Le prix Nobel de la paix a été décerné vendredi 11 octobre au groupe japonais Nihon Hidankyo, qui rassemble aujourd’hui des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki luttant contre l’arme atomique, au moment où des Etats comme la Russie menacent de briser ce tabou.
Nihon Hidankyo se distingue « pour ses efforts en faveur d’un monde sans armes nucléaires et pour avoir démontré, par des témoignages, que les armes nucléaires ne doivent plus jamais être utilisées », a déclaré Jørgen Watne Frydnes, président du comité Nobel norvégien.
Le prix « souligne la nécessité de maintenir le tabou nucléaire », a-t-il souligné. « Et nous avons tous une responsabilité [pour le faire]notamment les puissances nucléaires. »
Ce choix intervient alors que Moscou a, à plusieurs reprises, évoqué la menace nucléaire pour dissuader les Occidentaux d’apporter une aide militaire à l’Ukraine, qui tente depuis deux ans et demi de repousser l’invasion russe.
Le mois dernier, le président Vladimir Poutine a modifié la doctrine russe sur l’utilisation des armes nucléaires, affirmant qu’il pourrait notamment les utiliser en cas de « lancement massif » attaques aériennes contre son pays.
« Une guerre nucléaire pourrait détruire notre civilisation », à mis en garde Jørgen Watne Frydnes.
La planète s’apprête à commémorer l’année prochaine le 80e anniversaire des deux premiers bombardements nucléaires de l’histoire à Hiroshima et Nagasaki, qui ont fait au total quelque 214 000 morts et précipité la capitulation du Japon ainsi que la fin de la Seconde Guerre. mondial.
Fondée en 1956, Nihon Hidankyo est une organisation qui représente les survivants irradiés – les « hibakusha » – de ces bombardements, dont les rangs s’amenuisent au fil du temps.
Les armes nucléaires ne garantissent pas un monde sans conflit, a réagi à Tokyo un co-leader du groupe, Toshiyuki Mimaki, qui, les larmes aux yeux, a assuré à la presse que ” Jamais [il] je n’aurais pas imaginé » recevoir le Nobel.
« On a dit que grâce aux armes nucléaires, la paix serait maintenue dans le monde entier. Mais les terroristes peuvent utiliser les armes nucléaires. Et par exemple, si la Russie les utilise contre l’Ukraine et Israël contre Gaza, cela ne s’arrêtera pas là. dit-il.
Toshiyuki Mimaki a comparé le Japon en 1945 à la situation actuelle dans la bande de Gaza, théâtre depuis un an d’une offensive militaire israélienne qui a fait plus de 40 000 morts, en réponse aux attentats du 7 octobre 2023 perpétrés par le mouvement islamiste palestinien. Hamas.
« À Gaza, des enfants qui saignent sont retenus [dans les bras de leurs parents]. C’est comme le Japon d’il y a 80 ans. Toshiyuki Mimaki a déclaré lors d’une conférence de presse à Tokyo.
« Le mal absolu »
Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a reçu un prix “extrêmement significatif” et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, « un message puissant ».
Les bombes nucléaires représentent « le mal absolu »a pour sa part commenté le maire d’Hiroshima, Kazumi Matsui.
Présente à moins de 2 kilomètres du point d’impact, Setsuko Thurlow, alors écolière de 13 ans, a déclaré avoir vu “un simple éclair de lumière” lorsque les États-Unis ont largué la bombe Little Boy sur Hiroshima le 6 août 1945.
“C’était l’enfer sur Terre” confiait il y a quelques années à l’AFP ce “hibakusha”, membre du Nihon Hidankyo, qui a parlé à plusieurs reprises d'”un cortège de fantômes”, de membres en lambeaux, d’yeux énucléés ou encore d’intestins sortant de ventres béants.
Aujourd’hui, neuf pays possèdent des armes atomiques – les États-Unis, la Russie, la France, la Grande-Bretagne, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et très probablement Israël – une liste qui tend à s’allonger plutôt qu’à se réduire.
Face aux tensions géopolitiques croissantes dans le monde, ces puissances nucléaires modernisent leurs arsenaux, soulignaient en juin des chercheurs de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).
En janvier, sur les quelque 12 121 têtes nucléaires existantes dans le monde, environ 9 585 étaient disponibles pour une utilisation potentielle, ont-ils noté.
Moscou a annoncé en 2023 qu’elle suspendrait sa participation au traité New START, le dernier traité de contrôle limitant les forces nucléaires stratégiques de la Russie et des États-Unis.
Le prix Nobel de la paix a déjà récompensé à de multiples reprises les efforts visant à obtenir l’interdiction de ces armes de destruction massive, distinguant notamment l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (1985) ou la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires ( ICAN, 2017).
Le Nobel, composé d’un diplôme, d’une médaille d’or et d’un chèque de 11 millions de couronnes suédoises (environ 970 000 euros), sera officiellement remis le 10 décembre à Oslo.
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