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Thomas Castel veut croire en sa bonne étoile

Thomas Castel a le don de vous faire rouler les yeux. Et c’est une chance, car il se passe de belles choses là-haut, une fois la nuit tombée. Comètes et constellations offrent leur spectacle scintillant, la lune s’éclipse parfois discrètement et les aurores boréales en montrent de toutes les couleurs à qui ouvre les yeux.


La super lune bleue au-dessus de la statue d’André-Darrigade à Narrosse, le 19 août 2024.

Thomas Castel

Des images parfois rares, toujours magiques, que le photographe indépendant de 42 ans capte le plus souvent depuis les hauteurs du moulin de Bénesse-lès-Dax et partage sur sa page Facebook, suivie par plus de 3 800 personnes. Certaines ont été virales, comme l’arrivée à toute vitesse d’un gigantesque arcus martial, au-dessus de la jetée de Capbreton, le 31 août 2024, ou la super lune bleue illuminant la statue du champion du monde de cyclisme André Darrigade à Narrosse, en août. 19.

« J’aime partager ce que je vois, confie Thomas Castel. Je pense que si j’étais né à une autre époque, j’aurais peint ou écrit des histoires. C’est mon appareil photo qui fait tout, qui capte l’émotion. Je suis juste là au bon moment. »

La mort en arrière-plan

Mais avant de capturer une étoile filante, il faut se lever tôt. Thomas Castel, « à l’affût de tout », est parfois posté à 4 heures du matin au pied du moulin de Bénesse-lès-Dax, traquant le moment où il doit s’empresser d’appuyer sur le déclencheur.

« Pour les aurores boréales, j’y ai passé plusieurs nuits. Pour ceux que nous avons pu observer en octobre 2024, j’étais seul et il faisait très froid, se souvient-il. De nombreuses personnes sont parties sur le coup de minuit. Et puis le ciel s’est ouvert vers 1h du matin je suis resté jusqu’à 9h du matin, mes doigts étaient violets ! Mais ça fait des souvenirs, il faut le faire, montrer aux gens que ça existe. Ce sont des choses à célébrer. Instinctivement, dans ces moments-là, je me sens connecté à quelque chose que je n’arrive pas encore vraiment à définir, mais qui me rappelle la chance que j’ai d’être encore en vie pour être témoin de tout cela », confie le photographe.


La magie des aurores boréales, vue depuis le moulin de Bénesse-lès-Dax.

Thomas Castel

La bonne étoile du jeune homme l’a en effet laissé derrière lui. Thomas Castel qui, avant la pandémie de Covid-19, était photographe professionnel, alternant contrats entre le Sud-Ouest et l’île de la Réunion, a vu ses contrats disparaître en raison des différents confinements. Et en 2022, il est victime d’un accident médical. Ce fut le début d’une descente aux enfers dont le quadragénaire souffre encore aujourd’hui de stress post-traumatique.

Fonte musculaire

« Un jour, j’ai ressenti une douleur dans le bas de mon ventre et les médecins ont soupçonné une infection urinaire, mais ils se sont trompés », raconte-t-il. Un antibiotique puissant, de la famille des quinolones, est prescrit. Aucun effet secondaire n’est attendu. Le quadragénaire se sent comme « une mauvaise grippe » quelques heures après avoir pris le médicament. Il finit par s’endormir mais les choses empirent à son réveil. «Quand je me suis levé, je suis tombé. Je n’ai pas compris, j’étais confus. Je ne pouvais pas me lever, je n’avais plus de force dans mes jambes. En deux, trois heures, c’était ruiné. »

Pendant sept jours, Thomas Castel va des urgences de Dax à celles de Bayonne. « On m’avait dit que ça passerait dans deux jours, sauf que ça n’est jamais arrivé. J’ai eu tous les effets secondaires de l’antibiotique, sauf la tachycardie : crises d’angoisse, crises suicidaires. Surtout, il s’attaque à l’ADN des tendons, ce qui fait qu’on se retrouve avec une force de bébé. »

Le photographe a passé le mois suivant allongé sur le canapé d’un ami. Ses muscles fondent visiblement : il perd 10 centimètres de tour de cuisse. « Quand je suis retourné chez le médecin, en juin 2022, on m’a dit de me procurer un fauteuil roulant, qu’on ne pouvait rien faire pour moi. »


Un avion passe dans la nuit, quelques secondes avant l’occultation de Saturne par la Lune.

Thomas Castel

Pendant cinq mois, Thomas Castel a survécu, toujours en proie à l’anxiété et aux attaques suicidaires. Jusqu’au jour où il appelle la clinique Napoléon de Saint-Paul-lès-Dax en lui disant qu’il va faire le pire. « J’étais arrivé au bout de mes forces. Ils m’ont dit de tenir le coup, qu’une place se libérerait. C’était en novembre. Je me suis dit : « Il y a des médecins, des infirmières, des kinés… J’ai une chance de m’en sortir, je dois juste me concentrer sur la rééducation ». »

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La clinique vient de se doter d’un tapis roulant permettant la rééducation avec une réduction du poids corporel et le fonctionnement mécanique de la marche. « Nous sommes en apesanteur, en fait, explique le photographe. Grâce à cette machine, j’ai pu remettre en marche l’articulation car mon pied était devenu rigide. J’ai dit au médecin : « Je ne sortirai pas avant d’avoir fait le tour du lac Christus. » C’est ce qui s’est passé quatre mois plus tard. C’est l’envie de reprendre des photos qui m’a poussé à avancer. On pourrait dire que la photographie m’a sauvé la vie. »

La Feriascapade, symbole fort

Revenir à la nature est bénéfique. Le stress diminue, les crises d’angoisse deviennent moins fréquentes. «Quand j’ai recommencé la photographie de nature, j’ai vu des choses que je ne voyais plus avant», poursuit le photographe. C’est alors que j’ai créé ma page Facebook, pour partager tout ça. J’ai photographié la chaîne des Pyrénées depuis le Grand Mail, à Saint-Paul-lès-Dax. Cela a tout de suite pris. »

Au fil des séances de kinésithérapie, d’ostéopathie, mais aussi grâce à des recherches personnelles, Thomas Castel retrouve peu à peu force et énergie. Son travail en souffre. « Quand j’ai pu reprendre le volant et me rendre à Capbreton, mes photos reflétaient ma progression. Cela signifiait : « Écoutez, je suis arrivé jusqu’ici. »


La comète Tsuchinshan-Atlas a été photographiée au-dessus de l’océan, au large de Capbreton le 12 octobre 2024.

Thomas Castel

Le jeune homme ne s’arrête pas là. Après avoir fait le tour du lac Christus, il se lance un défi ambitieux. « Mon ostéo m’a dit que ce serait un symbole fort pour les victimes si je parvenais à diriger la Feriascapade. C’est resté au fond de mon esprit. Je pensais que si j’allais à mon rythme, je pourrais le faire. » Le lendemain de ses 42 anse anniversaire, sous une pluie battante, Thomas Castel a bouclé le parcours de 10 kilomètres de la course d’ouverture de la Feria de Dax en 1h30.

Besoin de matériel

Le défi relevé injecte une dose d’espoir et d’optimisme chez le jeune homme : il se sent prêt et suffisamment armé pour travailler à nouveau à son compte. Mais là encore, le chemin est sinueux. « Je suis considérée comme une personne handicapée et à ce titre j’ai droit à une aide « entreprise ». Quand j’ai décidé de relancer, c’était 6 300 euros. Mais le 1est En janvier 2025, l’État l’a abaissé à 3 000 euros. Pour l’obtenir, mon projet doit s’élever à 7 500 euros et je dois contribuer 4 500 euros, ce qui est impossible étant donné que je n’ai aucun revenu. »

D’où la création d’une cagnotte en ligne pour l’aider dans son projet. « Il me faudrait 5 000 euros, cela correspond à l’achat de matériel adapté à mon handicap. Mon ancien Reflex est très lourd, au moins quatre kilos. Sur une journée qui peut durer seize heures, c’est très compliqué. Je devrais travailler avec des appareils pesant 1 kilo maximum. »

Malgré tout, Thomas Castel continue de traquer les étoiles avec son matériel, jusqu’à son téléphone portable, qui a notamment servi à photographier l’arcus de Capbreton.

« Ce n’est ni confortable ni fiable. Mon ancien appareil a un peu trop souffert. En gros, c’est comme une voiture avec 650 000 kilomètres : le capteur peut tomber en panne à tout moment. J’ai des projets en tête pour faire beaucoup plus, en ce moment j’en suis à 20% de ce que je sais faire. Je perds les demandes des clients. Je considère qu’on m’a retiré un droit, c’est comme si on m’avait donné un couteau. Je ne veux pas retomber. » En attendant, Thomas Castel « garde espoir » et continue de lever les yeux au ciel, sans jamais baisser les bras.


L’Arcus au-dessus de l’Océan à Capbreton, le 31 août

Thomas Castel

 
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