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« Les livres étaient les compagnons éternels d’Henri Leclerc »

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Je ne le connaissais pas vraiment. Je l’avais rencontré il y a une vingtaine d’années et je le revoyais environ une fois par an, à l’occasion d’un dîner, avec les autres membres du club auquel nous appartenions.

Comme nous acceptions dans ce club un nouveau personnage par an, chaque année, ou presque, nous le présentions à Henri, notre Henri, comme nous l’appelions. Le postulant s’avançait lentement vers lui, légèrement tremblant de cette rencontre avec la statue du commandeur, dont la voix nécessairement extraordinaire et la sagacité évidemment peu commune allaient, sans doute, le faire rentrer sous terre, là où il était, lui qui osait fouler le même sol, respirer le même air que celui du grand homme.

Notre Henri lui fit alors un grand sourire et, un verre à la main, avec cette lueur malicieuse dans l’œil qu’il avait quand il parlait, lui souhaita la bienvenue avant de s’enquérir du menu. Le nouveau venu se trouva soudain soulagé, rassuré de sa légitimité par la bonhomie avec laquelle notre Henri l’avait accueilli, et, comme la confiance précède souvent le succès, il sortit de cette réunion meilleur avocat qu’il n’y était entré.

Défenseur infatigable des libertés

Je ne le connaissais pas vraiment. Je l’écoutais, comme les autres, quand, à la demande générale, il prenait la parole à la fin du repas, le souffle court, les oreilles dressées. Il nous parlait à la fois d’un temps que nous ne pouvions pas connaître et de celui que nous vivions, et pour chacun d’eux il avait la même capacité à tisser devant nous les fils d’une histoire passionnante qui nous concernait tous.

C’est cette curiosité et cette humanité extraordinaire qui parvinrent aux oreilles de tous ceux à qui il s’adressa dont je me souviens le mieux. Elle faisait de notre Henri quelqu’un d’étonnant, dont on oubliait l’âge, quelqu’un à qui n’attachait pas cette vénération distraite que les jeunes gens accordent quelquefois aux vieilles statues.

Je ne le connaissais pas vraiment. Bien sûr, je connaissais sa vie, sa défense inlassable des libertés, son courage lorsqu’il devait être le dernier à se tenir aux côtés de ceux dont la société voulait la disparition, ses combats pour que la liberté d’expression ne devienne pas un de ces innombrables principes qu’on invoque pour mieux les bafouer, sa guerre contre l’injustice, l’intolérance, le racisme et sa façon de dire les choses les plus essentielles sans avoir l’air de les toucher vraiment, d’amener ceux qui l’écoutaient à se retrouver enveloppés par l’histoire de notre Henri, sans qu’ils aient même l’impression de la voir venir.

J’ai connu aussi l’homme qu’il était face à la foule hurlante et face à la justice dans toute son horreur. J’ai vu les hommes dont il a pris parti jusqu’au bout, les faibles, les sans-grade, ceux qu’on voudrait pouvoir oublier et je crois que cela en dit beaucoup plus sur notre Henri que je ne saurais le faire.

« Pour lui, peu de métiers valaient celui d’éditeur. »

Je ne le connaissais pas vraiment. Je savais cependant, parce que la conversation avait un jour dérivé sur ce point, que pour lui il y avait peu de métiers qui valaient celui d’éditeur, que pour lui, porter la pensée d’un auteur, lui permettre de mettre son idée au monde et le défendre bec et ongles, était presque aussi admirable que de défendre un homme.

C’est certainement pour cela qu’il a défendu plus d’un nom, pourquoi il a passé toute sa vie aux côtés de ceux que les autorités voulaient faire taire, de ceux que les bigots voulaient bannir, de ceux dont les frustrés, les susceptibles, les intolérants de tout poil ne pouvaient supporter la liberté, la joie ou l’humour, pourquoi il s’est battu toute sa vie devant les moulins à vent du XVIIe siècle.et chambre, pour rejeter les intemporelles accusations de diffamation et d’insulte qui sont proférées contre ceux dont on n’apprécie pas les idées.

« Henri Leclerc savait que sans les passeurs, les idées restent où elles sont. »

C’est parce qu’il savait que sans les passeurs, les idées restent où elles sont, qu’elles ne se propagent pas et ne portent pas de fruits qu’il défendait ceux qui s’étaient donné pour mission de les faire rayonner le plus loin et le plus longtemps possible. Pour notre Henri, l’Homme était le premier en toutes choses. C’était lui qui rendait tout possible et c’était lui qu’il fallait défendre.

Je ne le connaissais pas vraiment. Je le sais cependant, car il nous avait dit qu’il regrettait de voir sa vue baisser au point de l’empêcher presque de lire, que les livres étaient ses éternels compagnons et qu’une vie sans eux lui semblait difficile à concevoir.

Je ne le connaissais pas vraiment mais je sais que ce soir j’aurais souhaité que ses yeux durent plus longtemps.

Vincent Ollivier

Olivier Dion – Vincent Ollivier

Vincent Ollivier est avocat pénaliste au sein du cabinet Tersée. Ancien secrétaire de la Conférence des avocats au barreau de Paris (2005) et ancien professeur à l’Université Paris II, il est l’auteur des romans toscan (Flammarion, 2018) et Fraternel (Flammarion, 2020).

 
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