les enseignants confrontés à une augmentation des actes de violence

Menaces, gestes physiques, harcèlement : les acteurs du secteur éducatif tirent la sonnette d’alarme face à l’augmentation du nombre d’enseignants victimes de violences de la part d’élèves ou de parents.

« Un enseignant qui a reçu des coups de pied, des morsures, des crachats […] [Des insultes comme] « ma chienne », « grosse pute ». L’intensité a augmenté, la fréquence […]c’est encore pire que jamais. Arrêts de travail liés à des cas d’agressions […] Il y en a, c’est fou ! » raconte Marjorie Racine, enseignante au primaire sur la Rive-Sud.

Photo fournie par Marjorie Racine

La douzaine d’enseignants du primaire et du secondaire interrogés ainsi que la Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ) font le même constat : le nombre de cas de violence physique et psychologique augmente dangereusement.

La situation est tellement préoccupante que le ministre de l’Éducation a demandé aux centres de services scolaires de consigner les événements violents dès cet automne.

Pour l’instant, les données existantes proviennent des syndicats locaux. Selon le Syndicat de Champlain, en Montérégie, environ 67 % des rapports d’accidents 2023-2024 complétés par des enseignants concernaient des élèves qui avaient été violents.

Selon le Syndicat scolaire du Grand-Portage, à Rivière-du-Loup, un enseignant sur cinq en 2023-2024 a déclaré avoir subi des violences physiques de la part d’élèves et un enseignant sur deux de violences psychologiques. En Estrie, en 2022, 42 % des enseignants ont été victimes d’un acte de violence comparativement à 35 % en 2018.

Une éducatrice spécialisée de la région métropolitaine, par exemple, a dû s’absenter de son travail pendant plusieurs mois après avoir été frappée par un élève « de bonne taille » du primaire. «Il m’a frappé à la tempe plusieurs fois […] J’ai commencé à ne pas me sentir bien, je me suis effondrée», a déclaré l’employée, qui a subi une commotion cérébrale et qui doit garder l’anonymat car elle n’est pas autorisée à parler aux médias.

L’étudiant en question s’en est également pris à ses pairs et à d’autres membres du personnel. «Toute contrariété pourrait conduire à un acte de violence. C’était documenté, le centre de service avait mis des ressources en place […]mais malgré tout, nous n’avons pas pu empêcher les actes de violence », a-t-elle déclaré.

L’élève a ensuite été transféré dans une autre école du même centre de services scolaire où il s’est de nouveau montré violent avant d’être finalement transféré dans une école d’une autre région.

Il menace d’attaquer son professeur

Un professeur du secondaire de la Montérégie raconte aussi avoir eu un problème avec un élève qui avait été transféré dans sa classe en milieu d’année. Parce qu’il « n’était pas d’accord » avec une évaluation, il aurait menacé d’attaquer son professeur sur Teams.

« Cela impliquait qu’il y aurait des dommages physiques. Je voulais porter plainte à la police. Malheureusement […]il a laissé entendre qu’il allait faire quelque chose, mais comme il ne l’a pas nommé, je ne pouvais pas aller plus loin », raconte l’enseignant expérimenté dont l’identité doit également rester secrète par crainte de représailles de la direction ou du jeune en question.

L’élève aurait alors changé de groupe et s’en serait pris à l’autre professeur.

“Il y a eu une agression physique sur mon collègue, il s’est retrouvé contre le mur […] Je l’ai nommé à ma direction, que le comportement avait une tendance agressive […] Est-ce ce que nous attendons ? En fin de compte, c’est ce qui s’est passé», déplore-t-il.

“Même modèle qui se répète”

La présidente-directrice générale de la FCSSQ, Caroline Dupré, rappelle l’obligation des écoles publiques d’éduquer tous les élèves malgré certains événements. « Si des situations surviennent où, par exemple, un élève a commis un acte de violence […]s’il y a interdiction de contact avec un autre élève ou un membre du personnel, un autre lieu de scolarité doit être trouvé. Malheureusement, parfois le modèle va se reproduire, ce n’est pas ce que nous souhaitons et c’est pourquoi le travail collaboratif avec les parents est essentiel », explique-t-elle.


Photo fournie par Caroline Dupré

Menaces des parents

Mais tous les parents ne sont pas des modèles. Une autre enseignante du primaire de la Montérégie raconte une épreuve vécue avec des parents sur les réseaux sociaux parce qu’ils étaient « en désaccord » avec certaines de ses décisions. « Mes parents m’ont menacé de me gronder, de risquer la prison s’ils me voyaient face à face », explique-t-elle.

M.moi Racine ajoute que certaines personnes sont en effet plus susceptibles d’être agressives dans l’écriture. « Les messages en grosses majuscules dans l’agenda sont insistants et provocateurs. Du genre : “Tu n’as pas à parler comme ça à mon enfant, c’est de ta faute, tu l’as provoqué” […] À mon époque, mes parents disaient : « C’est bien mieux d’écouter son professeur. » Maintenant c’est comme [certains] les parents n’acceptaient plus cette forme de respect », ajoute-t-elle.

Tous les intervenants interrogés par l’Agence QMI souhaitent réitérer l’importance du rôle parental. «Il n’y a pas un enseignant au Québec qui a assez de temps à perdre pour communiquer avec les parents et les informer d’une situation qui ne s’est pas produite à l’école», insiste M.moi Dupré.

Les enseignants rencontrés affirment d’ailleurs tous que si les événements s’étaient produits au début de leur carrière, ils auraient quitté le navire. « J’aurais abandonné l’enseignement, c’est sûr », confie l’un d’eux.

Le président de la Fédération des syndicats de l’éducation, Richard Bergevin, demande qu’une procédure à suivre pour chaque établissement en cas de violence. « On ne peut pas se contenter d’un plan de prévention ou de belles publicités, il faut pouvoir agir sur le terrain. Il faut un protocole très, très clair pour l’application dans la communauté afin que lorsqu’un tel événement se produit, nous y travaillions de telle manière », a-t-il déclaré.

 
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