Ils se fracassent le visage contre l’écume, « parce que l’océan n’est plus jamais le même ». De marée en marée et au jour le jour, Chantal Bonnemayre et Philippe Labory aiment arpenter le front de mer de Capbreton, pour capturer un bout d’Atlantique avec leurs appareils photo.
« Il faut se le dire. Ce que nous recherchons, c’est l’exceptionnel, quand l’océan bouge », confie Chantal. La date de ces marées d’équinoxe était évidemment inscrite sur son calendrier depuis longtemps, tout comme l’heure à laquelle la hauteur d’eau sera la plus élevée.
Ce lundi 11 mars, la crue était attendue pour 17h30. Le coefficient de cette marée est annoncé à 116. La houle a déjà été plus violente, mais n’empêche pas des tonnes de vagues de venir heurter les phares de la passe de Capbreton. Plus au sud, les blockhaus ressemblent à des molaires dépassant de la mousse qui recouvrait le sable de la plage.
Courants et embruns
« La marée haute reste la plus intéressante à photographier. Mais, pour que les embruns explosent contre le phare au bout de l’Estacade, il faut que le courant arrive dans le bon sens », prévient Philippe. Béret accroché sur la tête, moustache au vent, la paume de la main cache la lentille de son reflex pour le protéger des embruns.
Avec leur œil expert, les deux retraités constatent que, oui, « il y a du monde aujourd’hui ». Au-delà de tous ceux qui ont eu lieu sur le toit du casino municipal de Capbreton, un flot de véhicules circule à vitesse très lente le long de l’avenue François-Mitterrand.
“Pour que les embruns explosent contre le phare au bout de l’Estacade, il faut que le courant arrive dans le bon sens”
Le spectacle est aussi dans le chenal, où l’eau fait surface puis submerge les abords de cette entrée de l’unique port des Landes. « La dernière fois que j’ai dit à quelqu’un de ne pas trop m’approcher, on m’a envoyé au gâchis », se plaint Chantal au vu de l’imprudence commise par certains.
Savoir se mouiller
Ayant déjà été submergé par une vague, il lui a appris à rester à sa place. « L’avantage de venir tous les jours, c’est qu’on trouve des petits coins pour rester au sec, souligne Philippe. Pour continuer à s’émerveiller et garder le cœur jeune, ils ne peuvent se contenter de ces marées hautes.
« Être là et ne pas prendre de photo est inconcevable. On recherche des lumières, des reflets, des détails qu’on ne remarque pas forcément », explique Chantal à propos de son hobby. Des photographies contenues dans « trois disques durs », les premiers datent d’une dizaine d’années, à la suite d’un accident de la vie qui a empêché temporairement le septuagénaire de conduire une voiture.
Cette marche forcée depuis son domicile du centre-ville de Capbreton lui a permis de retrouver l’horizon de son enfance. Ce front de mer de Capbreton où ses parents géraient le Café des Arcades. ” Il n’existe plus. Le bâtiment a été détruit. » Elle sait que tout change, sauf les vagues qui continuent de déferler sur la jetée, la longue avancée en bois construite sous Napoléon III pour protéger le port. « Ce matin, j’attendais que l’eau se retire pour aller voir s’il y avait des dégâts importants. »