l’essentiel
Le sac à dos a-t-il été retrouvé fin septembre en Ariège, dans le glacier d’Arcouzan au pied du Mont Valier, perdu dans la chute mortelle d’un jésuite de Barèges en juillet 1981 ? Alors que les premiers témoignages arrivent, le mystère demeure.
L’annonce, mardi 3 octobre dans nos colonnes, de la découverte dans le glacier d’Arcouzan d’un sac à dos datant probablement des années 80, n’est pas passée sans écho. Dès l’annonce de la nouvelle, la première personne a contacté Matthieu Cruège, le directeur du Parc naturel des Pyrénées ariégeoises (PNR), qui a découvert la relique fin septembre lors d’une expédition de surveillance du glacier.
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Un homme m’a appelé mardi pour me dire qu’il avait perdu son sac à dos sur le glacier en 1986, raconte Matthieu Cruège. Il m’a expliqué qu’il discutait lorsqu’un coup de vent a projeté le sac dans une crevasse. Il était très ému. Il y avait des objets collés dessus, comme une broche à glace, mais son sac était rouge vif alors que celui que nous avons trouvé était rose.
Un autre témoignage ne manque pas d’intérêt, même s’il reste risqué de relier définitivement le sac à dos retrouvé à l’accident signalé.
Un camp de montagne jésuite
« J’ai connaissance d’un accident mortel au Mont Valier, fin juillet 1981 », annonce Marije Moreau, une femme de 65 ans résidant aujourd’hui à Lasseubetat, au pied de la vallée d’Ossau, dans les Pyrénées-Atlantiques. . « A l’époque, j’avais 23 ans et j’étais responsable du Camp Bernard Rollot, un camp de montagne tenu par les Jésuites et situé à Barèges, dans les Hautes-Pyrénées, qui proposait des courses hebdomadaires en montagne, encadrés par un bénévole formé à le camp. Nous, les jeunes, avons pris un peu le dessus dans l’autogestion, j’y ai passé sept ou huit saisons. J’ai même été président à un moment donné.
Fin juillet 1981, un groupe part pour le secteur du Mont Valier. « C’était extrêmement bien organisé, se souvient Marije Moreau, avec des fiches de course, un leader de course, des horaires de départ et de retour, et on a vérifié au retour qu’il y avait tout le monde. Ce jour-là, quand j’ai vu qu’ils étaient en retard, j’ai donné l’alerte.
Sur le mauvais chemin
D’après ses souvenirs, le leader de la course a commis une erreur au retour en prenant le mauvais chemin. Un bénévole de 38 ans, Régis Challamel, est alors tombé, tout comme une jeune femme qu’il a néanmoins réussi à retenir. Si ce dernier s’en est sorti avec une fracture du bassin, le malheureux volontaire a perdu la vie, ce que confirme son acte de décès, le 29 juillet 1981 à Seix, commune dont dépend le Mont Valier.
« Au moment où les secours sont arrivés, son neveu avait des engelures », se souvient Marije Moreau. « Je connaissais l’un des participants ; c’était sa première sortie en montagne, c’était sa dernière… » Et, assure-t-elle, un sac à dos aurait été perdu dans l’accident.
Coincé quatre jours dans un couloir dangereux
Souvenirs qui semblent confirmés par un article de « La Dépêche du Midi » du 3 août 1981. Un groupe de personnes originaires des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Garonne aurait pris un mauvais chemin au retour d’une ascension du Mont Valier, rapporte cet article, pénétrant dans un dangereux couloir rocheux au lieu du sentier de randonnée en hauteur qu’ils avaient l’intention d’emprunter.
D’importants moyens de recherche ont alors été déployés, avant de retrouver à la dernière minute sept personnes affamées et épuisées. Selon le même article, une personne était portée disparue, tandis qu’une autre souffrait d’une fracture du fémur. Les malheureux excursionnistes seraient restés bloqués dans le couloir rocheux pendant quatre jours, confirmant indirectement la date du 29 juillet.
Le sac à dos d’Arcouzan est-il bien celui du malheureux jésuite ? Difficile à dire, car un élément sème le doute. Dans le sac se trouvait en fait un tube de moutarde datant des années 1980. « Mais la date limite de consommation est novembre 1987, précise Matthieu Cruège, c’est peut-être un peu loin de 1981, même si la moutarde se conserve longtemps. “
“Le glacier était brut, nous n’avons pas trop cherché”
Les autres objets trouvés dans le sac – cagoule, médicaments, cuillère, couverture… – ne parlent guère d’eux-mêmes. « Mais on n’a pas trop cherché, reconnaît le directeur du PNR des Pyrénées ariégeoises. Le glacier était brut, nous ne souhaitions pas vraiment rester dans une zone crevassé, mais si nous identifions vraiment la personne, nous pourrons revenir sur les lieux pour récupérer le reste. Nous espérons juste que ce fut un jeu d’enfant… »
Matthieu Cruège a informé les brigades de gendarmerie de Castillon-en-Couserans et de Seix de sa découverte, ainsi que le PGHM de Savignac-les-Ormeaux. « Mais ce n’est pas si simple », constate le lieutenant Jean-Marc Galin, le chef du PGHM. “On a des antécédents d’accidents qui datent des années 1980, mais après il y a peut-être des prélèvements à faire, le procureur s’inquiète, on ne peut pas ouvrir une enquête comme ça.”
Marije Moreau et son mari se sont lancés dans des recherches plus approfondies, scrutant les cartes pour réveiller et vérifier ses souvenirs. Le mystère du sac à dos d’Arcouzan n’est pas encore résolu. Cela ne le sera peut-être jamais.