Jean-Christophe Rufin laisse Aurel le consul se reposer pour nous offrir L’or et la jungleun techno-thriller distrayant qui pourrait très bien rejoindre les planches d’un bon Largo Winch.
Au jeu des capitaux, celui qui est capable de sortir l’air de rien la capitale du sultanat de Brunei lors d’un dîner pour s’exhiber mérite bien quelques pétrodollars et leur poids en fécule de sagou (ne me demandez pas ça). ça y est, je ne suis pas brunéien).
Jean-Christophe Rufindont le passeport doit être tamponné plus que le corps de n’importe quel footballeur, a décidé de ne pas envoyer son petit consul jouer dans la niche dorée du Sultan mais de faire appel cette fois à l’Agence Tous Risques pour un plan presque sans heurts.
Un aventurier en col blanc qui a trop lu SAS Gérard de Villiers, décide de proposer à un géant du numérique l’organisation d’un petit coup d’État pépère pour que le milliardaire puisse s’affranchir des charges administratives, des impôts, des lois éthiques et tacs, des quotas et autres calamités bureaucratiques du même genre, qui restreignent les profits. . C’est toujours aussi classe à Dallas et plus tendance que les voyages dans l’espace ou les sorties avec les amazones nées sous X.
Le sultanat coche toutes les cases et comme l’époque des coups d’État avec des mercenaires en treillis et cigares un peu bedonnants est un peu démodée, une campagne de déstabilisation de fake news est montée à distance par une petite agence privée. Elle n’est pas comme ces consultants Power Point payés pour vous écrire ce que vous savez déjà mais que vous ne voulez pas trop entreprendre. L’agence est ici composée de petits génies de l’informatique, d’un théoricien du putsch et d’un faux couple dépareillé envoyé là-bas, avec un ancien champion de plongeon et un gitan à la guitare. Il ne manque plus que Looping et Barracuda. Je caricature à peine.
Dans sa construction, ce techno-thriller n’est pas sans rappeler Le parfum d’Adam, avec ce mélange d’aventures, compote de complots et de sages prédictions autour d’un globe que l’ancien « French Doctor » utilise comme une boule de cristal. L’horoscope n’est pas très engageant : les Poissons pataugent en eaux troubles, les Vierges peuvent craindre pour leur vertu, la Balance perd toute mesure, les Scorpions apprécient le climat et les Sagittaires… Je ne sais pas.
Comme je ne savais pas marquer Bornéo sur une carte, la description du pays dans le roman est plus enrichissante qu’un voyage en auto-stop avec les têtes claquantes du Pékin Express qui me font aimer les platanes, mais à l’exception de Flore (et pas Carla à Brunei…) la nageuse accro à l’action, j’ai trouvé que les autres personnages manquaient de profondeur. J’aurais aimé en savoir plus sur Ronald, le chef de gang et tacticien, mieux miné que Deschamps mais que l’histoire laisse trop de côté au fil des pages.
Ce scénario divertissant pourrait rejoindre les planches d’un bon Largo Winch, et je me dis qu’avec de telles histoires en tête, Jean-Christophe Rufin Je dois vraiment m’ennuyer à l’Académie. Tandis que deux érudits qui ne portent que du vert dans leurs tenues sortent leur épée pour un zeugma inapproprié, j’imagine l’ex-diplomate levant les yeux vers le Dôme et rêvant de contrées lointaines.
Olivier de Péco
