L’attaque iranienne contre Israël est-elle vraiment un échec ? – .

L’attaque iranienne contre Israël est-elle vraiment un échec ? – .
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FIGAROVOX/TRIBUNE – L’attaque iranienne, menée contre Israël dans la nuit de samedi à dimanche, aura de graves conséquences sur le plan géopolitique, analyse le chercheur spécialiste du monde arabe, Sébastien Boussois.

Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, chercheur en monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), collaborateur scientifique au Cnam Paris (Defense Security Team), au Nordic Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire stratégique de Genève.


La guerre qui couve au Moyen-Orient depuis près de sept mois a désormais atteint un nouveau niveau dans la nuit de samedi à dimanche, avec l’attaque iranienne contre l’Etat hébreu. C’est donc la première fois que Téhéran frappe directement le sol israélien, alors que jusqu’à présent, le régime chiite s’était soigneusement caché derrière ses « mandataires » au Liban, à Gaza et au Yémen. Médias et responsables occidentaux se sont empressés d’affirmer ce matin que l’attaque iranienne était un échec puisque le « Dôme de Fer » (et sa version maritime) avait stoppé près de 99 % des missiles et drones, avec l’aide des États-Unis, de la France et du Grand-Duché. Grande-Bretagne. Un véritable échec pour ce pays sous sanctions depuis des années ?

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Dimanche matin, Tel Aviv s’est réveillé groggy. En réalité, des millions d’Israéliens ont passé une nuit blanche, au son déchirant des explosions d’armes iraniennes détruites une à une par le système anti-missile israélien. Les Israéliens, qui ont déjà une confiance limitée dans leur gouvernement, ne sont pas dupes : quelque chose d’encore plus important était en jeu, que les 200 missiles de différents types tirés depuis le sol iranien vers Israël : en moins d’un an, non seulement le Hamas a frappé comme jamais encore pour la première fois directement sur le sol israélien le 7 octobre, tuant près de 1 400 personnes, mais cette fois c’est le régime iranien qui l’a fait. L’image d’un État hébreu intouchable, respecté parce que craint, ne tient qu’à un fil. L’efficacité de la doctrine Dahiya, qui vise à mener des opérations de représailles disproportionnées contre les islamistes anarchiques du Hamas pour terroriser ses ennemis, semble déjà terminée. Tout ça pour ça ?

Fondamentalement, le retrait global américain du monde depuis des années a produit une chaîne d’instabilité. Et la relation détestable qui existe entre Joe Biden et Benyamin Netanyahu, qui ne s’écoute que lui-même depuis octobre dernier, n’est pas pour rien dans l’affaiblissement global du leadership des deux alliés historiques de la région. De plus en plus d’ennemis de l’État juif franchissent le rubicon, ignorant les conséquences à venir. Israël, comme les Américains, devrait vite revenir sur terre, plutôt que de continuer à croire aveuglément en son invincibilité : les franchises occidentales au Moyen-Orient sont en danger !

L’Iran est-il sorti de l’ambiguïté stratégique ? Il ne l’a jamais revendiqué, donc non, mais il a clairement démontré ses capacités en faisant de l’attaque de samedi un test grandeur nature du pire qui puisse arriver.

Sébastien Boussois

Depuis des années, des t-shirts souvenirs sont en vente dans la vieille ville de Jérusalem, dont un qui dit essentiellement : « N’ayez crainte, l’Amérique, Israël est derrière vous ! » Le problème est que depuis que les États-Unis soutiennent sans réserve l’État juif, c’est-à-dire depuis sa création en 1948, la sécurité de ce dernier n’a jamais été aussi menacée. Si Netanyahu porte une énorme part de responsabilité dans les événements du 7 octobre, qui ont agité les Palestiniens et provoqué des dissensions au sein du pays avec le radicalisme de l’extrême droite israélienne, le Premier ministre a tenté de noyer sa propre responsabilité dans le bain de sang qu’il a provoqué en bombardant Gaza dans toutes les directions depuis des mois. Pensant apparaître comme le nouveau Goliath que redouterait toute la région après le massacre du 7 octobre, malgré l’hostilité du monde, de la Maison Blanche elle-même, Netanyahu sera désormais aussi celui de l’histoire qui aura été au pouvoir alors que l’Iran vient de frapper sans vergogne pour la première fois le territoire israélien. Pour être respecté, il faut être craint : l’adage reste plus que jamais vrai et on peut en conclure que Tel Aviv n’a pu résister jusqu’à présent que tant qu’elle a été à juste titre craint. La pression pour les décennies à venir est désormais énorme si le bruit des bottes ne cède pas la place au retour de la diplomatie.

Jusque-là, nous croyions tous que le Hezbollah et l’Iran feraient le « travail » et qu’ils s’engageraient corps et âme dans une guerre totale contre Israël. Ce n’était pas le cas. Ce sont les assassinats ciblés de plusieurs Gardiens de la révolution à l’ambassade iranienne à Damas, le 2 avril, qui ont provoqué l’ire du régime théocratique. Et cela est allé jusqu’à lancer une opération comme celle annoncée samedi, à laquelle personne ne voulait vraiment croire. On oublie souvent que l’armée iranienne est l’une des plus puissantes de la région en termes de ressources humaines et d’armement, sans même évoquer le programme nucléaire : 350 000 soldats, 350 000 réservistes. C’est la première force militaire présente dans le Golfe. Alors que l’Iran est traditionnellement fustigé pour la faiblesse de son armée, la gifle infligée à l’État hébreu redistribue totalement les cartes. Pour Téhéran, c’est évidemment un succès absolu et il a raison : Jérusalem et Tel-Aviv cherchent à minimiser les tirs de samedi mais ont désormais peur, et pour cause. Dans une telle situation, ce qu’il y a de plus à craindre, ce n’est pas la force mais la détermination d’agir.

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L’Iran est-il sorti de l’ambiguïté stratégique ? Il ne l’a jamais revendiqué, donc non, mais il a clairement démontré sa capacité en faisant de cette attaque un test grandeur nature du pire qui pouvait arriver. La désagréable réalité est claire : nous faisons néanmoins partie de ceux qui affirmaient que le pays n’attaquerait pas directement Israël. Pourtant, depuis le début des rumeurs sur une éventuelle intervention, le régime n’a fait preuve d’aucune faiblesse mais au contraire d’une force incroyable. Son attaque est un immense succès stratégique global. On peut parler d’une minuscule frappe iranienne parfaitement calibrée au vu de ses capacités. Il n’y a pas qu’Israël qui craint désormais encore plus le régime iranien : les capitales arabes ont été les premières à parfaitement comprendre le message. Ensuite les Occidentaux, qui ostracisent le régime, aussi répréhensible soit-il, mais pour qui on voit bien les limites de l’ostracisme et des sanctions une fois de plus (idem pour la Russie). Nous ne sommes plus dans une diplomatie de haut niveau : l’Amérique, qui s’était désengagée, a semé le chaos et tente de rentrer dans le jeu mais est bien trop orientée. Le drame, c’est qu’avec les États-Unis, c’est le chaos et sans eux, c’est presque pareil. Les relations internationales sont avant tout une histoire de pouvoir et de contre-pouvoir, de balanciers et de transactions. Depuis l’arrivée de Joe Biden, le monde est pire qu’avant : sa faiblesse a désinhibé les régimes les plus hostiles à sa domination mondiale. Et il n’est pas sûr aujourd’hui que le retour de Donald Trump puisse changer quoi que ce soit : en moins de cinq ans, la Russie, la Chine et maintenant l’Iran ont prouvé que l’Occident était chaque jour au bord du gouffre. de l’abîme. Il faut y réfléchir et tirer la sonnette d’alarme, à commencer par Israël. La désoccidentalisation n’est pas un concept vide de sens.

 
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