Un budget ? Quel budget ? Emmanuel Macron n’y est pour rien. Le gouvernement recherche 60 milliards. Bien. Ce sera sans lui. Le chef de l’Etat n’est plus aux commandes. Le président préside. Il est occupé. Activité diplomatique intense : il reçoit Volodymyr Zelensky et il voyage beaucoup. Il défend aussi l’image du pays. Avez-vous lu son interview dans le magazine Variety cette semaine ? Emmanuel Macron veut «lutte», pour que la série Emilie à Paris reste en France, qu’elle ne déménage pas à Rome. Emilie à Paris est une série Netflix populaire. Brigitte Macron y a fait une apparition. Le chef de l’Etat s’est dit :super fer ».
Finances publiques ? C’est l’affaire du gouvernement. Emmanuel Macron n’intervient plus. Il laisse faire les élus de son camp. A eux de commenter ce tournant de l’austérité, ce choc budgétaire. Réductions des dépenses ; et des prélèvements supplémentaires : près de 20 milliards d’euros. Avec ce budget, Michel Barnier tourne la page de 2017. Il prend le contrepied d’Emmanuel Macron. Gabriel Attal proteste, au nom de la politique menée depuis sept ans. Vous l’avez entendu : il appelle à plus de réformes, et moins d’impôts, pour rester fidèle à l’esprit de 2017.
Mais comment en sommes-nous arrivés là ? Cette urgence financière ? À cet étonnant dérapage ? Il y a quelques mois, Bruno Le Maire promettait un déficit de 4,4% cette année. A terme, ce sera plus de 6 %. Il manque des dizaines de milliards d’euros. Qui est responsable de cette situation ?
Feuilleton politique, dérapage financier
Pour comprendre, il faut regarder dans le rétroviseur, et revenir sur cette année politique complètement folle : elle n’est pas terminée. Souvenez-vous, d’abord, du changement de Premier ministre en janvier. Emmanuel Macron ne voulait plus d’Elisabeth Borne. Pour la remplacer, il a choisi Gabriel Attal. Et puis nous avons attendu : un mois de négociations avant d’avoir un gouvernement complet.
Ensuite, il y a eu la campagne européenne, la victoire du Rassemblement national, et ce coup de théâtre, le soir même des résultats : la dissolution. Pour le président, pas question de rester vaincu. Vous connaissez la suite : les Législatives, l’Assemblée nationale divisée, la gauche en tête, pas de majorité évidente, les JO, le pays sur pause, et une nouvelle attente : presque deux mois pour avoir un gouvernement ! Emmanuel Macron a pris tout son temps.
Septembre est arrivé. Michel Barnier a été nommé. Juste quelques semaines pour établir un budget. Et là, surprise ! Une vraie-fausse surprise : nous avons un gros problème financier. Réveil brutal : les revenus se sont effondrés. Panique à bord. Il faut agir de toute urgence. Cependant, il y a eu des avertissements. Qui les a écoutés ? L’instabilité, la valse des ministres, les deux campagnes électorales, les atermoiements n’ont pas seulement masqué le dérapage financier. Ils l’ont nourri. Personne n’était plus responsable de quoi que ce soit.
Le budget, un bilan
Allons plus loin. Cette crise budgétaire pose une autre question : depuis 2017, Emmanuel Macron a-t-il fait les bons choix économiques ? Vous connaissez sa ligne : des baisses d’impôts pour soutenir la compétitivité, l’emploi et la croissance. Avec quels résultats ? Un début de réindustrialisation, une hausse des investissements étrangers et une baisse du chômage, malgré les crises répétées. Quand les choses allaient mal, l’État soutenait massivement les entreprises et les ménages. Avant de quitter Bercy, Bruno Le Maire a répété : «J’ai sauvé l’économie française« .
Mais si l’on prend du recul, le tableau est bien plus contrasté. Oui, le chômage a diminué. Mais ailleurs, en Europe, il a également baissé. Et quant à la croissance, qui devrait tout régler, elle est atone. En fin d’année, ça ralentit. Les hausses d’impôts et les réductions de dépenses n’aideront pas. Les nuages s’amoncellent sur les finances publiques et l’économie réelle. Emmanuel Macron, c’est vrai, n’est plus aux commandes. Ce budget n’est pas son projet. C’est son dossier.