Julien V., 29 ans, incarcéré à Fleury-Mérogis, doit sans doute nourrir beaucoup de regrets. Comme celui d’avoir trop étalé sa vie sur les réseaux sociaux. Pour avoir exposé sa richesse et révélé les clés de sa réussite.
Dans un long article, nos confrères de Parisien raconte l’histoire de ce jeune entrepreneur né à Nice et élevé en région parisienne par une mère célibataire.
Ce presque trentenaire possédait pas moins de trois maisons, ainsi qu’une voiture de course, une Lamborghini EVO Huracan d’une valeur de 600 000 euros. De quoi alimenter suspicion, jalousie et fantasmes. Mais aussi du désir.
C’est avec 5 000 euros en poche qu’il quitte Paris et devient dix ans plus tard “le prince de la réplique”. C’est en vendant de fausses montres de luxe que Julien V. a fait fortune.
24 inscriptions à son casier judiciaire
Vol, le jeune homme commet dès l’âge de 12 ans. Principalement des vols. Ensuite d’autres mentions seront ajoutées à son dossier. Extorsion, dégradations, trafic de drogue… Il totalisera 24 mentions en peu de temps. C’est en vendant faux billets Disneyland qu’il se lance dans la contrefaçon.
A 14 ans, il ne va plus à l’école et cinq ans plus tard il part en Chine. Là, il s’immisce dans le monde du commerce international et commence à expédier en France des copies de sacs des plus grandes marques comme Chanel, Dior et Hermès.
Le travail se fait en famille, puisqu’il sa mère qui se charge de réceptionner les produits et de récupérer l’argent de la vente. La circulation sera démantelée et Florence, la mère, sera la seule condamnée.
Des sacs aux montres
Coincé mais certainement pas abattu, Julien V. trouve un autre moyen de gagner de l’argent dans le faux. « En Chine, il visite les grossistes, entre dans les usines. La plupart n’ont que des initiales comme nom, mais disposent des ressources techniques nécessaires pour produire des copies quasiment indétectables de montres de luxe. »comme signalé Le Parisien.
C’est alors qu’il leur fournira les pièces détachées et commencera par s’enrichir de ces copies de qualité accompagnées de fausses cartes d’authenticité et de fausses boîtes quasiment indétectables, qu’il vend environ 500 euros. Il se spécialisera alors dans ce qu’on appelle les « doublettes ».
Le Français commandera de vraies montres, des Submariners de Rolex par exemple, et il en dupliquera le numéro de série. Par modèle, il empochera entre 1 000 et 1 500 euros.
« Les premiers clients ont été bluffés »
« Beaucoup de gens n’ont pas les moyens d’acheter telle ou telle montre de luxe, car elles atteignent des prix exorbitants. à l’oreille. Les premiers clients ne pouvaient pas croire à la qualité des répliques parfaites. »se vante-t-il dans une auto-interview sur son site Internet, Prestige Replicas.
Pendant ce temps, Julien V. va s’installer en Thaïlande où il se mariera et deviendra père de trois enfants. Dans l’une de ses maisons, il ira même jusqu’à installer un faux showroom de Rolex.
En Chine, son affaire tourne comme sur des roulettes grâce à Kan Kank, chargé de photographier les produits, et à Jacky et Mimi, un père et sa fille, qui expédient les commandes.
De son côté, Le Parisien s’occupe de la promotion et de la vente des produits sur les réseaux sociaux comme Instagram, Snapchat, Telegram et fournit également les adresses de livraison. Les colis transitent par l’Allemagne pour éviter d’être interceptés par les douanes.
Des commerciaux, comme Florian R., dont nous parlerons plus tard, rejoignent l’équipe. Certains d’entre eux vendront jusqu’à vingt « doublets » par mois en utilisant certaines techniques commerciales comme “promotion seulement ce jour” ou « Si tu trouves moins cher ailleurs, je ferai la queue ».
Des influenceurs comme Salade niçoise feront également la promotion de ses contrefaçons. Selon Le Parisien, elle va multiplier par quatre son chiffre d’affaires.
Julien V. a réussi à commercialiser des pièces rarissimes, comme un fausse Patek Philippe produite pour 65 000 eurosou encore une Rolex Daytona en platine à 40 000 euros qu’il revendra 70 000 euros.
Face à des contrefaçons au succès phénoménal, la Fédération horlogère suisse (FHS) a engagé des enquêteurs privés. L’un d’eux examinera de plus près les affaires de Julien V. et enverra à la douane un rapport très complet sur le Français.
Menace et harcèlement
Expert référent du Rolex Club basé en Corse, Michel Vittini, qui est aussi un grand marchand de montres de collection, viendra s’intéresser de plus près à ces fausses montres qui envahissent la France.
« J’ai découvert que ces montres de très bonne facture portaient très souvent le même numéro de série.il explique à Parisien. Petit à petit, il constitue une base de données d’une soixantaine de numéros de série contestés, qu’il publie en 2020.
L’enquête menée par le Corse dérange. Son compte Instagram est piraté et il sera victime de plusieurs appels téléphoniques. Ses interlocuteurs n’hésiteront pas à le menacer, à insulter sa défunte épouse.
Ils iront même jusqu’à le menacer de violer sa fille mineure et publieront des photos d’elle sur Internet. Toutefois, Michel Vittini continue d’enquêter.
Cela ne gêne toutefois pas Julien V.. L’argent collecté est caché dans la cryptomonnaie et tous ses biens sont au nom de sa femme, comme l’exige la loi thaïlandaise. Fin 2019, il inaugure une concession Yamaha à Phuket et la presse était présente.
Il tentera également de monter une discothèque-chicha dans laquelle se produiront les rappeurs français du moment. Ils versent 1,2 million à des partenaires qui lui promettent succès et prospérité. Ils prendront la fuite avec l’argent et l’établissement n’ouvrira jamais.
En juin 2022, Florian R., l’un des 39 revendeurs du contrefacteur, a été arrêté alors qu’il retirait deux fausses Rolex dans un bureau de poste.
C’est ce qui a attiré l’attention des autorités françaises sur Julien V. qui se sont alors tournées vers leurs homologues thaïlandais. Le 14 décembre 2022, la maison de Julien V. est perquisitionnée, mais le Français n’est pas là puisqu’il est déjà en prison.
Deux mois plus tôt, il s’en était pris à un père qui l’avait suivi pour prendre une photo de sa Porsche Panamera. L’homme a été frappé et est tombé dans un profond coma.
La police française se rend à Samui pour l’interroger. Ils recevront une pluie d’insultes et de menaces. “Je vais en mettre 200 000 sur chacune de vos têtes !”il leur lance. «J’emmerde l’ambassade. Je vais tous vous tuer. « Une bande de fonctionnaires à 1 500 euros ! Je ne retournerai jamais en France.
Mais Julien V. revient rapidement sur ses propos. Le système carcéral thaïlandais étant peut-être trop dur à vivre, il demande à être emprisonné en France. Il financera lui-même son retour face au refus de la justice française d’assumer ce transfert.
12 000 ventes
Au juge d’instruction, il dira avoir réalisé 12 000 ventes. Michel Vittini pense fermement qu’il ment. « Les numéros de série corrompus que j’ai identifiés ont chacun été utilisés pour au moins un millier de répliques. Au minimum, il a donc produit au moins 50 000 Rolex.»
La fortune de Julien V. ? Envolée. Selon lui, il ne reste plus rien de ses économies conservées en cryptomonnaie…
Lundi 28 août, celui qui est mis en examen pour « contrefaçon », « escroquerie » et « blanchiment » a formulé une nouvelle demande de mise en liberté. Il jure qu’une fois sa détention terminée, il s’installera en France, loin de ce lucratif business avec lequel il s’est enrichi depuis des années.
Sa boutique en ligne Prestige Réplica continue de fonctionner, avec ou sans Julien V.