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Le sel des contrastes | Vendée Globe 2024

Le Vendée Globe est un théâtre de contrastes extrêmes. En tête de course, les leaders marchent à toute allure et enchaînent les kilomètres à un rythme effréné. ” Actuellement, nous avons entre 20 et 25 nœuds de vent au portant et ce sera généralement le cas jusqu’au Cap Horn. Une fois le bateau réglé, il avance un peu tout seul. Il n’y a pas grand chose à penser, c’est très simple », a commenté Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA), reconnaissant qu’il bénéficie d’un « scénario météo incroyablement efficace » depuis son entrée dans les mers du Sud. Pour ses adversaires derrière, la situation est cependant loin d’être aussi « facile ». Certains courbent le dos au cœur de la tempête, face aux vagues furieuses et au vent implacable. D’autres, prisonniers d’un anticyclone traître, luttent dans un calme plat suffocant, et d’autres encore avancent laborieusement au près, luttant contre des vents contraires qui mordent le froid et mettent les machines à rude épreuve. ” De mon côté, j’arrête de regarder, d’écouter et de lire ce que disent les gars devant. C’est tellement opposé à ce que je vis ! Ils glissent alors que j’ai du mal à avancer dans une mer formée. On est vraiment dans des mondes totalement différents et c’est terriblement énervant ! », a commenté Éric Bellionce samedi, avec cette étrange impression de progresser dans un champ de pommes de terre pendant que les leaders sprintent sur une piste tartan.

Quand l’océan mène la danse

« Ce que nous faisons depuis le début dans l’océan Indien, c’est essayer de trouver un trou de souris dans lequel se glisser et s’en sortir sans se faire mordre. Il devrait en être un peu de même dans le Pacifique. Il faudra trouver les bons chemins, pas forcément les plus courts, mais les plus sages et finalement les plus rapides. Cela demande de la patience », ajoute le navigateur qui sait que dans ce type de situation, il vaut effectivement mieux philosopher que jurer, surtout quand les routages proposent des trajectoires si particulières qu’on pourrait presque croire qu’ils ont grillé un fusible en cours de route. Pour preuve, certains suggèrent d’aller directement au nord de la Nouvelle-Zélande. Si elle est peut-être optimale sur le papier, dans la réalité, une route plus au sud sera sans doute privilégiée par la petite bande du skipper de Stand as One – Altavia et ses acolytes. A prévoir cependant : une zone de transition (c’est-à-dire douce) et du près au près. Bref, une séquence loin d’être fulgurante qui pourrait offrir Kojiro Shiraishi (DMG MORI Global One) et Olivier Seigneur (Tut Gut.) l’opportunité de grimper au classement aussi vite qu’un bouchon à la surface. Idem pour Guirec Soudée (Freelance.com) qui a déjà été catapulté ce matin comme un bouchon – mais de champagne – alors qu’il était dans sa couchette. “ Je dormais profondément, pendant 20 ou 30 minutes. Soudain, le bateau s’est retrouvé sur le côté. J’ai été projeté violemment, comme dans un accident de voiture. Il m’a fallu une minute ou deux pour réaliser ce qui s’était passé. J’ai pris un bon « pet » dans mon épaule gauche. Heureusement, il y a finalement eu plus de peur que de mal. » » raconte l’aventurier, subtilement ramené sur la piste par l’Indien qui lui rappelle que, parfois, les ennuis peuvent ouvrir la voie. Côté rythme, Denis Van Weynbergh (Groupe D’Ieteren) et Xu Jingkun (Singchain Team Haïku) ne sont pas en reste : leur scène de bal est secouée par un front furieux, avec des rafales entre 60 et 65 nœuds. Heureusement pour eux, ce numéro d’apnée involontaire ne devrait durer encore que quelques heures, avant que le vent ne décide de se calmer en fin de journée.

Entre fureur et apathie

Le contraste est évidemment frappant avec les conditions que rencontre actuellement le paquet mené par Jean Le Cam (Tout commence dans le Finistère – Armor-lux) et Isabelle Joschke (MACSF). Embourbé dans un anticyclone perfide, il avance à peine. Pour lui, le calme plat se transforme en frustration. Est-ce à dire que l’immobilité, sous ces latitudes hostiles, est presque aussi redoutable que les tempêtes ? De toute façon, nous ne nous y sommes pas aventurés, surtout après avoir discuté avec Benjamin Dutreux (Environnement GUYOT – Famille Eau) lors de la séance de ce matin, et a entendu à plusieurs reprises son bateau monter puis retomber lourdement, avec un fracas sourd. ” Depuis peu, j’en ai fini avec le près, mais pas avec les vagues ! Ça tape fort et je dois ajuster ma pression sur l’accélérateur pour ne pas détruire le bateau. La bonne nouvelle, même si la mer est toujours face, c’est que je fais cap vers le Sud-Est. Après trois jours de galère, ça fait du bien pour le moral de pouvoir enfin aller dans le bon sens ! », racontaient les Sablais impatients de retrouver, d’ici 24-48 heures, du vent portant pour filer à toute vitesse vers le Cap Horn, et ainsi imiter les leaders, Charlie Dallin (MACIF Santé Prévoyance) and Yoann Richommequi ont d’ailleurs légèrement baissé Sébastien Simonvisiblement très handicapé par la perte de son foil tribord sur bâbord amures. ” Je ne vis pas du tout la même course que ceux d’avant qui n’ont jamais aligné les voiles pour remonter au près. Chacun vit son histoire et son Vendée Globe », a ajouté Benjamin Dutreux qui, comme ses camarades, observe que dans les mers du Sud, les contrastes frappent (parfois) comme des gifles salées.

 
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