Dans notre étude publiée aujourd’hui, 14 novembre 2024, dans la revue Astronomie naturelle nous démontrons qu’il existe une connexion entre la région proche d’un trou noir et sa galaxie hôte car les jets émis par le trou noir sont alignés avec le reste de la galaxie.
Une nouvelle analyse des données du radiotélescope relie la forme des galaxies aux trous noirs qu’elles abritent. Les trous noirs ne sont pas diversifiés. Ils sont toujours d’une seule couleur (noir) et d’une seule forme (sphérique). La seule qualité qui peut varier d’un trou noir à l’autre est la masse.
En général, les trous noirs que nous avons détectés sont soit des trous noirs de masse stellaire, soit des trous noirs supermassifs. Les trous noirs de masse stellaire sont proches de la masse de notre Soleil (1030 kg) et la taille d’une ville. Les trous noirs supermassifs sont beaucoup plus massifs (un million de fois la masse du Soleil) et ont à peu près la taille du système solaire. Cependant, aussi massifs que soient ces trous noirs, ils ont toujours une masse assez faible, souvent bien inférieure à 1 % de la masse stellaire totale de sa galaxie. Elles sont également beaucoup plus petites que leurs galaxies hôtes, de l’ordre d’un million de fois leur rayon.
Un alignement à des échelles très différentes
Dans les nouveaux résultats que nous publions aujourd’hui 14 novembre dans Astronomie naturellenous avons découvert qu’il existe un lien entre la région proche du trou noir et la galaxie hôte, car les jets émis par le trou noir sont alignés avec le reste de la galaxie, malgré des échelles très différentes.
Les trous noirs supermassifs sont assez rares. Notre galaxie, la Voie Lactée, en possède une (appelée Sagittaire A* pour la constellation dans laquelle elle se trouve) en son centre. Toutes les galaxies semblent également abriter un (ou parfois deux) trous noirs supermassifs en leur cœur. Les centres, ou noyaux, de ces galaxies lointaines peuvent devenir actifs, car la poussière et les gaz sont attirés vers le noyau sous l’attraction gravitationnelle du trou noir.
Ils ne tombent pas immédiatement, car ils tournent fortement et forment un disque de matière chaud, appelé disque d’accrétion. Ce disque d’accrétion, du fait de son champ magnétique intense, génère à son tour un jet surchauffé de particules chargées qui sont éjectées du noyau à des vitesses très élevées, proches de la vitesse de la lumière. Lorsque cela se produit, on parle de quasar (Source de rayonnement quasi-stellaire).
Un télescope de la taille de la Terre
Une manière courante d’étudier les jets quasar consiste à utiliser l’interférométrie à très longue base (VLBI). Le VLBI permet à différents radiotélescopes de fonctionner en tandem, les transformant en un seul télescope de la taille de la Terre. La résolution spatiale est alors bien supérieure à celle obtenue avec les télescopes optiques ou infrarouges.
Cet « œil massif » est bien plus efficace pour résoudre les détails les plus fins que n’importe quel télescope individuel, permettant aux astronomes de voir des objets et des structures beaucoup plus petits que ceux visibles à l’œil nu, ou même avec un télescope optique. C’est la technique qui a été utilisée pour créer « l’image du trou noir » pour le halo de lumière généré par le trou noir supermassif hébergé par la galaxie M87.
Ainsi, grâce à cette approche haute résolution, le VLBI permet aux astronomes d’étudier ces jets jusqu’à quelques années-lumière ou moins de leur origine : le trou noir. La direction du jet à de si petites échelles nous renseigne sur l’orientation du disque d’accrétion, et donc potentiellement sur les propriétés du trou noir lui-même. Et c’est actuellement le seul moyen d’obtenir de telles données.
Qu’en est-il des galaxies hôtes elles-mêmes ? Une galaxie est un objet tridimensionnel composé de centaines de milliards d’étoiles. Mais il nous apparaît (observé optiquement ou en infrarouge) en projection, soit sous la forme d’une ellipse 2D, soit sous la forme d’une spirale.
Nous pouvons mesurer la forme de ces galaxies, en traçant le profil de la lumière des étoiles, et mesurer le grand axe et le petit axe de la forme bidimensionnelle.
Dans notre article récemment publié dans Nature Astronomy, nous avons comparé la direction des jets de quasar avec la direction du petit axe de l’ellipse de la galaxie, et avons constaté qu’ils sont connectés. C’est surprenant, car le trou noir est si petit (le jet que nous mesurons ne mesure que quelques années-lumière de long), comparé à la galaxie hôte (qui peut mesurer des centaines de milliers d’années-lumière de large). Il est surprenant qu’un objet aussi petit (relativement) puisse affecter, ou être affecté, par l’environnement à une si grande échelle. On pourrait s’attendre à voir une corrélation entre le jet et l’environnement local, mais pas avec la galaxie dans son ensemble.
Cela a-t-il quelque chose à dire sur la façon dont les galaxies se forment ? Les galaxies spirales entrent parfois en collision avec d’autres galaxies spirales et forment des galaxies elliptiques, qui apparaissent dans le ciel sous forme d’ellipses. Au cours du processus de fusion, le phénomène des quasars se déclenche d’une manière que nous ne comprenons pas entièrement. C’est pour cette raison que presque tous les jets détectables à l’aide du VLBI sont hébergés dans des galaxies elliptiques.
L’interprétation exacte du résultat reste mystérieuse, mais elle est importante dans le contexte de la récente découverte par le télescope spatial James Webb de quasars très massifs (avec des trous noirs supermassifs), qui se sont formés beaucoup plus tôt que prévu dans l’univers. Il est clair que notre compréhension de la formation des galaxies et de l’influence des trous noirs sur ce phénomène doit être mise à jour.
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