«Je couche avec des hommes dont je ne veux pas»

«Je couche avec des hommes dont je ne veux pas»
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Chaque jeudi, à ça ne va pas bien, Mardi Noir, psychologue et psychanalyste, répond aux questions que vous lui posez. Quelles que soient vos questions, dans votre rapport aux autres, au monde ou à vous-même, écrivez à [email protected], tous vos emails seront lus. Et chaque mardi, retrouvez le podcast sur Slate Audio.

Cher mardi noir,

Je couche avec des hommes dont je ne veux pas, voire qui provoquent mon aversion. Je me retrouve alors dans des situations (sexuelles) que j’endure, mais j’ai du mal à identifier cela en moi sur le moment, car je suis tellement occupée à tout donner pour que l’autre croie que j’aime ça.

Les hommes dont je parle ne m’ont jamais forcé, ce sont des gars qui écoutent, sont gentils et prennent soin d’eux. Et à chaque fois, je m’en rends compte après : “Ah et bien voilà, en fait c’était mauvais parce que je ne l’aimais pas vraiment.” Et puis ça recommence, il faudrait que je l’écrive quelque part…

Bref, peut-on se forcer à un acte sexuel sans avoir jamais vécu une telle chose ? Suis-je une victime de viol réprimé ? Ou pourrait-il y avoir d’autres raisons ?

MERCI!

M.

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Cher Monsieur.,

Laissez-moi déjà vous dire que j’adore votre question !

Quant à vous dire s’il est possible ou non de faire ceci ou cela sans avoir vécu un viol, je vous rappelle ainsi qu’à mes chers lecteurs que je ne suis ni voyante ni devin. C’est important de le préciser, car je remarque que c’est une façon assez courante de présenter les choses. Nous avons besoin d’une explication rationnelle, d’une cause objective pour ce qu’il y a de plus étrange en nous, pour ce qui nous divise. Il doit y avoir une relation de cause à effet, un mécanisme à mettre en place pour trouver la pièce manquante d’un puzzle psychique.

C’est d’ailleurs ainsi qu’a travaillé initialement Sigmund Freud. Il cherchait les causes des comportements et symptômes étranges de ses patients. D’une part, il n’était pas toujours facile de trouver une origine au symptôme. En revanche, et c’est essentiel, même retrouvé, le symptôme n’a pas disparu. C’est sur ce point qu’il est essentiel d’insister.

Ce que vous remettez actuellement en question, d’après ce que je lis, ce sont ces relations sexuelles forcées par vous avec des hommes qui, de surcroît, ne vous attirent pas. Surtout, vous ne vous en rendez compte qu’après coup, puis vous oubliez et recommencez. Premier point : tu l’écris, donc ça commence à avoir des symptômes, tu officialises une répétition, c’est fantastique ! Vous l’avez repéré. Deuxième point, vous l’abordez ici. Ce n’est plus seulement que vous vous en rendez compte, vous êtes responsable envers vous-même en adressant ce symptôme aux autres. Il ne sera plus oublié, il sera publié ! Troisième point, et c’est le plus important, vous vous demandez ce que vous faites pour vous mettre dans ce genre de situation.

Évidemment, je n’ai pas la réponse, puisque vous l’avez. Cependant, quelques éléments de réflexion peuvent vous aider à vous lancer sur la bonne voie. Qui sont ces hommes, qu’avez-vous en tête lorsque vous les rencontrez, qu’est-ce qu’un homme pour vous ? Un être idéal ? Méprisable? Admirable? Aimant? Comment se passe-t-il pour vous après un rapport sexuel ? Devez-vous y faire face seul ? Honteux? Malheureux? Ou au contraire, cela alimente-t-il des heures de discussions entre amis ? Et bien sûr – et je m’excuse d’avance pour ce cliché psychanalytique – quelle mère as-tu ? As-tu un père ? Comment va ta mère avec ton père ? Comment parler des hommes et des femmes de votre famille ?

J’ai souvent remarqué quelque chose chez mes amies et moi-même : il nous est insupportable de voir les hommes diminués.

En gros, vous en dites très peu dans votre email, mais vous glissez un petit élément : vous dites que vous êtes très occupée à faire croire à l’homme que vous aimez ce qu’il vous fait. L’homme a beau ne valoir rien dans votre esprit, il ne faut surtout pas qu’il le découvre, au contraire, il doit penser qu’il est brillant.

Dans une psychologie typique du bien-être, je vous dirais : « Vous vous oubliez au profit de l’homme, choisissez-vous. » Bref, juste un conseil de bon sens. Mais avant d’en arriver là, il ne serait peut-être pas inutile de réfléchir à ce qui nécessite de maintenir l’homme dans une position forte. Comme si un homme un peu faible, peu habile ou maladroit était la marque de l’infamie.

Je vais sans doute un peu loin, mais c’est vrai que j’ai souvent remarqué une chose chez mes amies et moi-même : il nous est insupportable de voir les hommes diminués. Théoriquement, nous savons qu’ils le sont ou qu’ils peuvent l’être. Il ne s’agit pas de parler de ce que nous constatons consciemment, mais plutôt de ce qui se joue sur l’autre scène, celle de l’inconscient.

Je ne peux pas compter le nombre de fois où j’ai entendu des amis me parler de leur père comme d’un type formidable, beau et extraordinaire. Le jour vient où je les retrouve dans la cabane de vacances, invité par les amis en question, et je découvre que le père dit herculéen est une sorte de libidineux et gros ventre de Michel Houellebecq. Ou un petit être fragile et asthmatique.

Est-ce que j’exagère ? Allez, peut-être un peu. Mon objectif est de vous inciter à vous interroger, vous l’aurez compris, sur ce que vous projetez sur l’homme et sur la rencontre sexuelle, et d’éclairer la dialectique que vous mettez en place entre hommes et femmes.

 
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