ce que la recherche peut apporter

ce que la recherche peut apporter
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La question de l’avenir de nos forêts taraude la société dans son ensemble, des forestiers aux industriels de la transformation du bois, en passant par les citoyens et les utilisateurs de la forêt.

Avec l’accélération du changement climatique, qui se traduit en France par une trajectoire de réchauffement de +4°C en 2100, les superpouvoirs des forêts – sources de matières premières, puits de carbone, fonctions régulatrices et protectrices, réservoir de biodiversité, espace de bien-être – sont de plus en plus mis à mal.

Par exemple, la séquestration du CO2 par les arbres – qui contribue à réduire les effets du changement climatique via la photosynthèse – a considérablement diminué.


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Dans ce contexte, l’État lance un programme de recherche sur la résilience forestière, qui vise à accroître les connaissances pour soutenir la conception et l’expérimentation – sur la base de travaux scientifiques – de trajectoires d’adaptation flexibles afin d’améliorer la résilience des socio-écosystèmes forestiers.

Ce programme scientifique interroge le rôle de la recherche face aux enjeux de l’accélération du changement global. En effet, les forêts sont des socio-écosystèmes (c’est-à-dire des systèmes complexes impliquant des composantes biophysiques et écologiques, mais aussi sociétales, et notamment politiques et économiques, ndlr). Sous l’effet de facteurs d’origine climatique et anthropique, mais aussi de l’évolution des attentes et des besoins de la société, ces socio-écosystèmes sont sous pression.

« Agir dans un monde incertain » implique de redéfinir la place des connaissances et des activités scientifiques. De quoi accompagner les nouveaux modes de gouvernance forestière, l’évolution de la trajectoire climatique et les processus décisionnels en matière de gestion forestière.

« Socio-écosystèmes »

La forêt a longtemps été considérée comme un objet technico-administratif : son destin devait échapper aux vicissitudes d’une société dominée par les aspirations du court terme. L’expertise technique détenue par les professionnels et les organismes de gestion forestière avait le monopole du « dire et du faire » et les instances administratives entretenaient un certain cloisonnement du débat forestier.

Evidemment, ce cadre ne répond plus aux attentes ni aux aspirations d’une société qui souhaite se réapproprier les enjeux forestiers.

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Dans le domaine scientifique, la thématique forestière est encore souvent appréhendée de manière unidisciplinaire, ce qui donne une vision partielle et restreinte des enjeux liés aux forêts. Par exemple, la vulnérabilité des forêts est généralement étudiée sans prendre en compte les interactions entre aléas, et sans couplage avec les enjeux sociaux et économiques. Cependant, de plus en plus de travaux cherchent à développer des approches plus intégrées en articulant des perspectives disciplinaires.

Le concept de « socio-écosystème » est ainsi utilisé pour étudier les multiples interactions et interdépendances, à différentes échelles spatio-temporelles, qui déterminent l’avenir de la filière forêt-bois. Celles-ci se déroulent entre, d’une part, les dynamiques écologiques des arbres et peuplements forestiers, et, d’autre part, les représentations, comportements, pratiques, organisations et institutions des acteurs intéressés et concernés par les problématiques forestières.

C’est donc la première mission de la recherche : aider à penser le monde dans sa complexité, et en l’occurrence, aider à comprendre la forêt comme un « objet » ancré dans la société.

  • D’une part, la forêt ne peut être réduite à des considérations socio-techniques et à des intérêts particuliers ;

  • de l’autre, il n’est pas possible de penser notre avenir en nous limitant à ses dynamiques naturelles et à sa contribution au bien commun.

Ainsi, s’appuyer sur des approches scientifiques diversifiées permet d’élargir l’espace du débat public et de décomposer les enjeux forestiers.

Conservation, atténuation… et adaptation

Depuis le début de l’ère industrielle, les forêts font l’objet de préoccupations environnementales en raison des conséquences directes ou indirectes des activités humaines.

Le paradigme conservationniste s’est ensuite développé, progressivement, autour de logiques de protection, de restauration et de limitation des impacts des activités humaines. À partir des années 1990, le paradigme de l’atténuation s’est également imposé dans de nombreuses régions du monde, et particulièrement en Europe : les forêts doivent soutenir les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre en stockant le carbone et en offrant des ressources alimentant une économie sans carbone.

La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.
Wikimédia, CC BY-NC-SA

Ces dernières années, ces orientations apparaissent cependant incompatibles avec la dynamique de l’évolution forestière. La stratégie conservationniste ne peut être la seule réponse aux transformations profondes des socio-écosystèmes forestiers qui se dessinent.

Et le moment est venu de ne plus considérer les forêts comme des variables d’ajustement des stratégies d’atténuation, mais de considérer comme un problème central les conditions de leur adaptation au changement climatique et le développement d’une bioéconomie forestière qui accompagne cet effort. .

La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.
Wikimédia, CC BY-NC-SA

Un sujet à mettre à l’ordre du jour

Dans la perspective de cette transition vers le paradigme de l’adaptation, la recherche devrait contribuer à objectiver les enjeux et accompagner le développement d’alternatives.

La science joue un rôle décisif pour mettre à l’ordre du jour le défi de l’adaptation et son urgence. Au-delà des constats empiriques (incendies, dépérissements, tempêtes…), les travaux académiques sur les dynamiques d’évolution des socio-écosystèmes offrent une capacité de suivi et une vision dynamique, dans le temps et dans l’espace, du changement. et ses déterminants. Par exemple, la combinaison d’outils de suivi (suivi de terrain, télédétection) permet de suivre l’évolution de l’état de santé des forêts.

En situation de crise, les tensions entre différents intérêts socio-économiques et écologiques sont exacerbées et un travail d’objectivation à travers l’approche scientifique peut aider à dépasser ces tensions pour partager une vision commune des problèmes.

Passer des solutions tactiques aux solutions stratégiques

L’adaptation doit également reposer sur une capacité à définir des trajectoires. La recherche est alors souvent utilisée pour proposer des solutions à court terme et des innovations « clé en main ».

Dans ce contexte d’incertitude, il faut changer la logique d’articulation entre connaissance et action. La recherche a désormais vocation à s’inscrire dans une dynamique d’expérimentation et de transformation des pratiques qui garantit la résilience à long terme des socio-écosystèmes.

Sans abandonner les adaptations « tactiques » ponctuelles en réaction aux bouleversements, il faut aller vers une adaptation « stratégique » qui suppose une trajectoire de transformation de toutes les composantes des socio-écosystèmes.

Il faut partir du principe que la connaissance ne précède pas l’action, mais que l’une et l’autre se nourrissent d’une plus grande proximité entre acteurs de la recherche et acteurs forestiers.

Des processus décisionnels obsolètes

Comme nous l’avons mentionné, l’expertise technique de la « science forestière » a conduit depuis le 19ee décisions du siècle concernant la gestion des parcelles et l’aménagement des propriétés forestières. Les fondements de ce processus décisionnel sont remis en question pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il n’existe plus un corps socioprofessionnel unifié porteur d’expertises communes, mais une grande diversité de prescripteurs techniques qui élaborent leurs propres normes et orientations sylvicoles.

Les enjeux forestiers actuels impliquent également des processus de décision qui ne peuvent se limiter à un raisonnement à l’échelle de la parcelle ou de la propriété mais doivent intégrer des échelles « fonctionnelles » (massifs forestiers, paysages, territoires, bassins d’approvisionnement, etc.).


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Enfin, l’accélération soudaine du changement climatique rend obsolète une partie importante des connaissances empiriques existantes.

Dans ce contexte incertain qui expose le décideur à des prises de risques face à un avenir inconnu, il est nécessaire de développer des processus de décision davantage fondés sur la connaissance.

Baser les décisions sur la connaissance

Dans ce contexte, les travaux scientifiques peuvent d’une part servir de support au développement d’outils d’aide à la décision pour offrir à la diversité des prescripteurs techniques un socle commun de connaissances pour concevoir leurs cadres de gestion.

La science vise également à fournir des éléments de caractérisation des différentes variables et de leurs interactions afin qu’elles puissent être prises en compte dans des modèles explicatifs, puis dans des outils d’aide à la décision multi-échelles.

La science doit permettre à terme d’intégrer la culture de l’incertitude et des risques multiples dans la prise de décision, en favorisant le développement des connaissances sur la base de l’expérimentation et de la modélisation, en élargissant par la prospective le champ des possibles en matière d’aménagement et d’aménagement forestier.

Un plan stratégique d’adaptation constitue donc une urgence absolue pour accélérer les transitions forestières, favoriser leur résilience et assurer le maintien de leurs fonctions écologiques tout en soutenant la filière face à un afflux de bois moribonds aux propriétés potentiellement dégradées. Agir sans tarder, s’appuyer sur la science et la nature, suivre en permanence les évolutions et construire des solutions collectives, constituent les quatre principes d’un plan d’action ambitieux pour les forêts et le bois.

 
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