Par Anaëlle Montagne
Publié le
21 mars 24 à 18h32
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Avant la Seconde Guerre mondiale, au début des années 1930, la ville de Bordeaux connaît une bataille des plus insolites. Son cinémas, implantée depuis une vingtaine d’années, s’est soudainement multipliée. En cause : la « guerre des barrières ».
Ce période de confrontation commerciale opposant deux grands exploitants de cinéma, qui ont créé au coup par coup de nouvelles salles, souvent installées aux barrières bordelaises.
Retour sur cette période de bataille commerciale et sur l’histoire de ces salles, dont beaucoup ont aujourd’hui disparu.
L’arrivée des cinémas à Bordeaux
Le 2 mars 1896, au numéro 10 des allées de Tourny a lieu la toute première projection publique du Cinématographe Lumière de Bordeaux. Pendant plusieurs années après, les films ont été projeté en itinérance ou dans les bars ou les théâtres.
Il faudra attendre 1907 pour que le premier « établissement spécialisé » ouvre ses portes. « Le cinéma s’est installé et a acquis une vitrine après avoir accueilli les brasseries, les music-halls, les théâtres et même le cirque », raconte Pierre Berneau dans son ouvrage Cinéma des origines : les débuts du spectacle cinématographique à Bordeaux.
Entre 1907 et 1914, une soixantaine de théâtres ouvrent (puis ferment, pour certains) à Bordeaux. Toutes les classes sociales ont désormais accès au cinéma, qui devient de plus en plus répandu. Après la Première Guerre mondiale en 1919, le cinéma Le Français est à son tour inauguré – devenant le CGR Bordeaux Le Français.
L’origine de la guerre des barrières
Dans les années 1920, non loin de Bordeaux, un ancien projectionniste ambulant devenu directeur du casino de Royan, Émile Couzinet, décide d’investir dans l’exploitation de cinémas. Il crée rapidement un véritable réseau, avec des salles à La Rochelle, Toulouse, Agen et Saintes.
Mais son ambition le pousse à vouloir investir à Bordeaux, le plus grand pôle urbain du Sud-Ouest. Le problème : il arrive sur le territoire de Victor Bonneterre et Ulysse Sédardfabricant de parapluies et directeur du Casino d’Arcachon à qui l’on doit la création du Théâtre Fémina entre 1919 et 1921.
Couzinet VS Bonneterre & Sédard
Dès son arrivée à Bordeaux, Couzinet est d’abord propriétaire de l’Intendance du centre-ville en 1931, puis rénove un local de la rue Sainte-Catherine (rebaptisée la Comoeac) avant d’acquérir le Gallia-Palace, non loin de la place de la Victoire.
Mais ses concurrents bordelais n’ont pas dit leur dernier mot. En juin 1930, leur théâtre Femina devient le cinéma « Fémina Pathé », suite à un accord avec Pathé-Nathan. Il n’est redevenu un théâtre que dans les années 1970 après être passé entre les mains de plusieurs compagnies.
Les propriétaires investissent également dans le Florida, situé Barrière Judaaïque avenue de la République. Couzinet décide alors de construire le Luxor à quelques centaines de mètres. Ce bâtiment art-déco à l’architecture moderniste a été construit en 1931, avec une façade entièrement vitrée et pouvant accueillir jusqu’à 1 100 spectateurs.
Bonneterre et Sédard répondent en construisant le Tivoli. Soit. En 1932, Couzinet ouvre le Rex, avec des décors grandioses inspirés du plus grand cinéma d’Europe de l’époque : le Grand Rex de Paris.
La fin de la guerre, le début d’une autre
Suite à cette effrénée « guerre des barrières », Emile Couzinet décide d’acquérir ses propres studios de cinéma à Royan – les Studios de la Côté de Beauté – et marque la fin de la bataille. Quelques années plus tard, la Seconde Guerre mondiale éclate.
De nombreux cinémas bordelais restent très fréquentés, y compris par les Allemands pendant l’occupation militaire de Bordeaux (de juin 1940 à août 1944). Et le Luxor ne fait pas exception.
L’arrière-petit-fils du propriétaire qui dirigeait alors le cinéma et son restaurant attenant se souvient : « Mon grand-père nous racontait que Des aviateurs américains étaient cachés dans le grenier, alors même que les soldats allemands régalaient dans le restaurant du rez-de-chaussée ! »
De nombreux cinémas ont fermé leurs portes
Après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle Royan est détruite, Émile Couzinet recrée ses ateliers à Bordeaux, rebaptisés Studios de la Côté d’Argent.
Bon nombre de cinémas construits par l’opérateur et ses concurrents bordelais ont ensuite fermé peu à peu, certains finissant en cinémas pornographiques avant de mettre la clé sous la porte. Si nombre de ces anciens cinémas ont été démolis, comme le Rex en 1976, d’autres ont été transformés. Par exemple, la Floride est devenue une église évangéliste.
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