Que vaut la série « Ripley » avec Andrew Scott ? – .

« Ripley » trompe son monde avec style

Publié aujourd’hui à 16h12

Pourquoi encore adapter « Ripley », trésor d’une série noire imaginée par la romancière Patricia Highsmith ? Le livre semble inépuisable tant son intrigue est ficelée de suggestions subtiles et de faux-semblants bluffants.

En 1955, la New-Yorkaise se défoule, outsider par excellence qui subit les critiques d’une société contrainte par son homosexualité, réfractaire à son non-conformisme. Son séjour en Europe, notamment au Tessin où elle termine ses jours en 1995, la libère – en lisant ses « Écrits intimes » publiés chez Calmann-Levy pour savourer l’ivresse de « la poétesse de l’appréhension ».

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La série Ripley conserve la marque farouche de celle qui s’obligeait auparavant à vivre ses romances lesbiennes sous un pseudonyme. Paradoxalement, c’est cette folle liberté esquissée sous le manteau qui donne tout son caractère à la nouvelle adaptation, diffusée depuis le 4 avril sur Netflix, à la fois flamboyante et feutrée.

Delon, Damon…

Avant elle, ce Tom Ripley si mal dans sa peau, si désireux d’en changer, a beaucoup inspiré. En 1960, dans « Plein soleil », le Français René Clément brise le visage angélique d’Alain Delon, alors beau jeune homme de 25 ans, en lui confiant le rôle. Il a dû se battre âprement avec ses producteurs, comme le montre le rôle, un escroc qui se jette sur sa proie, un pitoyable flambeur américain exilé en Italie, contraste avec le jeune protagoniste. Sa sensualité se transforme en morsure carnivore. Mémorable.

En 1999, le Britannique Anthony Minghella rétablissait le lourd ciment sexuel qui colle au roman de Patricia Highsmith, cette homosexualité refoulée doublée d’une frustration latente issue du choc des classes sociales. Même si Matt Damon cache bien son jeu jazzy sous des airs puérils, « The Talented Mr. Ripley » croupit avec des perversités fitzgeraldiennes sur un yacht ancré dans la baie de Naples. Le héros s’y sent coincé, mal à l’aise dans ses attaques au charme poisseux et bientôt criminel.

Le Caravage comme fil rouge

Au contraire, « Ripley » dans sa version donnée par Steve Zaillian prend ses aises, canalise le flux métaphorique du roman de manière moderne. Le Caravage, tout juste évoqué dans le thriller, relie les épisodes comme un fil rouge symbolique. Pour mémoire, et un guide italien vient rappeler Tom Ripley dans la galerie Borghèse à Rome, le peintre a peint un David et Goliath où il prête son propre visage aux deux protagonistes.

A la fois tueur et victime, l’artiste crée ainsi une triangulation métaphorique inédite. De quoi plaire à Ripley, faussaire de premier ordre, et à sa propre vie pour commencer. La série reviendra à plusieurs reprises sur l’argument esthétique, utilisant même comme fétiche un tableau cubiste de Picasso.

Mais ces références, pas plus que l’utilisation du noir et blanc, ne sont pas des manières « arty » pour donner à une production Netflix des allures de toile de maître. Qu’il s’agisse de filmer les ruelles d’Amalfi, les canaux et les palais vénitiens, un bateau se balançant dans les eaux sombres de San Remo ou des statues romaines en contre-plongée, le procédé donne de l’ampleur à la carte postale.

En plus de coller au roman noir, ce choix chromatique du directeur de la photographie Robert Elswit, ancien collaborateur du cinéaste Paul Thomas Anderson, accentue encore l’atmosphère sinistre de l’entreprise.

Fabuleux Andrew Scott

D’autres manipulations tendent à restituer l’épaisseur développée par Patricia Highsmith. Ainsi, des personnages apparemment secondaires qui s’affrontent dans la machination infernale. Loin du gros beau gosse qui a refait surface comme un ami intempestif au point de devoir l’éliminer, Steve Zaillian imagine un dilettante transgenre. Eliot Sumner, artiste qui se définit comme non binaire, l’interprète avec toute l’équivoque requise. Dans ces décors venimeux, l’enfant de Sting et Trudie Styler apparaît avant tout le digne ami de Paolo Pasolini.

Un concierge d’hôtel distrait ou un inspecteur à la moustache pleine d’esprit, ils semblent tous issus des classiques du néoréalisme italien. Même le chat, créature si chère à Highsmith, le jette de manière décisive dans les escaliers de la logeuse.

Car l’amour de l’art, des beaux gestes, reste la grande affaire de « Ripley ». Et ça, ce n’est jamais gratuit… Steve Zaillian en est tombé amoureux au point d’acquérir les droits d’adaptation de ses aventures suivantes, « Ripley et les ombres », « Ripley’s Have Fun », « Sur les traces de Ripley » et « Ripley entre deux eaux ». .

Espérons voir le fabuleux acteur Andrew Scott parcourir les villes grecques ou les campagnes françaises, Londres, Berlin ou Tanger, au bras de riches héritières tout en affrontant la mafia et les marchands d’art.

Cécile Lecoultred’origine belge, diplômée de l’Université de Bruxelles en histoire de l’art et archéologie, écrivant dans la section culturelle depuis 1985. Elle est passionnée de littérature et de cinéma… entre autres !Plus d’informations

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