la militante décoloniale Houria Bouteldja.image : capture d’écran
Commentaire
Nous ne demandons pas aux autorités lausannoises d’interdire la venue de la militante décoloniale Houria Bouteldja. Faites juste preuve de courage.
22.01.2025, 18:5322.01.2025, 19:56
Quand quelque chose de dérangeant survient et que vous ne voulez pas le voir, il vous suffit de chercher ailleurs. C’est ce que font les autorités lausannoises suite à l’annonce de la venue de la militante décoloniale française Houria Bouteldja pour une conférence le 8 février dans la capitale vaudoise, à l’invitation du collectif Sud Global. L’événement se tiendra au centre culturel Pôle Sud, en partie subventionné par des fonds publics.
Tenant des discours mondiaux sur les Juifs, les accusant d’être les « suppléments des Blancs impérialistes », elle les juge en quelque sorte responsables des actes antisémites qui les frappent parfois mortellement. Par ailleurs, elle affirme que les femmes noires, arabes et homosexuelles vivant en banlieue sont tenues de supporter en silence les coups reçus par les leurs au nom de la lutte émancipatrice des peuples opprimés.
En parlant d’antisémitisme, y en a-t-il un bon, qu’il faut combattre, et un mauvais, qu’il faut éviter ? Le 8 janvier, la présidente du Parti socialiste lausannois (PSL), Sarah Neumann, membre du corps législatif de la Ville de Lausanne, a adressé une question à la Commune. Elle a dénoncé la présence de symboles nazis dans une foire aux armes organisée au Palais de Beaulieu.
« Bon » et « mauvais » antisémitisme
«On se demande dans quelle mesure la Ville de Lausanne a la latitude d’interdire la présentation et la vente d’objets glorifiant cet héritage fasciste et antisémite», écrit-elle ? Elle conclut en ces termes : « Dans un contexte où la glorification et la diffusion des symboles nazis sont – et heureusement – largement rejetées par la quasi-majorité des courants politiques représentés dans notre pays, la Municipalité envisage-t-elle de prendre des mesures pour que de telles positions ne soient pas autorisées ? n’est plus autorisé dans notre ville ?
Sarah Neumann a demandé à juste titre que des mesures soient prises contre la propagation de l’antisémitisme, en l’occurrence de type néo-nazi, le « bon » genre, contre lequel il n’y a aucun risque politique à combattre, d’autant plus qu’il ne tue pas pour ainsi dire. plus.
“Mohamed Merah, c’est moi”
L’antisémitisme qui tue ou blesse le plus souvent en Europe, le « mauvais » type, est islamiste. En mars 2012 à Toulouse, Mohamed Merah, imprégné d’idéologie jihadiste, tuait quatre Juifs, dont trois enfants. Un mois plus tard, Houria Bouteldja déclarait, lors d’une conférence : « Mohamed Merah, c’est moi ». Elle s’est identifiée à la condition du tueur en tant qu’Arabe en France. Elle n’approuvait pas ses meurtres, mais elle les imputait, fort à propos, à l’humiliation.
-Houria Bouteldja a omis d’évoquer la haine anti-française et anti-juive qui s’exprimait matin, midi et soir dans la famille du terroriste, comme l’a révélé le frère de ce dernier, Abdelghani Merah, en rupture avec son environnement familial.
“Nous ne la connaissons pas”
La tâche du PSL et d’autres partis de gauche, dont l’électorat est en partie composé de Suisses issus de l’immigration musulmane, n’est pas simple. Si les musulmans nourrissent des préjugés antisémites, généralement liés au conflit israélo-palestinien et s’appuyant sur des récits islamiques fondateurs, certains d’entre eux sont victimes de racisme. Il ne s’agit pas de le nier.
Ce n’est cependant pas une raison pour aller voir ailleurs, alors qu’il est important d’exprimer publiquement son désaccord avec les propos scandaleux d’Houria Bouteldja, sans attendre d’être contacté par les médias pour le faire. Les élus de presque tous bords se justifient en affirmant n’avoir jamais entendu parler de la militante française, alors même qu’elle est déjà venue à Lausanne en 2023, invitée par le même collectif. Mais si les élus découvrent son nom, qu’ils sachent qu’il est parfaitement connu dans les milieux décoloniaux, principalement universitaires, en Suisse romande.
Ouvrons une parenthèse sur le décolonialisme. Il était à l’honneur en 2022 à la Manufacture, du nom de l’école secondaire francophone de théâtre. Fidèle compagne de lutte d’Houria Bouteldja, la militante Françoise Vergès, a co-animé un séminaire autour de ce thème. Une victoire pour les décoloniaux : les étudiants jugeaient désormais impossible de dire certains vers, jugés racistes ou misogynes, du répertoire classique. La présidente de PSL, Sarah Neumann, était alors et est toujours secrétaire générale de La Manufacture.
La pièce sur le nazi vaudois jouée autrefois à Lausanne ?
Nous voyons ce que nous voulons voir. Hé, qui connaît François Genoud, le nazi vaudois, admirateur d’Hitler et partisan des nationalismes arabes les plus durs, décédé en 1996 à Lausanne ? Pas grand monde apparemment. Aurions-nous honte de ce monsieur ? Son compagnonnage avec les mouvements terroristes arabes, avec les Frères musulmans, rendrait-il inconfortable un certain tiers-mondisme ? Quand l’histoire du nazisme est enseignée dans les écoles vaudoises, le nom de François Genoud est-il évoqué ? Deux biographies lui ont été consacrées, par des journalistes français.
Il existe peu d’articles dans la presse francophone à son sujet. Là Nouveau journal zurichois Par contre, elle s’intéressait souvent à lui. Cet antisémite, qui revendiquait à chaque occasion son antisionisme, a inspiré une pièce de théâtre, L’injustequi se jouera jeudi à Paris. Pourquoi ne pas l’amener à Lausanne ?
On comprendra peut-être que le problème réside moins dans l’arrivée d’Houria Bouteldja, qui a le droit de s’exprimer dans le cadre de la loi, que dans la passivité des différents partis politiques, censés dire ce qu’ils pensent des idées et commentaires du militant. C’est une question de moralité et peut-être aussi de courage. Se cacher derrière la légalité – « elle n’a pas été condamnée » – pour éviter de prendre position n’est pas très glorieux.