« Plus le sujet que je traite est sérieux, plus j’essaie d’y introduire de l’humour » – .

« Plus le sujet que je traite est sérieux, plus j’essaie d’y introduire de l’humour » – .
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QQuand il vient à Paris, Martin Parr a ses petites habitudes. C’est invariablement à l’Hôtel du Jeu de Paume, sur l’Île Saint-Louis (Paris 4e), qu’il dépose ses bagages. « L’établissement a tout pour me plaire », affirme-t-il avec délectation. Est-ce le caractère insulaire du quartier ? Le charme discret de la décoration qui évoque ces vieilles maisons anglaises des Cotswolds où noblesse Un Londonien aime passer le week-end ? « C’est surtout devant la galerie* où j’expose », précise-t-il simplement.

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Installé dans le hall d’entrée, à droite de l’accueil, affalé sur un grand canapé, l’homme a posé un petit ordinateur portable sur ses genoux. Il fait semblant de lire ses emails. Mais il observe chaque client qui entre dans l’hôtel. Le regard pétillant, un demi-sourire aux lèvres, on le sent prêt à dégainer son appareil photo quand arrive un groupe de touristes américains dont les chemises hawaïennes contrastent avec la sobre élégance des lieux. C’est du même air malicieux qu’il accueille nos questions, prenant plaisir, semble-t-il, à répondre par des phrases courtes qui déconcertent son interlocuteur.

LIRE AUSSI Rencontre avec Ludivine Sagnier : “J’ai eu de la chance, je suis toujours tombée sur des partenaires de jeu respectueux” « Je ne suis pas très bon en relations publiques. Ce n’est pas pour rien que j’ai choisi de m’exprimer en faisant des images », déclare-t-il, comme pour s’excuser de ne pas être plus bavard. Si le photographe a accepté de céder à l’exercice de l’entretien, c’est parce qu’il publie, ce printemps, un livre consacré au monde de la mode. Titré Mode Faux Parrl’œuvre rassemble 250 photos prises depuis 1999.

Chaque page affirme son style inimitable. Les couleurs éclatent sous la lumière des flashs et le cadrage bouscule l’esthétique traditionnelle de l’univers du luxe. Les mannequins sont ainsi immergés dans des environnements inattendus : cafétérias, vestiaires sportifs, épiceries ou brocantes, et même… un cabinet de dentiste !

J’aime ne pas être là où on m’attend.

L’arrière-plan de ses photos regorge de détails bizarres. C’est un livreur de pizza qui entre dans le cadre, un couple de retraités, en maillot de bain, peau parcheminée et regard impertinent tourné vers l’objectif, qui s’invitent dans un plan. Si l’on dit que le regard de Martin Parr est « décalé », c’est parce qu’il accorde une place importante à ce qui se passe en marge.

Ne vous laissez pas tromper par son look passe-partout. Le photographe adore les strass et les paillettes. Ses images regorgent de bibelots. Tapis criards et tenues léopard abondent dans ses décors. Le photographe met un point d’honneur à mettre en valeur, sous des projecteurs puissants, les détails susceptibles de surprendre. « J’aime ne pas être là où on m’attend. Une bonne photo est avant tout une image explosive, dans le sens où elle montre autre chose que ce que l’on pensait découvrir », dit-il.

Son goût pour les couleurs saturées ? Martin Parr dit l’avoir contracté au début des années 1980, alors qu’il consacrait son quatrième livre à la station balnéaire de New Brighton, à la périphérie de . «Cette palette me permet de créer de la fiction à partir de la réalité. D’une certaine manière, cela met aussi un peu de distance entre cette même réalité et la représentation que j’en donne », dit-il.

L’appareil photo de son grand-père

C’est son grand-père qui, pour ses 13 ans, lui a offert son premier appareil photo. « Il était lui-même photographe. Comme lui, j’ai commencé à prendre des photos pendant les vacances que je passais avec lui. J’ai continué le reste de l’année dans la petite ville de Surrey [Epsom, à 20 kilomètres de Londres, NDLR] où j’habitais alors. Avec le recul, je me rends compte que cette activité m’a aidée à lutter contre l’ennui. Ma vocation est née ainsi. C’est aussi simple que ça», résume-t-il.

Martin Parr publie ses premiers portraits dans le magazine de son lycée puis s’inscrit à l’Université de Manchester. Section Arts Appliqués. Étudiant, il développe des séries dans la lignée de la photographie documentaire de Garry Winogrand (1928-) et de Robert Frank (1924-2019), focalisant son attention sur les gens qu’il croise au marché, à l’arrêt de bus, en bas de chez lui. maison. C’est avant tout la classe moyenne qu’il photographie. « Comme si je faisais un autoportrait », dit-il.

Sa découverte de l’œuvre de Tony Ray-Jones (1941-1972) marque un tournant. « Sous son influence, j’ai commencé à porter une attention particulière aux détails graphiques des arrière-plans », raconte-t-il. Fasciné par le sens de la composition et l’audace formelle de Lee Friedlander, qui n’hésite pas à intégrer à ses images son ombre portée dans ses compositions, Martin Parr prend de plus en plus de liberté avec le formalisme qui lui a été donné. enseigné.

LIRE AUSSI Rencontre avec François Gabart : « La solitude n’a jamais été un besoin pour moi. Est-ce l’influence de son père, fonctionnaire qui consacre ses week-ends à l’observation des oiseaux au sein d’une association de passionnés d’ornithologie ? Martin Parr passe aussi ses week-ends comme guetteur, essayant d’attraper des images qui font mouche dans ses filets. En 1972, il rend visite aux habitants d’un quartier ouvrier de Manchester, photographiant les locataires des maisons en brique de June Street. Ces maisons victoriennes qui seront bientôt rasées dans le cadre d’un programme de rénovation urbaine se révèlent terriblement photogéniques. Parallèlement, Martin Parr s’immerge dans le service de psychiatrie de l’hôpital de Prestwich.

Son dimanche idéal : « Je me lève assez tard et je regarde le match de foot de la veille. Je suis religieusement tous les matchs de Premier League sur la BBC. Ensuite, je décide ce que je vais photographier pendant la journée. Je ne vais jamais à l’église, même si j’ai été élevé dans la religion méthodiste. C’est mon côté anticonformiste. Cependant, je dois préciser que je ne suis pas du tout enclin à la religion. Je suis définitivement athée. »

C’est au début des années 1980 qu’il prend la couleur comme ses aînés Joel Meyerowitz, William Eggleston et Stephen Shore. Mais aussi Peter Fraser et Paul Graham, qui produisent comme lui des séries à dimension sociale. «Nous avons été réunis, avec Brian Griffin et Daniel Meadows, parce que nous assumions une position identique : plutôt à gauche sur l’échiquier politique. Ce qui est assez courant dans le monde de la photographie, où, de mon point de vue, il faut s’intéresser aux questions de société et faire preuve d’un minimum d’empathie pour s’immerger dans les milieux populaires. il glisse.

Un sentiment inhabituel d’autodérision

C’est un livre publié en 1982 et intitulé Mauvais temps (publié chez Zwemmer), ce qui lui vaut une reconnaissance critique. Martin Parr propose une série de photos sur les conditions climatiques pitoyables du petit coin d’Irlande où il s’est installé avec sa femme médecin. Loin d’être anecdotiques, ces photos développent un point de vue sociologique.

“Plus que le cricket ou le football, ce qui unit les Britanniques, ce qui construit leur caractère, c’est leur résilience face à la pluie”, explique-t-il. Martin Parr avait alors trente ans. Il vient de trouver ce qui est sa marque de fabrique : une manière de documenter la société britannique sans pour autant sortir d’une forme d’autodérision peu commune dans le monde de la photographie.

De 1983 à 1985, il passe une partie de l’été à New Brighton, station balnéaire fréquentée par les classe moyenne Anglais. Les images qu’il réalise de vacanciers lui donnent matière à un nouvel ouvrage : Le dernier recours (Presse Promenade). Un livre accompagné de deux expositions à Liverpool, puis à Londres. Là encore, la plupart de ses photos affichent une dimension comique.

Je ne suis pas du tout dans le registre de la moquerie.

« Qu’on me comprenne bien, je ne suis pas du tout dans le registre de la moquerie. C’est juste ma manière de montrer la réalité en m’éloignant des canons esthétiques attendus. Plus le sujet que je traite est sérieux, plus j’essaie d’y introduire de l’humour. Le rire est important parce que nous vivons dans un monde fou, n’est-ce pas ? », dit-il avant de préciser : « On en apprend souvent plus sur un pays en allant voir un spectacle d’humoristes qu’en assistant à une conférence de sociologues ! »

Martin Parr regrette en revanche d’avoir longtemps été réduit à cette dimension « Mister Bean » de la photographie. « Lorsque j’ai rejoint l’agence Magnum en 1988, Elliott Erwitt, dont j’apprécie le travail, m’a accueilli en me disant : “Ah voilà, encore un petit farceur.” « Ce n’était pas vraiment la manière dont j’espérais que mon travail serait apprécié », soupire-t-il.

LIRE AUSSI Rencontre avec Fabrice Rose : « J’ai vécu en prison comme un gars libre, grâce à la littérature et à mon esprit » Lorsqu’un magazine italien lui demande en 1999 de réaliser sa première série de mode, le photographe accepte avec enthousiasme. «C’était un défi pour moi. Mais dans le contexte actuel, commencer à photographier des modèles habillés était le moyen le plus sûr de continuer à travailler. Si vous faites un reportage, vous vous considérez heureux lorsque vous avez quatre pages dans un magazine, alors que si vous travaillez pour la rubrique « style », vous pourriez facilement avoir une dizaine de pages », explique-t-il.

Il y a deux ans, il consacrait un livre au monde du tennis. L’opportunité de participer à des tournois internationaux comme il l’avait fait auparavant avec les courses hippiques d’Ascot. « Le monde du sport est très photogénique et j’ai aimé photographier presque toutes les disciplines : du cricket au football en passant par le golf », dit-il.

L’épreuve de la maladie

Mais depuis 2021, le myélome a bouleversé sa vie. « Avoir ce cancer m’empêche désormais de voyager autant que je le souhaiterais, regrette Martin Parr. J’ai un traitement qui me permet d’être en rémission. Combien de temps cela va-t-il durer? Personne ne sait. Aussi, je profite des années qui me restent pour compléter mes archives. »

Sa seule ambition désormais ? « Pour compléter ce grand portrait de la société britannique que j’ai commencé il y a un demi-siècle. De la même manière que mes photos de mode montrent la réalité derrière les fantasmes, le reste de mon travail est, en quelque sorte, une tentative de refléter la réalité de mon époque sans céder aux sirènes de la propagande”, conclut-il.

« Fashion Faux Parr », de Martin Parr (textes de Patrick Grant et Tabitha Simmons), 304 pages, 49,95 €.

*Martin Parr est représenté par Clémentine de la Féronnière, 51, rue Saint-Louis-en-l’île, Paris 4e.

Chaque dimanche, Le Point a Rencontrer personnalités connues et moins connues du monde de la culture, de la télévision, du cinéma, de la gastronomie, du sport, des affaires… Ils se prêtent au jeu des interviews intimistes, nous racontent leur parcours, parfois semé d’embûches, nous livrent quelques confidences et livrez-nous leur vision de la société.

 
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