(Québec) La Cour supérieure vient de débouter les promoteurs immobiliers qui voulaient construire des maisons sur le site d’un des rares vestiges de la Première Guerre mondiale au Québec.
Les promoteurs du Domaine Saint-Laurent, situé à Beaumont, près de Lévis, souhaitent construire sur un terrain qui contient les vestiges d’une position défensive construite par le Canada pour protéger le fleuve d’une incursion ennemie en 1914.
Pourtant, Québec a protégé le lieu en 2023, devenu depuis le site patrimonial du Fort-de-Beaumont. En effet, cette décision empêche les promoteurs Simon Breton et Henriette Martineau de construire sur neuf lots dans leur deuxième phase, selon leur avocat.
Les promoteurs avaient demandé au tribunal d’invalider la décision québécoise et de retirer la protection de ces vestiges, ce que le juge Denis Jacques a rejeté dans une décision rendue lundi.
« L’intérêt privé des promoteurs immobiliers a cédé la place à l’intérêt de la population à préserver ces vestiges de la Première Guerre mondiale comme le suggéraient les experts du ministère », écrit le juge.
La décision a été saluée mercredi par la Fondation Vimy, vouée à préserver la mémoire de la Première Guerre mondiale.
« Nous sommes heureux que la désignation du Fort-de-Beaumont comme site patrimonial soit maintenue. Ce site représente un élément important et rare de l’histoire militaire de la Première Guerre mondiale au Québec et souligne la nécessité de préserver notre passé commun pour les générations futures », a réagi la Fondation dans un courriel à La presse.
Défendre le Canada
Le fort Beaumont a été construit en 1914 sur un promontoire surplombant le fleuve et l’île d’Orléans, et qui offre au loin une vue sur les montagnes de Charlevoix.
La batterie était équipée de deux canons de type Vickers de six pouces, pilotés par une garnison du 6ee Régiment d’artillerie de Lévis. Il s’agit du plus ancien régiment d’artillerie francophone au Canada.
-« Ce système défensif témoigne de l’importance du port de Québec dans la stratégie militaire canadienne, étant l’un des deux ports les plus importants pour l’expédition outre-mer de soldats, de matériel de guerre, de munitions et de nourriture pour les troupes alliées en Europe », écrivent des experts du Ministère de la Culture du Québec dans un rapport en 2021.
Les canons furent retirés en 1920. L’une des bases – appelées « casemates » – fut détruite. De l’ancien fort de Beaumont, il ne reste que les ruines d’une casemate et d’une chambre à munitions.
Un archéologue du ministère concluait, en mars 2021, que ces vestiges présentent un « intérêt archéologique supérieur », et qu’ils sont « les seuls vestiges d’ouvrages défensifs associés exclusivement à la Première Guerre mondiale ».
Une expropriation déguisée ?
La décision de la Cour supérieure confirme la protection du site patrimonial du Fort-de-Beaumont. L’avocat du promoteur immobilier affirme que ses clients sont déçus du verdict. Il les rencontrera prochainement pour analyser la possibilité de faire appel.
“Nous allons évaluer la situation, qui n’est pas simple pour nos clients, car ils sont immobilisés dans leur lotissement à cause de cet avis du ministre que nous contestons”, souligne M.e Réjean Roy.
« Nous parlons d’une ancienne base de canons complètement dégradée. On a des rapports d’évaluation qui disent que pour le restaurer, il faudrait 250 000 $, explique M.e Roy. C’était en 2021, imaginez aujourd’hui. Et tout cela pour réhabiliter une base de canons détériorée, construite en 1914, qui n’a jamais été utilisée ! »
Les promoteurs immobiliers ont actuellement une deuxième requête devant le tribunal. Ils réclament 2,09 millions à la municipalité de Beaumont et à Québec pour expropriation déguisée. Cette affaire n’est toujours pas résolue.
Le maire de Beaumont n’a pas souhaité commenter l’affaire mercredi, compte tenu de la demande de dommages et intérêts qui n’a toujours pas été résolue. La municipalité souhaite développer le site comme espace d’interprétation naturelle et historique.