comment parler des records de températures dans les médias ? – .

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La Croix : L’année 2023 a été la plus chaude jamais mesurée sur Terre ; depuis un an, la température de surface des océans bat chaque mois son record mensuel… Quel constat faites-vous de la place accordée à ces records dans les médias ?

Eva Morel : A chaque nouveau record de température, que ce soit sur les continents ou dans les océans, l’information est désormais relativement relayée par les médias. Ces relevés de températures font même partie des sujets les plus mis en avant, car très visuels et donc pratiques pour illustrer le changement climatique. S’agissant d’une tendance de fond, il peut parfois être difficile de l’appréhender autrement.

Ce niveau de médiatisation est une excellente chose, car il faut absolument rendre compte de l’évolution de la crise, mais il a aussi une limite : ces événements extrêmes prédominent et rendent invisible le reste de l’actualité environnementale. Cette dernière reste peu abordée, de sorte que les citoyens n’ont qu’une vision partielle de la situation. Il faut donc plus de contenus sur le climat, notamment sur l’avancée de la transition et ce qui la bloque.

Qu’en est-il de la manière dont les médias abordent ces extrêmes ? Au-delà de l’espace alloué, le traitement du sujet semble-t-il à la hauteur ?

EM : Pour de nombreux médias, le traitement est à revoir. La plupart du temps, ces enregistrements ne sont traités que comme des informations occasionnelles, sans aucune analyse. Parfois, il n’y a même pas de référence au changement climatique. C’est ce qu’a démontré la base de données baptisée GDELT (Global Database of Language and Tone), qui analyse les contenus publiés par la presse écrite.

Seuls 40 % des articles dans le monde font le lien entre canicule et réchauffement climatique. En France, c’est environ la moitié, selon nos observations. Sans compter que lorsque la référence au changement climatique est faite, elle n’est évoquée que dans une seule phrase. Nous souhaiterions que l’analyse soit approfondie. Par exemple, l’impact des activités humaines pourrait être précisé.

Par ailleurs, plutôt que d’interroger les scientifiques ou les experts sur les causes des phénomènes extrêmes, les canicules sont encore trop souvent illustrées par des microphones de trottoir, notamment dans les journaux télévisés. Cela peut créer un effet de loupe dommageable.

A ce propos, l’exemple de la canicule de mars dernier à Rio de Janeiro (au cours de laquelle la température ressentie a atteint jusqu’à 62,3°C, NDLR), est frappant. Surtout, on nous a montré des images à connotation positive, de gens heureux d’être à la plage, plutôt que de ceux qui en souffraient dans les favelas.

Le constat est similaire lorsque ces canicules frappent la France. Par exemple, les victimes des canicules sont un angle qui n’est pas abordé. Pourquoi leurs portraits ne sont-ils jamais réalisés, comme c’est le cas pour les victimes de guerre ?

Vous avez évoqué l’invisibilité des autres sujets environnementaux. Comment ce traitement médiatique, principalement axé sur les enregistrements de températures, peut-il s’avérer contre-productif ?

EM : Lorsqu’aucun levier d’action n’est proposé, ce traitement médiatique peut engendrer de l’anxiété ou au contraire de la lassitude. Selon une étude récemment publiée par l’Université de Yale, les personnes convaincues par le changement climatique souhaitent avant tout se voir proposer des solutions qu’elles peuvent mettre en œuvre à l’échelle locale. Celles-ci peuvent inclure des solutions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, telles que l’installation de panneaux solaires. Cela peut aussi passer par des solutions d’adaptation pour mieux isoler son logement face aux canicules par exemple.

Malheureusement, pour de nombreux journalistes, mettre en avant des solutions est encore trop souvent considéré comme une démarche naïve. Mais si nous ne les présentons pas, comment le grand public saura-t-il lesquels sont les meilleurs pour le climat ?

Une étude de l’organisation britannique Behavioral Insights Team, publiée en 2021, démontrait que sur une liste de vingt leviers d’action pour réduire votre empreinte carbone, les trois plus efficaces : limiter les voyages en avion, réduire votre consommation de viande et de produits laitiers et modifier vos habitudes thermiques. voiture pour une voiture électrique – sont considérées comme peu utiles par les personnes interrogées. Or, moins une action est considérée comme efficace, moins les gens ont envie d’agir… Dans cette affaire, les médias portent une part de responsabilité, même s’ils ne sont pas les seuls.

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