« Il était grand temps que la justice leur donne la parole »

« Il était grand temps que la justice leur donne la parole »
« Il était grand temps que la justice leur donne la parole »

Trois mois après leur transfert en métropole, sept militants du CCAT soupçonnés d’avoir commandité les violences de mai 2024 en Nouvelle-Calédonie commencent à être entendus au tribunal de Lyon. Ils sont interrogés par deux magistrats envoyés depuis Nouméa. Entretien avec l’avocat du FLNKS, François Roux.

Les sept militants indépendantistes transférés en métropole ont commencé à être entendus au tribunal de Lyon. C’est la première fois depuis leur mise en examen. Les auditions ont été menées par l’un ou l’autre des deux juges, basés à Nouméa, qui ont fait le déplacement. Les juges d’instruction sont chargés d’enquêter en amont des futurs procès. Arrêtés en Calédonie mi-juin, soupçonnés d’avoir orchestré les émeutes, ces membres de la CCAT, la Cellule de coordination des actions de terrain, sont incarcérés en détention provisoire ou assignés à résidence sous surveillance électronique. Toujours loin de Le Caillou. En attendant, Christian Tein, considéré comme le chef de file de la CCAT, a été nommé président du FLNKS.

Pour leur avocat, François Roux, il était urgent que ses clients puissent s’exprimer devant la justice. Entretien avec Tessa Grauman, d’Outre-mer la 1ère.

>> À LIRE AUSSI :Qui est François Roux, l’avocat qui défendra les militants du CCAT emprisonnés en ? ?

Outre-mer la 1ère : Maître Roux, vous êtes allé à Mulhouse, voir Christian Tein. C’était pour préparer son audition par le juge d’instruction. ?

François Roux : Il doit comparaître devant le juge d’instruction de Lyon le 26 septembre prochain. Comme tous les prévenus et les détenus, je me rends d’abord à la prison pour faire le point avec eux et voir quelle réponse ils souhaitent apporter aux interrogatoires. Car le juge d’instruction, comme elle le leur dit, est chargé d’enquêter à la fois sur l’accusation et sur la défense. [c’est-à-dire en cherchant à la fois des preuves de l’innocence et de la culpabilité]Il est normal pour nous, avocats, de faire le point avec nos clients avant les audiences.

Dans quel état d’esprit est Christian Tein ? ?

DANS : Lui, comme les autres, sont très déterminés à s’expliquer, et notamment à expliquer qu’ils se considèrent comme des prisonniers politiques. Ils sont totalement innocents des actes très graves dont on les accuse, et ils entendent s’expliquer. Et puisqu’ils n’ont pas commis les actes dont on les accuse, alors à quoi servent-ils ? Sinon, en tant que prisonniers politiques ?

Vous et vos collègues êtes plutôt bien disposés à l’idée que tous vos clients pourront rencontrer les juges d’instruction…

DANS : Clairement. Ils sont là depuis plusieurs mois, sans avoir été entendus. Il était grand temps que la justice leur donne la parole. Ils ont refusé, pour la plupart, et ils ont eu raison, de s’expliquer en garde à vue, puisqu’en garde à vue, on n’enquête pas pour ou contre. Ce n’est pas le but de la garde à vue. Alors oui, ils demandent seulement à s’exprimer devant un juge, pour éclaircir beaucoup, beaucoup de malentendus. En attendant, ils sont prisonniers, souvent dans des situations très inconfortables. Plusieurs sont encore à l’isolement. Il faut donc que cela cesse au plus vite.

Pour nous, avocats, ce sont de véritables prisonniers politiques.

Je voudrais rappeler que leur engagement politique s’inscrit entièrement dans le cadre, prévu par la loi, de la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie, de la résolution 1514 des Nations Unies qui autorise cette décolonisation et qui stipule que l’État, puissance administrante, ne doit pas utiliser la force et la répression contre les personnes qui cherchent à décoloniser. Je voudrais que tous nos concitoyens se rendent compte de ce que c’est que d’être enfermé dans des prisons en métropole parce que quelqu’un a voulu exercer son droit à la décolonisation.

Combien de vos clients ont déjà été entendus par les juges d’instruction, lesquels et comment cela s’est-il passé ?

DANS : Les deux mères [Frédérique Muliava et Brenda Wanabo-Iepze] ont été entendues. Je ne peux pas vous en dire plus, mais il était très important pour le juge d’entendre les mères raconter les conditions inhumaines, inacceptables, dans lesquelles elles ont été maintenues en garde à vue, enchaînées au mur la nuit pour dormir, les bras en l’air, et transportées pendant trente heures dans un avion, menottées, même pour aller aux toilettes, porte ouverte. Honteux. Inacceptable.

Donc ils ont pu, oui, s’exprimer devant le juge, dire ce qu’ils avaient ressenti. A l’arrivée, dans les prisons, après avoir vécu ce qu’ils avaient vécu, les fouilles corporelles. Ils vous déshabillent et vous examinent, partout, pour voir si vous cachez quelque chose. C’est ce que mon pays a fait à ces mères, et à ces pères.

Il est grand temps qu’un juge qui enquête à la fois sur l’accusation et sur la défense soit informé de tout cela. Il est grand temps que toutes ces personnes puissent rentrer dans leur pays.

Jusqu’à présent, seules les deux mères ont été entendues ?

DANS : Et deux autres inculpés. Christian Tein sera le troisième, parmi les papas, et il y en aura deux autres la semaine prochaine.

Combien de temps dure en moyenne l’entretien ?

DANS : Entre trois et quatre heures.

Y en aura-t-il d’autres ? ?

DANS : Oui ! Qu’ils soient libérés rapidement ou non, d’ici à ce que l’affaire soit terminée, il y aura inévitablement d’autres interrogatoires.

Comment se déroulent ces entretiens, dans un bureau prêté par le tribunal de Lyon ?

DANS : Il s’agit d’une enquête tout à fait normale. Avec une juge magistrale qui a préparé son audience avec beaucoup de professionnalisme, en passant en revue les éléments du dossier. Et qui pose les questions nécessaires et permet à l’accusé d’apporter les réponses qui manquaient dans ce dossier. C’est tout. La juge répète à chaque audience qu’elle est là pour enquêter pour l’accusation et la défense.

Les conditions dans lesquelles se déroulent les auditions vous semblent donc adaptées. ?
DANS : Elles sont plus que suffisantes, elles sont tout à fait dans la norme prévue par le code de procédure pénale.

Que va-t-il se passer ensuite ?

DANS : Nous avons fait ce qu’on appelle des demandes d’actes, qui sont extrêmement importantes. Vous me permettrez de ne pas en parler tout de suite. De toute façon, les conséquences peuvent être extrêmement importantes. Nous attendons les décisions que les juges vont rendre.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Josy Besse se retire de Compagnon
NEXT AliExpress baisse le prix de ce drone et ça vaut le coup