Le prix provisoire des médicaments suscite le mécontentement

Le prix provisoire des médicaments suscite le mécontentement
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Fixer temporairement le prix d’un médicament pour le rendre plus rapidement accessible aux patients déplaît au Groupement romand de l’industrie pharmaceutique (GRIP). Son président René Jenny en détaille les raisons.

Le président du GRIP René Jenny estime que le prix provisoire constitue un risque pour les laboratoires pharmaceutiques qui devraient constituer des réserves pour se prémunir contre la baisse du montant final approuvé par Berne © André Bulliard

Le président du GRIP René Jenny estime que le prix provisoire constitue un risque pour les laboratoires pharmaceutiques qui devraient constituer des réserves pour se prémunir contre la baisse du montant final approuvé par Berne © André Bulliard

Publié le 15/04/2024

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Le prix provisoire du médicament permettra-t-il un accès plus rapide aux préparations essentielles pour certains patients touchés par des maladies graves ? Si la faîtière pharmaceutique suisse Interpharma y est favorable, le Groupement de l’industrie pharmaceutique romande (GRIP) est plus nuancé. Cette association, indépendante d’Interpharma, regroupe une trentaine d’entreprises suisses et étrangères comme Celgene à Boudry, Ferring à Saint-Prex (VD), Farchim à Bulle (FR) et Verfora, filiale du groupe Galenica, à Villars-sur- Glâne (FR). Le projet de loi modifiant la loi permettant l’établissement d’un prix provisoire devrait être présenté au Conseil des Etats lors de la session d’été. Le principe a été accepté par le Conseil national et par une commission du Conseil des Etats. Le point avec le président fribourgeois René Jenny.

Le GRIP que vous présidez n’est pas favorable au prix provisoire qui permet de mettre plus rapidement un médicament sur le marché, et donc à disposition du patient. Pour quoi?

René Jenny : De manière générale, nous soutenons toute approche permettant de fournir rapidement aux patients des thérapies innovantes répondant à un besoin médical urgent. Nous pensons cependant que le système de prix provisoire ne résoudra pas le problème de fond qui est un retard important dans les délais d’admission des médicaments à la liste des spécialités et, par conséquent, leur accès pour les patients concernés. Comme l’indique le terme « provisoire », le remboursement ne serait pas définitif.

Il y a donc une incertitude quant au soutien définitif ?

Des incertitudes subsisteront donc quant au contenu final de la décision que prendra l’OFSP en vue de l’admission du médicament sur la liste des spécialités. Cela signifie également que l’entreprise pharmaceutique concernée devra constituer des provisions pour couvrir un éventuel risque de prix inférieur à celui provisoirement accordé.

Existe-t-il également un problème pour définir quels médicaments doivent bénéficier du régime de prix provisoire ?

Le prix provisoire ne devrait concerner qu’une certaine catégorie de médicaments pour lesquels il existe un besoin médical important. Or, le problème observé aujourd’hui concerne tous les médicaments. Enfin, la question de savoir ce qu’est un « médicament pour lequel il existe un besoin médical important » n’est pas simple. Il s’agit d’une notion juridique indéterminée dont l’interprétation subjective ne peut que poser problème compte tenu de son manque de précision et de clarté. Une telle notion encouragerait une application variable de la loi.

« Le prix provisoire ne devrait concerner qu’une certaine catégorie de médicaments pour lesquels il existe un besoin médical important »
René Jenny

Interpharma – l’organisation faîtière suisse des fabricants de médicaments – est néanmoins favorable au prix provisoire. Alors le projet de loi rectificative récemment traité par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) ne vous convainc pas ?

Le GRIP en tant qu’association n’est pas membre d’Interpharma. Comme indiqué ci-dessus, nous saluons toute volonté d’accélérer le processus de remboursement, mais regrettons que le problème de fond ne fasse pas l’objet de discussions et de réflexions plus approfondies et concrètes, notamment le remboursement qui ne serait pas définitif et l’obligation de constituer réserves pour couvrir le risque d’une baisse des prix.

En Suisse, les médicaments représentent 11% des dépenses de santé et 21% des dépenses de l’assurance maladie obligatoire (AOS). Peut-on encore baisser ces proportions ou est-ce impossible ?

Au vu des résultats obtenus jusqu’à présent et des problèmes aigus d’approvisionnement du pays en médicaments, la réponse est négative. Chaque année, l’OFSP (Office fédéral de la santé publique) procède à des procédures de réexamen concernant un tiers des médicaments de la liste des spécialités afin de déterminer s’ils remplissent toujours les conditions de remboursement par l’AM. L’OFSP réduit les prix des médicaments réexaminés de 10% en moyenne par an. Depuis l’introduction de la LAMal en 1996, les prix des médicaments ont chuté de plus de 44 %. On n’observe pas de telles mesures pour d’autres services couverts par l’AOS comme par exemple la révision de Tarmed qui continue d’être attendue. Or, comme vous l’avez souligné, les médicaments ne représentent que 11 % des dépenses de santé. Cette proportion est faible par rapport aux autres secteurs. Il nous semble plutôt opportun de se demander si la pression constante que l’OFSP exerce principalement sur le prix des médicaments est nécessaire pour contenir les coûts de santé.

En fixant le prix des médicaments, l’île aux prix élevés en Suisse ne fait-elle pas grimper les prix ? Les génériques, par exemple, coûtent plus cher qu’à l’étranger…

Une comparaison des prix avec l’étranger, réalisée conjointement par Interpharma et Santésuisse, a montré que les prix des médicaments originaux à l’étranger étaient en moyenne inférieurs de 5,4% à ceux en Suisse. Il est vrai que cette différence est bien plus marquée pour les génériques qui restent plus chers que dans des pays comparables. Concernant les médicaments originaux, nous pensons que des efforts considérables ont déjà été réalisés, comme en témoignent les baisses de prix obtenues. En outre, il apparaît également que, pour les produits innovants, les prix suisses sont tout à fait comparables à ceux pratiqués en Allemagne, par exemple.

La proposition d’introduire un examen différencié démontre que le Conseil fédéral est conscient du problème. Malgré cela, l’OFSP continue de maintenir la pression sur les prix des médicaments, surtout dans un contexte inflationniste. Cette politique ne fait qu’accentuer les pénuries de médicaments établies sur le territoire suisse que l’on constate actuellement.

Produire en Suisse est crucial

La pandémie a montré l’importance de produire des médicaments sur le sol suisse. Dans un contexte de pression sur les prix exercée par la Confédération, le secteur pharmaceutique est soumis à l’obligation de rentabilité. N’y a-t-il pas dans cette exigence économique un argument contre le développement de chaînes de valeur sur le sol suisse ? «L’expérience montre que l’obligation de rentabilité et le développement de chaînes de valeur sur le sol suisse sont compatibles, plusieurs industries membres du Groupement de l’industrie pharmaceutique romande (GRIP) implanté en Suisse peuvent en témoigner», rétorque René Jenny, président. “Dans le contexte actuel, les industries qui favorisent la production locale méritent néanmoins d’être mises en avant et mieux considérées, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui, contrairement à d’autres pays d’Europe qui soutiennent activement de telles activités.”

Et le président cite à titre de comparaison certains pays d’Europe, comme la France, qui ont adopté suite à la pandémie de Covid-19 des stratégies de délocalisation et d’augmentation des capacités de production de médicaments afin de réduire la dépendance aux importations. Rien de tel ne se passe actuellement en Suisse, où la réglementation ne favorise pas la production nationale. “Au contraire, avec la pression constante sur les prix, l’Etat invite plutôt indirectement les entreprises à fabriquer leurs médicaments à l’étranger”, ajoute René Jenny.

En ce sens, l’accord de libre-échange avec l’Inde n’exerce-t-il pas encore plus de pression à la baisse sur les prix des médicaments ? Le président du GRIP ne le pense pas. Selon lui, cet accord ne devrait pas exercer une pression supplémentaire sur le prix des médicaments, étant donné que l’Inde n’est pas considérée comme un pays de référence par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) dans le cadre de la fixation du prix des médicaments figurant sur la liste des spécialités. . «Tout au plus, cet accord pourrait encore accroître la dépendance de la Suisse à l’égard de la production externalisée, ce qui est extrêmement problématique comme nous l’avons vécu ces dernières années», conclut René Jenny.

PAS

 
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