais d’informer les étudiants dauphinois du seul rassemblement organisé dans la capitale en son hommage » dit-elle.

samedi 28 septembre

À son réveil, Eleanor constate que son message a également été supprimé. Elle vérifie ensuite le descriptif du groupe — faisant office de charte — dans lequel il est précisé que « les membres s’engagent à ne pas publier ou commenter des contenus offensants d’un point de vue raciste, violent, sexiste, sexuel, identitaire de genre ou religieux ». Sûre que son message n’entrait pas dans cette catégorie, elle a décidé de le publier une seconde fois en ajoutant dans le texte « Mon message semble avoir été supprimé (hommage et respect s’il vous plaît) ». Le message est à nouveau supprimé.

Ces suppressions ont été opérées par Luc Fournial, qui justifie sa décision auprès du JDD. « Il y avait un problème de transparence, le nom Nemesis n’était pas précisé. La charte interdit cependant la présence de contenus discriminatoires. Nous avons considéré que la diffusion d’un appel organisé par un collectif d’extrême droite qui tient des discours discriminatoires à caractère raciste en stigmatisant des personnes d’origine étrangère relevait de ce qualificatif. Par ailleurs, comment soutenir ce rassemblement alors que la famille ne l’a pas soutenu ? » La famille de Philippine ne s’est pas prononcée pour ou contre ce rassemblement.

Vers 20 heures, Eleanor décide de publier un troisième post qui ne sera pas supprimé. Elle précise « 2 suppressions en 48 heures ? N’avez-vous pas honte de censurer quelqu’un qui appelle simplement à rendre hommage à une jeune âme innocente de 19 ans ? ». Les commentaires affluent. « Ce rassemblement organisé par le collectif raciste et fasciste qui se revendique féministe n’est en aucun cas un moyen de rendre hommage à cette tragédie. C’est une hideuse reprise politique. La suppression de ces messages n’est pas une « honte » mais un rejet de toutes ces tentatives de récupération d’événements tragiques ».

Eleanor répond alors : « Mon message était à titre informatif. Chaque étudiant est libre de choisir de s’y rendre ou non. Pourquoi ne pas faire confiance au libre arbitre de chacun de nous ? Pourquoi prétendre porter un combat idéologique ou des valeurs supérieures ? ». Aliénor se plaint auprès du JDD des modérateurs qui semblent changer les règles au fur et à mesure que les discussions avancent. Luc Fournial se défend en précisant que malgré des discussions privées à ce sujet, “la charte n’a pas été modifiée”. Dans les commentaires, UNI Dauphine choisit de soutenir Aliénor : « Absolument rien n’était problématique dans votre message. En revanche, ceux qui l’ont censuré font partie du problème. Il ne s’agit pas seulement de liberté d’expression, mais surtout d’une façon pour beaucoup de rendre hommage aux Philippines, ils doivent la respecter. Merci pour votre initiative ».

dimanche 29 septembre

Avant le rassemblement, Eleanor reçoit un message d’un étudiant. Elle dit qu’elle veut aller à la manifestation, mais qu’elle a peur d’y aller seule. Eleanor accepte de l’accompagner. Le même jour, Aliénor reçoit un message de « La Vie Étudiante » précisant que « le groupe Promo Dauphine est un espace de liberté d’expression » et qu’il soit fait pour que chacun ait une voix.

A ce stade, une réunion entre les modérateurs du groupe Facebook ainsi que le président et le vice-président de Formation Vie Étudiante devait être organisée le 4 octobre pour discuter des questions de modération. Elle sera finalement reportée au 11 octobre.

jeudi 3 octobre

Aliénor décide de parler au vice-président de la Vie étudiante Formation* et estime que la gravité de la situation est « sous-estimé » par l’administration dauphinoise. Elle se plaint « censure ». On lui dit que le collectif Némésis est un collectif ” controversé “ et lui demandant si elle était allée au rassemblement.

Vendredi 4 octobre

Ces événements surviennent dans un contexte particulier pour les syndicats étudiants. Les élections à la présidence de la Vie étudiante auront lieu les 6 et 7 novembre. Les candidatures pour les listes seront clôturées le 21 octobre. Ce vendredi 4 octobre, les étudiants recevront par email un communiqué de Dauphine Ensemble, un “emanation of Unef” Cellulaire Germain Kuen.

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Communiqué du Dauphine Ensemble du 4 octobre.

© Capture d’écran d’un email d’un étudiant de Dauphine.

jeudi 10 octobre

Dans un post de clarification sur le compte Instagram d’Esprit Dauphine, ce quatrième syndicat étudiant assume la censure de ces posts. On peut y lire « nous savons que nous ne pouvons pas contenir l’extrême droite par une simple censure mais par des arguments et des discussions solides ». Un commentaire accuse le syndicat de « aveu de responsabilité et volonté de censure » et rappelle que ce post a été publié le jour de l’anniversaire de Philippine « illustrant l’obstination politique » du syndicat.

vendredi 11 octobre

Une réunion réunissant les modérateurs de Promo Dauphine, Luc Fournial et le vice-président Vie étudiante Formation s’est tenue dans la matinée du 11 octobre. “Nous n’étions pas d’accord sur le diagnostic partagé” » raconte Germain Kuen, le président d’UNI Dauphine présent. « Aujourd’hui, ce groupe qui devrait être un espace de liberté d’expression ne l’est plus. Les étudiants sont insultés. La gouvernance dauphinoise est spectatrice des événements et la gravité de cette censure n’est pas encore comprise. ». Germain Kuen rappelle que de nombreux étudiants sont choqués par cette situation et que son syndicat est très inquiet du climat qui règne à l’université et assimile même Dauphine à un « futur Sciences Po ».

Une future réunion sur les règles de modération et la liberté d’expression doit être organisée. La date n’a pas encore été précisée. Aliénor a reçu de nombreux messages de soutien de la part des étudiants, dont un précisant “ne pas être d’accord avec les idées du collectif Némésis, mais être contre la censure”. Elle souhaite continuer à dénoncer une minorité active contre une majorité silencieuse que nous « étouffe », notamment avec l’administration de Dauphine qui « rester passif ». Mais ces nombreuses querelles occultent l’essentiel : hier encore, Philippine n’avait jamais 20 ans.


*Le vice-président de la Formation Vie Étudiante a redirigé le JDD vers l’agence de presse universitaire qui n’a, à ce jour, pas répondu à notre demande.

 
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