Tous les regards sont tournés vers le PDG de la VRT, Frederik Deplace, et son interrogatoire mercredi devant la commission des médias du Parlement flamand. L’enjeu est plus qu’une affaire personnelle. La question est : quel avenir les négociateurs flamands accordent-ils à la VRT ?
Quiconque lisait les journaux du matin ne pouvait l’ignorer. Les dernières nouvelles était, Le matin, La norme, Le temps de Le journal et les magazines frères, tous ont mis le même accent nouveau. La collecte d’informations et le commentaire sur le licenciement du directeur des contenus Ricus Jansegers et de Lotte Vermeir, responsable réseau de VRT 1 et VRT Canvas, ont été du jour au lendemain La critique a viré au vinaigre à l’égard de la performance du PDG Frederik Delaplace. La question de sa performance – et donc de son licenciement – est explicitement posée.
Le licenciement d’un PDG de la VRT n’est toutefois jamais une simple question de critères commerciaux. L’atteinte des chiffres souhaités, le style de gestion utilisé, la paix sociale, la réputation du radiodiffuseur public : tous ces éléments jouent un rôle, mais en fin de compte, le PDG de la VRT est tributaire de son soutien politique. S’il n’y a pas de majorité au sein du gouvernement flamand qui lui accorde sa confiance, c’est fini. Si ce soutien est là, il peut continuer à fonctionner.
Assurance vie
Jusqu’à récemment, il semblait que Frederik Delaplace avait négocié une police d’assurance-vie supplémentaire pour lui-même en se référant de manière assez explicite à la voix de son maître Ce patron au-dessus du patron est/était Jan Jambon (N-VA), ministre-président du gouvernement flamand. Depuis sa nomination à la VRT, Delaplace s’est positionné comme une sorte de « partenaire raisonnable » des groupes de médias privés. Cela aussi est politiquement significatif : non seulement Voka, mais aussi DPG Media, avec Christian Van Thillo comme président exécutif de la direction du groupe, ont la réputation d’être les « vrais patrons » de Bart De Wever. Delaplace a maintenu la VRT assez docile et habile dans les limites dans lesquelles les éditeurs privés aiment voir fonctionner le radiodiffuseur public. La N-VA continuera-t-elle à protéger le « loyal » Delaplace ?
Drame
La question est d’autant plus complexe qu’il existe toujours un gouvernement flamand intérimaire, mais aujourd’hui, le nouveau gouvernement flamand (attendu) travaille également à un nouvel accord de coalition. Ces négociations sont menées par d’autres partis.
L’expérience montre que ce ne sont pas les cabinets sortants mais les gouvernements en formation qui font la loi. C’était déjà le cas au niveau belge avec la désignation de Hadja Lahbib (MR) comme nouvelle candidate belge au poste de commissaire européen. Il n’en va pas autrement en Flandre : ce ne sont pas les ministres et les partis du gouvernement Jambon, mais les négociateurs autour de Matthias Diependaele (N-VA) qui détiennent les cartes de la VRT.
Alors que toute l’attention des médias est focalisée sur Delaplace – avec des lettres ouvertes, des articles d’opinion, des interviews et tout le drame qui va avec – ce n’est pas vraiment sa tête qui est sur la table des négociateurs flamands. Le véritable débat de la VRT ne porte pas sur la personne, le style ou les erreurs du PDG. Il porte avant tout sur les propositions politiques, avec de nouveaux accords sur l’avenir de la VRT. C’est là le véritable enjeu des négociations du gouvernement flamand. Le débat essentiel ne porte pas sur Frederik Delaplace.
L’émeute Delaplace n’y est pas pour rien, bien au contraire. L’intensité du tremblement de terre qui frappe à nouveau l’ancienne « Maison de la Confiance » renforce l’image de la VRT comme d’une institution qui ne parvient pas à mettre de l’ordre dans ses affaires internes. Les épisodes sans cesse renouvelés dans les médias flamands, les histoires de querelles, de jalousies et de contacts politiques en font un drame dont peu de gens veulent manquer un épisode.
A la table des négociations, les tensions à la VRT profitent particulièrement à la N-VA.
À la table des négociations, ces circonstances surviennent, La N-VA est particulièrement bien servie, ce qui est assez cynique. Le parti du formateur et futur ministre-président Diependaele est depuis longtemps partisan d’une radio publique dotée d’une mission bien définie et donc d’ambitions et de moyens plutôt limités. Plus son « confident » Delaplace se retrouve dans les ennuis, plus sa lutte pour la survie et la crise d’autorité qui en découle à la VRT se prolongent, plus cela joue en faveur de ceux qui estiment que la VRT doit d’abord prouver qu’elle est sur pied. Ce n’est qu’ensuite qu’il pourra être question d’allouer davantage de moyens. À la table des négociations flamandes, ce rôle est joué par les membres de la N-VA. La N-VA n’a pas demandé cette situation, mais en profite au contraire.
Les délégations du Vooruit et du CD&V souhaitent par contre créer un cadre pour une VRT plus forte. Egalement sur le plan financier. On s’attend à ce que ces deux partis soutiennent dans les prochains jours la demande répétée de la VRT d’une subvention plus élevée à la table des négociations. Le chiffre de 5 millions d’euros est évoqué, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’un montant plus élevé ou moins élevé.
Quoi qu’il en soit, cette augmentation se limiterait à une réelle, quoique modeste, compte tenu de la dotation de base actuelle de 285 millions d’euros. La VRT réclame également une certaine flexibilité dans la fixation du plafond des recettes publicitaires. Autrement dit, la VRT devrait pouvoir diffuser plus de publicité qu’aujourd’hui dans le cadre de marges bien définies et selon des accords prédéterminés, et donc également avoir la perspective de revenus plus importants. Cela compenserait immédiatement l’augmentation déjà limitée de la dotation. Cette revendication devrait également être défendue par le Vooruit et le CD&V.
L’argent de la publicité
Cette dernière revendication est particulièrement efficace pour les groupes de médias privés, DPG en tête. Ils peuvent difficilement s’opposer à ce qu’un diffuseur public reçoive une subvention importante de l’État (à condition que celle-ci ne soit pas « trop élevée », car cela entraînerait une « distorsion du marché »). Mais des recettes publicitaires supplémentaires, c’est franchir une ligne rouge.
Dans le contexte flamand, les revenus publicitaires des radiodiffuseurs privés restent de loin la principale Source de revenus. Plus d’argent pour les radiodiffuseurs publics signifie automatiquement moins d’argent pour les médias privés. La N-VA partage pleinement ce raisonnement. Les spécialistes des médias estiment que cette contradiction sera bientôt révolue. La situation évolue rapidement. Selon eux, les grands dépensiers de l’argent publicitaire belge ne sont plus depuis longtemps les médias belges, qu’ils soient publics ou privés, mais des acteurs internationaux bien plus importants comme Mark Zuckerberg (Facebook), Elon Musk (X), Jeff Bezos (Amazon) ou le gouvernement chinois (TikTok). Quel mal y aurait-il à ce que la VRT s’approprie quelques miettes supplémentaires de ce gigantesque gâteau ?
Mais cette offre est sous pression en raison de l’incertitude entourant Frederik Delaplace. La N-VA n’a guère envie – et ce n’est pas totalement illogique, d’ailleurs – d’allouer davantage de ressources à un diffuseur dont on ne sait pas qui le dirigera dans les années à venir et avec lequel il faudra négocier le contrat de gestion 2026-2030.
En ce sens, Delaplace est le bon (ou le mauvais) paratonnerre au bon (ou au mauvais) moment. Il n’y a pas lieu de chercher une conspiration derrière tout cela : Delaplace a laissé passer trop peu d’occasions de devenir lui-même l’objet de critiques et d’insatisfactions. Il est clairement moins populaire auprès de certains collaborateurs de la VRT que son prédécesseur Paul Lembrechts.
Défilé des PDG (par intérim)
Bien sûr, cela vaut ce que ça vaut. Lembrechts a également dû quitter prématurément son poste de PDG en 2010. Un sort similaire avait déjà frappé Dirk Wauters (en 2009) et Tony Mary (en 2006). Sandra De Preter a quitté prématurément son poste en 2013 pour cause de maladie. Au cours des 28 années d’existence de la BRTN/VRT sous sa forme actuelle, depuis 1996, à peine deux PDG – Leo Hellemans (2014-2016) et Bert De Graeve (1996-2002) – ont terminé leur mandat régulier. D’où la longue série de « PDG intérimaires » : Piet Van Roe à deux reprises (en 2006 et 2009-2010), Willy Wijnants (en 2014) et également Leo Hellemans (pendant quelques mois en 2020). A chaque fois, ils ont été désignés pour « assurer la continuité de l’institution ».
Ce n’est pas la continuité de la VRT qui constitue aujourd’hui la plus grande préoccupation, mais plutôt son existence même.
Aujourd’hui, la principale préoccupation n’est pas tant la continuité de la radiodiffusion publique que son existence même. Comment et dans quel état la VRT survivra-t-elle à cette série de crises et de crisettes Sur quelle crédibilité la radio publique pourra-t-elle compter à l’avenir, au sens propre comme au sens figuré ?