un village gersois de 60 habitants s’insurge contre l’implantation de parcs agrivoltaïques

l’essentiel
Depuis qu’ils ont entendu parler de projets d’implantation de parcs agrivoltaïques sur leur commune, les habitants de Mirannes et de Saint-Arailles ont retroussé leurs manches pour tenter de les saboter… sans exception. Ce jeudi 22 février, une réunion publique réunissant des opposants et l’un des porteurs du projet, filiale du géant pétrolier italien Eni, s’est tenue à la mairie de Mirannes. Rapport.

Prairies, champs et espaces boisés, le tout sur un territoire vallonné si particulier au Gers. Sans oublier la chaîne des Pyrénées en arrière-plan lorsque la météo s’y prête. C’est ce cadre idyllique dont les habitants de Mirannes et de Saint-Arailles profitent chaque jour depuis leurs fenêtres. Mais pour combien de temps encore ? Plusieurs projets de parcs agrivoltaïques ont en effet été lancés ces dernières années et prévoient l’installation de dizaines d’hectares de panneaux photovoltaïques sur les deux communes du Gers.

Des projets qui ont fini par arriver, un peu par hasard, aux oreilles des habitants… « Ma fille promenait son chien près de chez nous et elle est tombée sur tous les camions (chargés des études géotechniques, NDLR). .. Nous nous sommes posé la question : que se passe-t-il ? Y a-t-il un problème?” se souvient Odile Levêque, habitante de Mirannes. Nous sommes alors en juillet 2023. Pourtant, ces projets sont nés bien avant cette date… 2021 pour celui de la société Plénitude (nous y reviendrons).

Mirannes et Saint-Arailles pourraient voir d’ici quelques années des « champs » de panneaux photovoltaïques fleurir dans les champs environnants.
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Sans surprise, de nombreux habitants ont accueilli la nouvelle avec un œil négatif… Et comme l’union fait la force, sous l’impulsion des plus déterminés, l’association « Protection de la Nature Mirannes Saint-Arrailles » a été fondée « pour avoir tous les projets en main ». », explique Didier Levêque, vice-président de l’association.

“Nous n’avons rien à y gagner”

La raison de la levée de boucliers est souvent la même, que l’on soit à Mirannes, à Saint-Arrailles ou ailleurs en , pour ce type de projets : « On veut qu’il y ait des panneaux photovoltaïques, mais pas autour des habitations, pas ici ! souligne Odile Levêque, membre du conseil d’administration de l’association. “Nous ne sommes pas contre les panneaux photovoltaïques, ce sur quoi nous ne sommes pas d’accord c’est qu’ils soient placés n’importe où, n’importe comment… Sans réflexion au niveau des deux camps”, ajoute son mari Didier.

Habitant un immeuble éloigné du centre du village de Mirannes, le couple n’a aujourd’hui pour seuls voisins que des sangliers et autres cerfs qui s’aventurent hors des espaces boisés environnants. Or, les Levêques pourraient d’ici quelques années, lorsqu’ils ouvriront leurs volets le matin, être entourés de « champs » de panneaux solaires… Un scénario impensable pour eux.

Les documents ont été mis à disposition des participants à la réunion par la société Plénitude.
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Pollution visuelle, impacts négatifs sur la biodiversité, dévalorisation du foncier… De nombreux habitants, notamment ceux proches des « futurs » parcs agrivoltaïques, ne voient que des inconvénients à ces projets… « Il n’y en a pas (d’avantage). Nous n’avons rien à y gagner, à part voir des panneaux photovoltaïques», souligne Odile Levêque. Une seule issue possible serait donc que les projets « échouent ou soient drastiquement réduits pour qu’il n’y ait pas de gêne pour les maisons », confie un autre membre de l’association.

« Où en est le projet aujourd’hui ?

Le début d’un long bras de fer… entre opposants et porteurs de projets. Pour l’une de ces dernières, la société Plénitude, une première prise de température auprès de la population a eu lieu ce jeudi 22 février à la mairie de Mirannes avec la tenue d’une réunion publique. L’occasion pour Pascal Oberling, chargé de développer les projets photovoltaïques au sein de l’entreprise, filiale du groupe pétrolier italien Eni, de présenter les grandes lignes du projet et de « remettre les pendules à l’heure sur certains fantasmes ». L’occasion pour les habitants d’obtenir des réponses à leurs préoccupations. C’est donc une avalanche de questions, alors que la tempête Louis faisait rage dehors, à laquelle a dû faire face le responsable du projet dirigé par l’un des leaders mondiaux de l’énergie.

Du plus basique au plus capricieux. « Qu’est-ce que l’agrivoltaïsme exactement ? Agrivoltaïsme : c’est l’association de la production d’électricité photovoltaïque et, en dessous, de la production agricole. “La station Source la plus proche est à Mirande (…) est-ce que ça veut dire qu’on va avoir de magnifiques lignes à haute tension qui traverseront le territoire ?” Réponse négative, les câbles seront enterrés. « Combien d’hectares seront couverts par des panneaux photovoltaïques ? » demande l’un des participants. « Le projet s’étend sur une superficie de 49 hectares (à cheval sur Mirannes et Saint-Arailles, NDLR), dont 10,8 hectares qui seront recouverts de panneaux photovoltaïques », répond Pascal Oberling.

En décembre 2023, une banderole dénonçant l’agrivoltaïsme a été déployée par les opposants.
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« Où en est le projet aujourd’hui ? ajoute un autre opposant au projet. « Nous sommes au point 0 de l’instruction de la Direction territoriale départementale (DDT) », confie le représentant de l’entreprise Plénitude. Comprenons les débuts du projet. « Cette étape dure, quand ça va très vite, un an et demi et ça peut facilement doubler », précise-t-il. « Quelle hauteur les panneaux atteindront-ils ? » Jusqu’à 3,60 m sur la commune de Mirannes, contre un maximum de 2,87 m dans celle de Saint-Arailles. Le type d’activité agricole envisagé explique cette différence : bovins versus ovins.

Des années de débat à venir

Les questions se sont poursuivies pendant une bonne heure. Les réponses ont plus ou moins convaincu la trentaine de participants à la réunion publique. A l’initiative de l’entreprise Plénitude, deux autres rencontres suivront, une avec la commune, une autre avec les « voisins » des projets.

Qui aura le dernier mot ? Les chefs de projet réviseront-ils leur copie ? Les opposants mettront-ils de l’eau dans leur vin ? Une seule chose est sûre, les projets de parcs agrivoltaïques sur les communes de Mirannes et de Saint-Arailles ne sont pas près d’aboutir. À suivre…


Une aubaine financière pour les agriculteurs

Crise agricole, inflation… De plus en plus d’agriculteurs se laissent séduire par l’idée de louer leurs terres pour un revenu fixe et… juteux. « Pouvons-nous savoir combien un agriculteur reçoit pour la location d’un hectare ? La question a été posée à Pascal Oberling, qui a regardé les agriculteurs présents à la réunion publique de ce jeudi 22 février. Aucun n’a toutefois voulu répondre ouvertement. « Ce n’est pas loin de 3 000 euros (par an, NDLR) par hectare ! » dit l’un des participants. « Je peux répondre car nous avons été approchés par Total. On nous proposait une fourchette de prix entre 1 500 et 2 000 euros l’hectare », renchérit un autre opposant…

2 000 à 3 000 euros par hectare et par an

« Il y a des choses qui ne concernent que les concernés », répond enfin le porteur du projet pour mettre fin aux spéculations. Mais les habitants de Mirannes et de Saint-Arailles connaissent la vérité : le loyer perçu en moyenne en France se situerait autour de 2 000 à 3 000 euros par hectare et par an.

Odile et Didier Levêque (les deux premiers en partant de la gauche) sont de farouches opposants aux projets de parcs agrivoltaïques.

Odile et Didier Levêque (les deux premiers en partant de la gauche) sont de farouches opposants aux projets de parcs agrivoltaïques.
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« C’est sûr qu’au vu des difficultés que rencontrent les agriculteurs, c’est une aubaine pour eux », réagit Odile Levêque, habitante de Mirannes. Un revenu fixe, crédité sur le compte sans effort et dans un contexte de crise de l’agriculture française, voilà ce qui a poussé Thierry Dubie à franchir le pas. « C’est un deux en un, il ne faut pas le cacher. Il faut aussi être honnête», partage l’agriculteur et éleveur qui, si le projet de parc agrivoltaïque se concrétise, envisage d’installer des génisses sous les panneaux photovoltaïques.

« Optimiser les terres agricoles isolées »

Basé dans les Hautes-Pyrénées, à Villembits, commune dont il est également maire, Thierry Duvie voit aussi ce projet comme une opportunité de se simplifier la vie. « Jusqu’à présent, je faisais des allers-retours. Chaque année, je venais faucher le foin… » explique-t-il. Et de poursuivre : « Ce projet me permet d’optimiser les terres agricoles isolées. »

Mais loin d’oublier ses « voisins », Thierry Dubie ne compte pas refuser le dialogue : « J’ai eu M. Levêque, je lui ai dit : je vais vous donner mon email, faites-moi un plan et dites-moi quelle est la limite acceptable ( d’hectares couverts par des panneaux photovoltaïques) pour vous… »

 
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