« Je ne dois pas trop me laisser emporter par l’ambiance des »

Par Théo Quintard, correspondant à San Antonio (Etats-Unis)

Une fois sa dernière course complétée lors de la TYR Pro Swim Series à San Antonio samedi soir, Léon Marchand a pris du temps pour ses fans. Pendant une dizaine de minutes, il a pris des photos et signé des autographes à une cinquantaine de personnes, toutes rassemblées aux barrières. Un enthousiasme certain mais minime par rapport à ce qui l’attend cet été.

Loin de Paris, le Toulousain de bientôt 22 ans poursuit sa préparation discrète au pays de l’Oncle Sam vers ses deuxièmes Jeux Olympiques. Attendu pour être l’une des figures marquantes de Paris 2024, il pourrait marquer l’histoire du sport français en devenant le premier Français à remporter cinq médailles d’or lors d’un même . Son programme – pas encore finalisé – sera dense avec trois ou quatre courses individuelles et un ou deux relais.

Lassé de ses finales universitaires à Indianapolis fin mars où il a été sacré avec Arizona State pour la première fois dans l’histoire de l’université, le quintuple champion du monde a disputé sa première compétition en grand bassin au Texas. S’il a remporté le 200 m papillon (1″54’97) puis le 400 m quatre nages (4’11″21), il a été battu au 200 m brasse (2’8″40), derrière l’Américain Matthew Fallon (2 ’08”18).

Présent à San Antonio, son entraîneur Bowman a confirmé que le quintuple champion du monde deviendra professionnel à la rentrée prochaine. « Léon est un pro. Il va être un pro… C’est un pro. C’est ça! Il était prévu que les championnats NCAA seraient sa dernière compétition. »dépeint l’entraîneur légendaire Michael Phelps, ajoutant que « à Paris, Léon sera un peu plus grand qu’il ne l’était aux derniers Championnats du monde à Fukuoka ».

L’entraîneur américain de 59 ans, qui encadrera également à plein temps la délégation française cet été, prendra ses fonctions à la rentrée à l’université du Texas à Austin, à seulement une heure de San Antonio. Son poulain pourrait le suivre mais le conditionnel reste en vigueur. Le clan Marchand assure qu’aucune décision n’a encore été prise.

Dans un entretien en deux parties accordé à Ouest- et Eurosport, Léon Marchand explique qu’il ne fait pas de ces Jeux Olympiques une fin en soi et préfère aborder l’événement avec légèreté et décontraction. Mais avec l’envie certaine de monter à chaque fois sur la plus haute marche du podium.

Léon Marchand à la fin du 500 m libre lors de la finale NCAA 2024

Crédit : Getty Images

Le cap J-100 approche à grand pas, ressentez-vous une forme d’adrénaline à l’approche de Paris 2024 ?

Léon Marchand : Je ne réalise pas vraiment ce que ça va être là-bas mais je peux l’imaginer. J’ai déjà fait les Jeux de Tokyo donc j’ai un peu d’expérience. Je suis évidemment excité à l’approche de cet événement mais je veux avant tout être bien physiquement et mentalement et ce n’est qu’à ce moment-là que je serai prêt à vivre cet événement. Dans ma tête, les Jeux olympiques deviennent de plus en plus grands.

Les Jeux olympiques sont un peu un bonus.

Pour le grand public, si vous ne remportez pas l’or dans toutes vos courses, ce sera une forme d’échec…

LM : Pour eux, ce serait un échec mais pour moi, ce ne sera pas très grave. Ça ne va pas changer ma vie (sourire). Maintenant que je peux profiter et sourire dans l’eau, je n’ai plus besoin de compétition pour célébrer car je suis heureux chaque jour de ce que je fais. Je voyage, j’ai beaucoup d’amis, j’apprécie ces moments. Les Jeux olympiques sont un peu un bonus. C’est chez lui, donc c’est encore plus impressionnant (il secoue la tête d’un côté à l’autre pour souligner le moment unique de cet événement).

Qu’est-ce qui vous fait sourire dans l’eau ?

LM : Cette année, nous avions un super groupe à l’entraînement. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble et certaines personnes vont même en cours avec moi donc nous commençons à nouer de vraies relations. Et au-delà de ça, Bob (Bowman) apporte beaucoup de plaisir à l’entraînement avec des départs un peu plus serrés que d’habitude, des changements de nage, des courses avec la combinaison… Ce n’est pas grand chose pour une personne moyenne mais en tant que nageur, c’est énorme. Il parvient à rendre l’entraînement plus amusant. Mentalement, j’ai beaucoup progressé dans la gestion des compétitions. J’essaie de sourire chaque jour car mon bien-être est essentiel.

Quel écueil éviter à Paris ?

LM : Il ne faut pas trop se laisser emporter par l’ambiance des Jeux. Parce que pendant les JO, on marche beaucoup, il y a des bus à prendre… Ce n’est pas comme lors des Mondiaux où c’est vraiment très individuel et où on se fait chouchouter. Là, ce sont vraiment deux semaines intenses et il n’y a pas que la natation comme sport majeur. J’essaie de me concentrer sur moi-même et de ne pas trop attendre des gens qui m’entourent.

Votre principal adversaire dans ces JO, n’est-ce pas vous-même ?

LM : Disons que quand je ne suis pas au mieux physiquement et que les conditions de course ne sont pas optimales, c’est une vraie bataille mentale. Mon principal adversaire, c’est moi mais il y aura une vraie compétition aux Jeux Olympiques donc j’aurai toujours des adversaires redoutables (sourire).

Léon Marchand lors des Championnats du monde de natation 2023.

Crédit : Getty Images

Comment avez-vous vécu votre période creuse fin 2023 entre votre santé capricieuse et votre première défaite sur les 400 yards quatre nages en novembre lors d’une rencontre en Caroline du Nord ?

LM : Je suis tombé malade plusieurs fois et j’ai mis du temps à me remettre en forme car en natation, quand on s’arrête sept jours, il faut quatre semaines pour retrouver son vrai niveau. Cela a été vraiment long, il m’a fallu un mois et demi avant de retrouver une forme optimale. En décembre, ce n’était pas facile car tout le monde faisait ses compétitions alors que moi je reprenais l’entraînement en repartant de zéro.

C’était dur mais je me suis concentré sur moi, j’ai essayé d’y aller à corps perdu (il mime le geste) et de nager. J’avais des cours et des examens à côté donc c’était cool [pour garder le cap].

Vous aurez peut-être la chance de réaliser un doublé unique cet été entre le 200 m papillon et le 200 m brasse…

LM : Je ne pense pas qu’une telle performance ait jamais été réalisée donc je ne sais pas si c’est possible (sourire). Je m’entraîne dans ces deux disciplines et nous verrons comment je me sens avant le jour de chaque épreuve. Cela pourrait représenter quatre courses dans la même journée. C’est beaucoup, mais je sais que Bob a ce défi à relever, donc c’est très excitant.

Avez-vous décidé de votre programme pour les JO ?

LM : Non, cela peut changer la veille de la course. Je veux faire les 4 nages mais on ne sait pas ce qui se passera ensuite.

Vous avez signé beaucoup d’autographes après votre dernière course ce samedi soir. Connaissez-vous votre nouveau label star ?

LM : J’en ai conscience mais je ne m’en rends pas compte car je suis loin de tout ça. Je suis revenu en France l’année dernière donc j’ai compris ce qui se passait. C’est sûr que lors des Jeux Olympiques cet été, je donnerai un peu plus que d’habitude mais je ne vais pas m’inquiéter de tout ça. Je vais le faire en ressentant et voir si je veux le faire ou non. En tout cas, c’est toujours agréable de partager avec les fans.

Avez-vous l’impression d’avoir changé de statut auprès de la folie Léon Marchand ces derniers temps ?

LM : (Il sourit). Oui, clairement ! Mais cela s’est fait progressivement. Lorsque j’ai gagné aux Championnats du monde avec Budapest il y a deux ans (or au 200 m 4 nages et 400 m 4 nages et argent au 200 m papillon), mon statut avait déjà changé. Mais comme je suis aux Etats-Unis, je reste à l’écart de ce battage médiatique car à la mi-août, j’étais déjà de retour en classe à Arizona State. Je ne l’ai pas vraiment remarqué mais je sais que c’est le cas.

La natation la plus amusante que j’ai jamais eue.

Que retenez-vous de ces trois jours à San Antonio pour vos débuts en grand bassin ?

LM : Cela n’a pas été facile mais j’ai pu prendre mes premières marques. La dernière fois que j’ai nagé en grand bassin, c’était lors des derniers Championnats du monde (à Fukuoka au Japon à l’été 2023). J’ai passé toute ma saison en natation courte. J’étais vraiment concentré sur la NCAA (le championnat universitaire) : on l’a gagné, c’était super mais j’ai tout donné nerveusement et énergiquement donc ce n’est pas évident de se remettre dans l’eau tant mentalement que physiquement. Les dernières semaines ont été vraiment difficiles.

Physiquement, j’étais un peu juste, j’avais du mal à finir mes courses car je m’affutais depuis deux mois donc je n’ai pas vraiment « travaillé » ces derniers temps, c’est à dire que j’ai réduit le volume des séances pour sécher. Il faut se remettre au travail mais ça reste une belle compétition.

Que vous apporte ce genre de compétition ?

LM : Expérience et repères. Car au final, je n’ai qu’une seule épreuve en grand bassin avant les championnats de France (à Chartres, du 16 au 21 juin 2024, une et unique épreuve qualificative pour les JO). J’essaie de prendre un maximum de repères pour me comparer à ce que je faisais avant.

LM : A partir de dimanche, je vais partir avec Bob (Bowman) m’entraîner à l’Université du Texas à Austin pendant deux semaines. Ensuite, j’ai un mois de camp d’entraînement à l’OTC (centre d’entraînement olympique et paralympique américain) à Colorado Springs et puis il sera temps de rentrer en France.

Cette année, je me suis vraiment éclaté avec mes coéquipiers. De plus, nous avons remporté le titre, donc je tiens à dire que c’était la natation la plus amusante que j’ai jamais eue. C’est triste de tourner la page mais le prochain chapitre est tout aussi passionnant (sans surprise, il a décidé de devenir professionnel).

Vous êtes à San Antonio dans la ville de Victor Wembanyama, que vous inspire-t-il ?

LM : Nous avons tous les deux beaucoup d’ambitions. Ça va très vite, on voyage beaucoup. Nous vivons tous les deux à plein régime nos aventures américaines, avec de nombreuses opportunités. J’aurais aimé le voir, mais mon temps est un peu limité jusqu’à Paris, j’ai plusieurs déménagements de prévus, beaucoup de changements, des voyages aussi. J’essaierai peut-être de le voir l’année prochaine.

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Mon Paris olympique avec Maxime Grousset

 
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