L’acteur et metteur en scène crée un drame à l’exécution rigoureuse, mais dont on cherche en vain la saveur.
Un projet étrange, ce western sans appartenance, ni classique, ni moderne, ni postmoderne, ni twilight – mettant à mal le genre roi de l’âge d’or hollywoodien de toute sa charge symbolique, donnant presque le sentiment qu’il n’a jamais existé, et qu’on peut désormais le filmer. un shérif du Nevada de 1860 exactement comme n’importe quel autre anonyme de l’histoire de l’humanité, sans plus de résonance que s’il s’agissait d’un éleveur beauceron du XVIe siècle ou d’un courtier d’assurances de 2024.
Outre le nombre de postes occupés (réalisateur, acteur principal, scénariste, compositeur), il y a sans doute beaucoup de Viggo Mortensen dans ce personnage d’émigré danois vivant en semi-marge de la société occidentale primitive : assez intelligent et craintif y survivre, incapable cependant de tenir d’autre compagnie que celle d’une Québécoise aussi sauvage et étrangère que lui (Vicky Krieps), qui sera son grand amour, puis son épouse éplorée.
On perd vite la trace des intentions du personnage, tour à tour cynique et moral, vengeur et las : veut-il la liberté pour lui-même, la justice pour les autres, l’amour, la solitude, un peu de tout à la fois ? De ceux du film, on ne saurait dire mieux : on passe ces deux heures dans un état certes non de désolation, mais de franche perplexité, que ni la pureté de la mise en scène ni le prosaïsme rigoureux du récit ne dissipent – une impression d’émotion. un film pour rien, presque impeccable dans son costume de mélodrame historique néo-académique, mais parfaitement stérile.
Jusqu’au bout du monde par et avec Viggo Mortensen, Vicky Krieps, Solly McLeod (Mex., Can., Dan., 2023, 2h09). En salles le 1er mai.
