L’univers numérique vient de franchir un seuil sans précédent. Début novembre, des chercheurs du Laboratoire National d’Argonne, soutenus par le Département américain de l’Énergie, ont exploité Frontier, le supercalculateur le plus rapide au monde, pour réaliser une simulation cosmologique à une échelle sans précédent.
Crédit : Laboratoire national d’Argonne, Département américain de l’énergie
Grâce à Frontier, situé au laboratoire national d’Oak Ridge, l’équipe a établi un record en simulant l’évolution des gaz, des étoiles et des galaxies sur des milliards d’années. Cet exploit combine deux aspects fondamentaux de la physique : matière conventionnel et matière noireleur interaction la force gravitationnelle ayant été calculée à une échelle jamais atteinte auparavant. Les résultats permettent de comparer directement ces modèles à observations à partir de télescopes géants comme l’Observatoire Rubin. Selon Salman Habib, chef de projet et directeur des sciences informatiques à Argonne, ces simulations cosmologiques nécessitent de modéliser un « cocktail complet » d’effets physiques. Cela inclut la gravité, dynamique les gaz chauds et la formation de structures complexes comme les trous noirs. Jusqu’à récemment, ces simulations restaient inaccessibles en raison des limites des calculs conventionnels.
Pour rendre cela possible, le code utilisé, HACC (Hybrid Accelerated Cosmology Code), a été profondément optimisé. Conçu à l’origine pour les supercalculateurs de la génération précédente, il a été repensé dans le cadre du projet ExaSky pour exploiter la puissance des GPU modernes. Résultat : une exécution 300 fois plus rapide que les précédents tests sur Titan, l’ancien détenteur du record du supercalculateur.
Grâce à ses 9 000 nœuds de calcul et ses processeurs AMD Instinct MI250X, Frontier a permis de simuler de grands volumes astronomiques, offrant une vision ultra détaillée de l’évolution cosmique. Ces simulations ne se limitent pas à la taille, mais incluent également des détails physiques cruciaux, tels que le comportement des baryons et l’influence des trous noirs supermassifs.
Bronson Messer, directeur scientifique de l’Oak Ridge Leadership Computing Facility, souligne que cette avancée constitue autant une prouesse technique qu’un bond scientifique. Il rapproche les modèles théoriques de la réalité observée, ouvrant de nouvelles perspectives pour l’analyse des données des observatoires.
Le projet a également bénéficié de l’infrastructure des laboratoires Lawrence Berkeley et Argonne, où des versions préliminaires du HACC ont été testées. Ce travail marque une étape majeure vers une ère où la simulation numérique de l’Univers rivalise avec la complexité de l’Univers réel.