Plus d’une semaine après le tir de près de 200 missiles iraniens sur Israël, Tel-Aviv a promis une réponse. Mais l’incertitude demeure quant à la forme et à l’ampleur de cette réponse attendue. Même si certains indices commencent à émerger, la nature exacte des représailles reste encore floue, laissant planer le doute sur une future escalade.
« L’Iran a commis une grave erreur et il en paiera le prix. Ils ne comprennent pas la détermination d’Israël à riposter contre ses ennemis, mais ils comprendront. Nous respecterons la règle que nous avons établie : quiconque nous attaque, nous l’attaquerons ». Ces propos, prononcés par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en marge d’une réunion de son cabinet, mardi 1er octobre, jour de l’attaque iranienne, ne laissent aucun doute : des représailles de l’État hébreu sont inévitables.
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Toutefois, neuf jours plus tard, aucune mesure concrète n’a encore été prise par Israël. A Téhéran comme au sein de la communauté internationale, l’incertitude demeure donc quant aux véritables intentions de Tel-Aviv. Pour les experts, Israël dispose de plusieurs options militaires pour attaquer la République islamique d’Iran. Retour sur certaines d’entre elles, des moins aux plus plausibles.
Frappes sur les infrastructures nucléaires
Depuis de nombreuses années, le programme nucléaire de Téhéran suscite de vives inquiétudes en Occident. Une inquiétude qui est même décuplée en Israël, le pays considérant l’éventuelle acquisition d’armes nucléaires par l’Iran comme une menace existentielle.
Ces dernières années, Israël a donc intensifié ses efforts pour retarder le programme nucléaire iranien grâce à une série d’opérations secrètes. Parmi les actions notables figurent des cyberattaques, comme le fameux virus Stuxnet, qui a gravement endommagé des centrifugeuses iraniennes en 2010. Dans le même temps, des sabotages ont ciblé des installations nucléaires, notamment l’explosion de Natanz en 2020. Israël a également été accusé d’assassinats ciblés de scientifiques nucléaires iraniens, dont la plus notable a été l’élimination de Mohsen Fakhrizadeh en 2020. Enfin, le pays a exercé des pressions diplomatiques pour convaincre les puissances mondiales de maintenir les sanctions contre l’Iran.
Mais frapper directement les installations nucléaires iraniennes, notamment les usines de production et d’enrichissement d’uranium ou les réacteurs de recherche, semble peu probable à ce stade. Tout d’abord, la majorité des installations nucléaires sont enfouies profondément sous terre, souvent à plusieurs dizaines de mètres sous la roche.
Pour les détruire ou au moins les endommager de manière significative, il faut des types de bombes extrêmement performants. Et les plus efficaces d’entre eux sont américains, avec des munitions de 13 tonnes capables de frapper très profondément. Mais Washington a jusqu’à présent refusé de les fournir à Tel-Aviv.
Interrogé par la presse peu après les frappes contre Israël pour savoir s’il soutiendrait des attaques contre le secteur nucléaire iranien, Joe Biden s’est montré très clair. “La réponse est non (…) les Israéliens ont le droit de riposter, mais ils doivent le faire de manière proportionnée”, a répondu le locataire de la Maison Blanche.
Sans le soutien de son principal allié, il reste donc peu probable que l’État hébreu décide d’attaquer le nucléaire iranien. Une faible probabilité qui n’est pourtant pas nulle. Interviewé mercredi par FranceinfoKobi Michael, chercheur à l’Institut de sécurité nationale de l’Université de Tel Aviv, minimise la nécessité d’une collaboration avec les États-Unis. “Israël a la capacité de frapper et pas seulement avec les moyens américains (…) le pays a préparé des surprises qui pourraient être plus efficaces et destructrices que ce que permettent les moyens américains”, assure-t-il.
Conférencier sur CNNMalcom Davis, chercheur principal à l’Australian Strategic Institute, ajoute que Benjamin Netanyahu ferait face à de fortes pressions au sein de son cabinet pour attaquer ces installations nucléaires.
Cibler les infrastructures pétrolières et gazières
Un deuxième scénario possible serait qu’Israël décide de frapper les infrastructures pétrolières et gazières iraniennes. Ces installations, principalement situées à l’ouest du pays, à proximité des frontières avec l’Irak, le Koweït et l’Arabie saoudite, jouent un rôle crucial à l’heure où l’économie iranienne est déjà très fragile.
Avec une production de près de 3 millions de barils de pétrole par jour, l’Iran, déjà lourdement frappé par les sanctions internationales, ne représente qu’un peu moins de 3 % de l’offre mondiale. Mais pour Téhéran, le pétrole reste le produit le plus exporté et représente, selon les estimations, entre 15 et 20 % de son PIB. Une série d’attaques ciblées sur ces infrastructures pourrait donc s’avérer extrêmement dommageable pour l’Iran.
Mais une telle action pourrait également avoir des conséquences plus larges sur l’économie. Et c’est sans doute ce qui devrait ralentir Israël dans ce scénario. Une éventuelle attaque pourrait en effet provoquer des représailles de la part de Téhéran, incitant le pays à frapper des raffineries en Arabie saoudite ou aux Émirats arabes unis. Une escalade qui pourrait également compromettre la sécurité maritime dans le détroit d’Ormuz, route essentielle au transit des pétroliers, qui représente près d’un tiers de la production mondiale de pétrole.
Entraver la production et l’exportation du pétrole iranien pourrait également être très mal accueilli par Pékin, qui est de loin le principal client de la République islamique.
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Les conséquences d’une telle situation seraient donc graves. Une perturbation des approvisionnements en pétrole pourrait déclencher un choc énergétique, entraînant une hausse des prix du carburant, de l’essence et d’autres sous-produits comme les plastiques et les engrais. Un bouleversement qui pourrait plonger de nombreuses économies dans une spirale récessionniste, notamment dans les pays les plus vulnérables et dépendants des importations pétrolières.
A noter également que sans être aussi opposé que dans le cas du nucléaire, le président américain Joe Biden a estimé vendredi que ce n’était probablement pas la bonne solution. “Si j’étais à la place d’Israël, je réfléchirais à d’autres alternatives que les frappes sur les champs pétroliers”, a expliqué le démocrate.
Cibles militaires
Sans pouvoir être exclus, ces deux premiers scénarios sont pour l’instant moins probables que celui d’une opération visant des cibles militaires en Iran.
Cité dans le New York Timesplusieurs responsables américains qui ont requis l’anonymat estiment que les Israéliens devraient d’abord se concentrer sur les bases militaires et peut-être sur les sites de renseignement iraniens. Selon eux, l’infrastructure nucléaire ne devrait devenir une cible que plus tard, si les Iraniens devaient à nouveau contre-attaquer.
Les responsables israéliens ont, de leur côté, précisé au site américain Axios ces représailles devraient être importantes et inclure une combinaison de frappes aériennes sur des cibles militaires en Iran, ainsi que des attaques secrètes comme celle qui a tué le chef du Hamas Ismail Haniyeh en juillet 2024 à Téhéran.
Une version qui semble en partie confortée par la vidéo publiée mercredi par le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant, à peu près au moment où Benjamin Netanyahu s’entretenait au téléphone avec Joe Biden pour la première fois en l’espace de deux mois. L’attaque israélienne sera « meurtrière, précise et particulièrement surprenante », explique le ministre, ajoutant que l’Iran « ne comprendra pas ce qui lui est arrivé, ni comment ».
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Les experts s’accordent donc sur le fait qu’Israël devrait envisager des représailles graduelles, conscient du risque d’escalade indésirable. Cependant, dans les cercles proches de Benjamin Netanyahu, certains estiment que la situation actuelle pourrait représenter une opportunité unique d’entraver significativement le programme nucléaire iranien.
Les pressions américaines sur Israël pour qu’il fasse plus de retenue à Gaza ou même au Liban n’ayant jusqu’à présent pas fonctionné du tout, la question se pose également de savoir si Washington aura réussi à convaincre Tel-Aviv de ne pas frapper trop fort. ‘L’Iran.
Officiellement, la décision finale concernant le choix et l’ampleur des représailles n’a pas encore été prise. Selon CNNLe cabinet de sécurité israélien doit se réunir jeudi soir pour voter sur la réponse aux frappes iraniennes.
Tristan Duc