L’ex-ouragan Kirk devrait traverser la France entre mercredi après-midi et jeudi matin, entrant par les côtes aquitaines et sortant par le Luxembourg. Si cette trajectoire semble fiable, la prévision de force du vent a connu une certaine volatilité, ce qui pose question. Voici quelques explications.
La difficulté des modèles à prédire les phénomènes tropicaux anciens.
Les phénomènes tropicaux présentent des caractéristiques atmosphériques différentes des latitudes tempérées (direction du vent, structure de l’atmosphère, température et vapeur d’eau, ainsi que température de la mer). Ainsi, les modèles numériques peuvent prédire leur comportement dans leurs zones habituelles, mais dès que ces systèmes se déplacent vers des latitudes tempérées, ils rencontrent un environnement différent et les calculs deviennent complexes. Cela peut entraîner une dégradation des prévisions concernant la force des vents par exemple.
On peut penser que le modèles avait du mal à comprendre le comportement de Kirk. Même si sa trajectoire est progressivement devenue plus fiable, la force des vents entourant le centre dépressionnaire a été surestimée.
Kirk n’a pas rencontré de conditions propices au maintien de son pouvoir
– Des eaux plus fraîches et de l’air frais
Pour qu’un aîné phénomène cyclonique se maintient, il doit évoluer dans un environnement favorable, des eaux chaudes par exemple. Cependant, après avoir traversé des eaux atlantiques plus chaudes que la moyenne, Kirk va désormais passer au-dessus des eaux plus froides du golfe de Gascogne. Cela aura pour effet de lui faire perdre assez rapidement ses caractéristiques extra tropicales. En revanche, il rencontre une descente d’air frais venant de l’Atlantique Nord, ce qui contribue également à son affaiblissement. Elle évolue ensuite vers une dépression sous les latitudes tempérées.
– Pression atmosphérique moins creuse que prévu
Kirk devrait afficher une pression de 985 hPa, ce qui est inférieur aux prévisions © La chaîne météo
Les ouragans se caractérisent par une basse pression en leur centre. Plus la pression est faible, plus le différentiel avec les zones environnantes est fort et plus les vents sont violents (on parle de « gradient de pression »). Compte tenu des éléments évoqués ci-dessus, la pression augmente en son centre au fur et à mesure de sa progression vers la France. Ce mardi, la pression de Kirk s’est élevée à 976 hPa., et prévue à 985 hPa à l’approche de la France ce mercredi. Il s’agit certes d’une pression très basse, atypique pour cette période de l’année, mais moins basse que prévu (certains modèles prévoyaient, dimanche, une pression proche de 978 hpa à l’approche de la France. Il y aura donc entre 5 et 10 hPa de plus lorsque le dépression Kirk va traverser notre pays : cela suffit à réduire la force des vents, et les modèles s’ajustent en fonction de ces nouveaux paramètres.
– L’effet Corogne
Avec une trajectoire passant plus au sud que prévu initialement (les premiers modèles prévoyaient une trajectoire passant au nord-ouest initialement), Kirk touchera la pointe de La Corogne (nord-ouest de l’Espagne). Ce contact aura probablement tendance à déstructurer un peu le noyau dépressionnaire et à « couper l’élan » des vents vers la France. Autre conséquence directe, la houle cyclonique aura surtout tendance à descendre vers les côtes portugaises, même si le golfe de Gascogne connaîtra une mer formée (creux de 6 m).
– Aucune interaction avec le Jet stream
Le jet stream propulse Kirk vers l’Europe mais sa force est modérée © La chaîne météo
Ce paramètre est peut-être le plus important, empêchant Kirk de devenir une « bombe météorologique ». LE jet streamqui était rapide en début de semaine, a aidé Kirk à se diriger vers l’Europe. Mais ça ralentit en ce milieu de semaine. Kirk évoluera donc sans être renforcé par le courant jet. Dans certaines circonstances, l’interaction entre un courant-jet très rapide (jusqu’à 400 km/h) et des dépressions de surface a provoqué des catastrophes, comme les tempêtes de décembre 1999 ou ” l’ouragan du 15 octobre 1987 « . Ce ne sera pas le cas cette fois.
Des incertitudes demeurent
À moins de 36 heures de l’arrivée du centre dépressionnaire sur les côtes aquitaines, les prévisions peuvent encore évoluer. La trajectoire pourrait descendre encore plus vers le sud, et l’arrivée d’air froid qui s’engouffrerait après le passage de Kirk pourrait avoir un effet dynamique, qui renforcerait alors la force des vents, notamment à l’intérieur des terres. La mesure de la pression atmosphérique et la localisation précise de son centre mercredi à midi apporteront les réponses définitives à ces questions.
