La station vaudoise peine à disposer d’un enneigement naturel suffisant. Il symbolise le déclin des stations de moyenne montagne.Image : CLÉ DE CLÉ
La station vaudoise est le symbole des territoires de moyenne montagne touchés par le réchauffement climatique. Ses habitants se sentent laissés pour compte et les autorités s’opposent à une loi restrictive pour le développement de la ville. Rapport.
En arrivant aux Mosses, on sent le bon air de la montagne, le froid enveloppant qui l’accompagne. La station perchée à 1’465 mètres d’altitude est connue comme carrefour des écoles vaudoises, des familles, du ski de fond et pour être un lieu incontournable des cyclistes avides de dénivelés, des motocyclistes et des automobilistes de passage.
C’est avant tout un territoire emblématique de ces stations de moyenne montagne frappées de plein fouet par le réchauffement climatique. Quand on lance les débats, les habitants haussent les épaules et déplorent les autorités qui abandonnent la gare.
Autre sujet de discussion : l’étude d’un projet de 177 canons à neige avec un pipeline de 22 kilomètres qui devra être construit à partir du lac Hongrin. Les autorités espèrent pouvoir le mettre en place pour la saison hivernale 2025/2026.
Pour en parler, il faut se rendre auprès de l’âme de la station : Nicole Blatti. Joyeuse et ensoleillée à 91 ans, la propriétaire du magasin Blatti Sports est devenue la gardienne du passé de la station : « Nous avons ouvert le magasin en 1964, avec mon mari, raconte-t-elle avec un large sourire, et plus de cinq les générations se bousculent entre ces murs.
Le magasin Blatti Sports.Image : Watson
Ce golfeur dans l’âme et ancien moniteur de ski se souvient des années glorieuses de la station, où le printemps n’avait jamais trouvé sa place. « Il tombait un mètre de neige par nuit », poursuit-elle. La discussion déborde sur la fermeture de la télécabine du Pic Chaussy, autrefois fleuron de la station. «Une des pistes les plus difficiles de toute la Suisse», s’exclame le propriétaire du magasin de sport. Construit en 1963, il fut fermé en 1987 pour des raisons financières. Un projet de réhabilitation de 29 millions d’euros pour revitaliser la zone a été présenté, mais abandonné en 2007 après un appel du WWF.
Image : Watson
Nicole Blatti, regardant vers les vaches qui paissent dans le pré voisin, expose alors une vérité ressentie dans le village vaudois :
«On n’a jamais soutenu Les Mosses»
Elle estime que les autorités ne se sont jamais intéressées à la zone. « Les gens qui voulaient se battre pour les Mousses ont été écartés », souffle-t-elle en mimant un geste de la main, dans un emportement un peu triste.
Le PAC de la Discorde
Sauf que du côté des autorités, on fait référence à une autre réalité, car ces critiques ont le don d’agacer Jean-Marc Udriot, le président de la société Télé Leysin-Les Mosses-La Lécherette (TLML), quand on se relaie. Il écarte ces palabres :
« Le plan d’allocation du 292A a marqué la mort des Mousses »
Jean-Marc Udriot
Le PAC 292A avait alors donné lieu à de nombreuses protestations. Les Mousses font partie d’une zone qui bénéficie d’une protection totale depuis l’acceptation en 1987 de l’initiative fédérale Rothenthurm. Une absurdité selon le président de TLML : « Ceux qui ont signé cela ont été endormis. Il n’y a pas d’histoire de conflit entre Leysin et Les Mosses, c’est juste des bêtises et ces gens qui le pensent n’en savent rien. Ce projet empêche tout aménagement du col des Mosses», rétorque Jean-Marc Udriot.
“C’est un problème stratégique et les autorités d’Ormont-Dessous sont inquiètes”, ajoute-t-il.
Sur place, une personne interrogée, qui a préféré garder l’anonymat, a assuré que “le développement du territoire n’intéresse personne”, avant d’ajouter : “Il ne faut pas penser seulement à l’hiver, mais au tourisme quatre saisons”.
Critiques rapportées à la syndicaliste d’Ormont-Dessous, Gretel Ginier, qui répond :
« Nous développons ce qui est possible aux Mosses »
Gretel Ginier, syndicaliste d’Ormont-Dessous
Le syndic discute des différents investissements, comme ce projet de baignade naturelle visant à promouvoir un tourisme 4 saisons attractif. « Nous avons aussi embauché une personne pour les sentiers de randonnée (rouge : 57 kilomètres de sentiers) et pour la promotion de nos itinéraires VTT, ainsi que des secteurs en préparation au vélo électrique », ajoute Gretel Ginier, avant de s’exprimer sur la question controversée des canons à neige : « Si le projet n’aboutit pas, nous aurons un véritable problème pour la station Mosses.
Fabienne Tauxe a lancé le groupe Facebook « Sauvons Les Mosses », en réponse aux habitants qui se sentent abandonnés. « C’est une manière d’organiser des rencontres entre la Municipalité et les habitants, pour trouver des solutions », décrit-elle. Selon elle, concernant les canons à neige, elle est certaine que les personnes compétentes prendront « la bonne décision ».
tourisme 4 saisons “Ce n’est qu’un rêve”
Elle apparaît cependant un peu déçue face à l’évolution du tourisme : « Cela fait 25 ans qu’on parle de tourisme 4 saisons, tout en sachant que ce n’est qu’un rêve. »
Elle prend l’exemple de Gstaad, “avec les mêmes problématiques depuis longtemps et qui a su profiter du Glacier”, selon elle. Elle rappelle que la station bernoise bénéficie d’un tournoi de tennis et de diverses offres. « Seules les manifestations sportives et culturelles peuvent assurer un tourisme 3 saisons, mais pour cela, l’offre d’hébergement et de gastronomie joue un rôle prépondérant », précise-t-elle. Car selon Fabienne Tauxe, en montagne, il n’y a que trois saisons :
« Il y a l’été, l’automne et l’hiver, qui reste le principal pilier d’une station »
Fabienne Tauxé
Image : Watson
Un tourisme en grande difficulté, selon les locaux, et un sentiment d’abandon qui se ressent dans un établissement hôtelier. La chanson est même doucement mélancolique. «Déjà début février, les installations fermaient. Chaque année, c’est de pire en pire et l’hiver dernier a été triste », avoue un employé.
Pour l’hiver qui se profile à l’horizon, les écoles qui remplissaient habituellement l’hôtel ont déjà annulé leurs réservations. “Les écoles nous sauvent : en trois mois en hiver, nous faisons le chiffre d’affaires de six mois en été”, rapporte un salarié.
La buvette Parchets attend l’arrivée des premières neiges avant d’ouvrir.Image : Watson
« Les Mosses sont une station idéale pour skier en famille avec des enfants, avec des tarifs abordables. Mais la station doit développer son offre de logements, ainsi que ses commerces de proximité et ses infrastructures sportives », explique Fabienne Tauxe.
Jean-Marc Udriot rappelle que les aménagements ne peuvent se faire aussi bien en hiver qu’en été. « Ce domaine skiable, quand il y a de la neige, il y a 100 000 jours-skieur par hiver. Pour vous dire, sur les pistes du domaine skiable, nous n’avons même pas le droit de développer la restauration. C’est la réalité, il faut l’admettre.
Et de conclure : « Si on ne peut pas faire d’enneigement mécanique, c’est vraiment la mort des Mousses. Et nous, les autorités, avons une responsabilité sociale et économique. Les groupes qui critiquent le projet n’assumeront pas la responsabilité des licenciements et de l’avenir économique et social de toute une région.