Un vaste océan se cache dans une lune de Saturne

Mimas, une lune de Saturne, possède un océan d’eau liquide sous sa surface, comme Encelade. Une découverte rendue officielle début 2024, commentée dans cet article de The Conversation.

Après dix ans de suspense suite à la découverte d’une anomalie dans sa rotation, la preuve est enfin faite que Mimas, la plus petite des huit lunes principales de Saturne, abrite sous toute sa surface un océan d’eau. Plus étonnant encore, cet océan aurait moins de 25 millions d’années, soit presque rien, comparé aux 4,5 milliards d’années de notre système solaire. Cette surprenante découverte est le résultat d’un long travail, mais aussi d’une intuition à contre-courant des principales idées admises jusqu’à présent sur l’évolution du système de Saturne.

C’est en 2010 que notre équipe a commencé à s’interroger sur la véritable nature de Mimas. Avec un rayon de 200 km, la plus petite des lunes dites principales de Saturne est facilement reconnaissable à sa surface couverte de cratères. Découverte en 1789 par l’astronome britannique William Herschel, il faudra attendre l’ère spatiale pour obtenir les premières images résolues de cette lune, et ainsi pouvoir découvrir sa surface inerte.

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La lune Mimas. // Source : NASA

Comprendre les anneaux de Saturne en étudiant la lune Mimas

Le lien entre Mimas et nos premiers travaux n’a pas été immédiat puisqu’il s’agissait d’expliquer la structure la plus remarquable des anneaux de Saturne : la division Cassini. Découvert par Jean-Dominique Cassini en 1675, alors très jeune directeur de l’observatoire de Paris, il avait observé une zone sombre dans les anneaux du géant, qui porte aujourd’hui son nom. D’une portée d’environ 4 500 km, il coupe littéralement les anneaux en deux parties bien distinctes.

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La division Cassini n’est pas complètement vide : sur cette image de la mission Cassini, on peut voir de la matière moins dense sous la forme d’une série d’anneaux plus sombres. En arrière-plan, Mimas. // Source : NASA

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la communauté scientifique n’a pas su expliquer l’existence de cette division en 2004, lorsque la sonde Cassini est arrivée à proximité de Saturne. Cependant, en étudiant le mouvement de ses lunes, nous avons envisagé la possibilité que cette formation très particulière puisse être la conséquence d’un changement drastique de la distance entre la petite lune Mimas et Saturne. En effet, on savait depuis longtemps que la présence de Mimas avait un effet gravitationnel important sur la limite intérieure de la division Cassini.

Plus précisément, nous savions que les petites particules de glace qui composent les anneaux de Saturne et qui se trouvent au bord intérieur de la division tournent exactement deux fois plus vite que Mimas orbite autour de Saturne. C’est précisément cette synchronisation qui permet à la gravité d’avoir un effet majeur sur les anneaux à cet endroit, car les perturbations gravitationnelles de Mimas s’accumulent au lieu de se moyenner dans le temps. Notre intuition fut alors la suivante : si dans un passé récent, Mimas s’était rapproché de Saturne, les particules de glace prises dans la résonance auraient dû être chassées vers l’intérieur, suivant l’approche de Mimas vers Saturne, et ouvrant ainsi la fameuse division.

Le mystère des entrailles de Mimas ?

Aussi séduisante soit-elle, cette idée se heurtait à un problème majeur. Pour que Mimas se rapproche de Saturne, il fallait que le seul mécanisme possible soit les effets de marée générés par la planète. Tout comme la Lune déforme la Terre, y compris les océans à sa surface, créant des marées, Mimas est déformée par Saturne au fil du temps. Cette déformation, que l’on appelle effet de marée, vient du fait que le côté de Mimas qui fait face à Saturne est plus proche, et donc plus attiré par la planète, que le côté opposé.

Or, la glace dont Mimas est majoritairement composée aurait nécessairement fondu en très grande quantité à cause des frottements internes qui auraient résulté de ces effets de marée. Cette hypothèse était en total désaccord avec la surface extrêmement cratérisée et inactive de Mimas, ce qui impliquait l’absence d’activité interne. En effet, la présence d’une quantité d’eau liquide sous la surface de Mimas aurait dû se traduire par l’existence de failles de surface, de renouvellement de sa surface, voire de geysers comme observé sur Encelade, lune voisine de Mimas.

Or, en 2014, Radwan Tajeddine, alors thèse dans notre équipe, remarquait que la rotation du Mimas sur elle-même était affectée par une anomalie. Les explications théoriques suggéraient deux possibilités : soit l’intérieur de Mimas était rigide, mais cachait un noyau rocheux très allongé ; ou il devait y avoir un océan mondial d’eau sous la surface du satellite. Ce résultat publié dans la revue Science fut la première mention d’un éventuel océan d’eau sous Mimas.

Pour de plus amples
type="image/avif"> type="image/webp">La Terre et la Lune. // Source</a> : Canva>>La Terre et la Lune. // Source</a> : Canva

Deux hypothèses : un océan interne ou un long noyau de roche

Au fil du temps, la grande majorité de la communauté internationale a adopté l’hypothèse d’un noyau rocheux allongé. Cela s’inscrit parfaitement dans la vision d’une lune froide et inactive, en parfait accord avec sa surface criblée d’impacts. Notre équipe a donc dû aller au fond des choses, car l’explication de l’existence de la division Cassini n’était compatible qu’avec la présence d’un océan. Nous avons donc cherché un moyen d’obtenir des informations supplémentaires sur l’intérieur du satellite.

Nous nous sommes ensuite intéressés au mouvement orbital de Mimas autour de Saturne. Ceci est très complexe en raison des nombreuses perturbations gravitationnelles qu’il subit de la part des lunes voisines. Pourtant, un rapide calcul suggère que l’observation de l’évolution orbitale de Mimas par la sonde Cassini, en orbite autour de Saturne entre 2004 et 2017, devrait permettre de départager les deux modèles de structure interne.

type="image/avif"> type="image/webp">Transit des lunes Titan (la plus grande en haut à droite) et Encelade, Dione et Mimas (de gauche à droite, plus près des anneaux). // Source</a> : Flickr/CC/Nasa Hubble Space Telescope (photo recadrée)>>Transit des lunes Titan (la plus grande en haut à droite) et Encelade, Dione et Mimas (de gauche à droite, plus près des anneaux). // Source</a> : Flickr/CC/Nasa Hubble Space Telescope (photo recadrée)
Transit des lunes Titan (la plus grande en haut à droite) et Encelade, Dione et Mimas (de gauche à droite, plus près des anneaux). // Source : Flickr/CC/Nasa Hubble Space Telescope (photo recadrée)

Des dizaines de milliers de photos examinées

C’est ainsi que nous avons pris toutes les données disponibles (plusieurs dizaines de milliers d’images) et ajusté le mouvement de dix-neuf lunes du système orbital, dont bien sûr Mimas, aux observations de Cassini. L’analyse laisse peu de doutes : un intérieur rigide avec un noyau rocheux allongé n’est pas compatible avec l’observation du mouvement orbital de la Lune. En revanche, la modélisation d’un intérieur comprenant trois couches internes, à savoir un noyau rocheux surplombé par un océan d’eau liquide, recouvert d’une coquille de glace est en accord avec les observations si l’épaisseur de la couche de glace solide est comprise entre 20 et 30 kilomètres. Ces valeurs aident également à comprendre pourquoi la surface de la lune ne montre pas d’activité pour le moment.

On sait désormais que plus de la moitié du volume du Mimas est composé d’eau liquide. De plus, les calculs de l’évolution orbitale de Mimas sous l’action des effets de marée impliquent que cet océan a moins de 25 millions d’années. Mais ce qui rend l’existence de cet océan si intéressante, c’est que nous n’aurions jamais imaginé détecter un jour de l’eau liquide sous une surface aussi ancienne et d’apparence inerte. Cela suffit à jeter le doute sur la possibilité d’avoir de l’eau liquide sous de nombreux autres objets du système solaire. La quête de l’eau liquide dans notre système et de ses conditions habitables ne fait que commencer…

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Valéry Lainey, Astronome à l’observatoire Paris-PSL, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l’article original.


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