L’un des deux cofondateurs de Bearmind, Mathieu Falbriard, était au Québec au début du mois de décembre. Accompagné de ses deux employés responsables des opérations nord-américaines, Patrick Boivin et Michel Benoit, il a rencontré La presse.
M. Falbriard a joué au hockey entre 4 et 20 ans, avant de se tourner vers le rugby, qu’il a joué pendant les 12 années suivantes. Des impacts à la tête et des commotions cérébrales, il les a eu et les a vus.
« J’ai moi-même des amis qui ont maintenant des problèmes à cause de chocs répétés », dit-il.
Je ne comprends pas pourquoi nous ne faisons rien alors qu’il existe une technologie qui peut aider. C’est comme continuer à conduire une voiture sans porter sa ceinture de sécurité.
Mathieu Falbriard, co-fondateur de Bearmind
Lors de son doctorat en analyse du mouvement à l’École Polytechnique de Lausanne, M. Falbriard s’est intéressé aux capteurs de mouvement. Sa thèse visait à corriger les erreurs de ces capteurs, « qui sont précis, mais présentent certaines limites ».
« J’avais beaucoup d’idées sur la façon dont nous pourrions faire mieux. »
Pendant la pandémie de COVID-19, lui et son cofondateur Tom Bertrand ont contacté des entrepreneurs qui avaient déjà tenté de créer un appareil comme celui qu’ils souhaitaient développer. “Les gens qui avaient créé des systèmes dans le passé n’avaient pas fait beaucoup de recherche clinique, de validation [médicale]. »
Les deux hommes ont donc pris le temps de trouver les bons chercheurs et de monter des projets de recherche. À l’été 2021, ils ont obtenu un fonds de recherche de près d’un million de francs suisses (environ 1,6 million de dollars canadiens). « Toutes ces preuves médicales dont nous avions besoin pour améliorer le système, nous les avions désormais grâce à ce projet », explique M. Falbriard.
De tout ce travail de longue haleine est finalement né le capteur que l’on découvre aujourd’hui, utilisé cette saison par sept équipes professionnelles européennes, deux équipes québécoises de niveau junior majeur – le Phoenix de Sherbrooke et l’Armada de Blainville-Boisbriand – ainsi qu’un Équipe féminine de la NCAA.
Le capteur
Le capteur Bearmind est inséré dans une sorte de petit boîtier en caoutchouc fixé à l’arrière du casque de hockey.
Le système comprend en fait deux types de capteurs ; le premier permet d’enregistrer le mouvement de la tête du joueur lors d’un impact, et le second mesure les rotations de la tête.
«On sait aujourd’hui, grâce à la recherche, que les rotations de la tête sont un assez bon prédicteur du risque de traumatisme», note M. Falbriard. Grâce à ces capteurs, nous avons réellement une vision tridimensionnelle de la façon dont la tête bouge à chaque impact. »
Tout au long du projet de recherche, il y a eu évidemment quelques agitations. [Les chercheurs] sont capables de faire le lien entre le type de mouvement de la tête et les endroits où il y a eu des commotions cérébrales. [L’association entre les deux] permet d’attribuer un facteur de risque à un certain type de mouvement.
Patrick Boivin, responsable des opérations nord-américaines chez Bearmind
«Notre système est une gradation très simple», poursuit M. Boivin. C’est vert, jaune ou rouge. Mais nous ne vous disons pas que le rouge signifie un impact d’une telle force. Cela signifie qu’il s’agit d’un impact assez grave qui [indique qu’]il y a une forte probabilité qu’il y ait eu une commotion cérébrale. »
Voyez ce que vous ne voyez pas
Les trois hommes insistent : le capteur ne remplace pas le médecin et ne pose pas de diagnostic médical. Il apporte plutôt des informations supplémentaires au médecin ou au thérapeute du sport, qui peut ainsi être proactif plutôt que réactif.
«Ça permet de voir ce qu’on ne voit pas ou, ultimement, de savoir ce qu’on ne sait pas», explique M. Boivin.
Prenons un exemple concret : un défenseur reçoit un petit coup d’épaule au menton. Sa tête tourne, mais le jeu continue. Le défenseur sort la rondelle de sa zone, se dirige vers le banc, ne se sent pas très bien, mais ne dit rien de peur d’être retiré du match.
Après le match, lorsque le capteur du joueur est placé dans sa base de chargement, le thérapeute peut être informé non seulement du coup en question, mais également de sa gravité. Il peut alors réagir en conséquence et aller voir le joueur pour lui poser les questions appropriées afin de connaître ses symptômes, s’il y en a. Mentionnons également qu’à partir de fin janvier, ce thérapeute pourra recevoir des alertes en temps réel sur les coups reçus, ce qui lui permettra de voir le joueur concerné immédiatement dès son arrivée sur le banc.
Lorsque le cerveau est blessé, si vous frappez à nouveau l’arrière de la tête, les conséquences peuvent être très graves. C’est ce qu’on appelle le syndrome du deuxième impact.
Mathieu Falbriard, co-fondateur de Bearmind
Le but n’est pas d’empêcher les joueurs de jouer. Au contraire. « Nous voulons que vous jouiez le plus longtemps possible, mais lorsque vous jouez, nous voulons que vous ne couriez pas de risque, que vous soyez dans la meilleure condition possible. »
« Le vrai problème, ce sont tous ces impacts répétés », ajoute-t-il. Même des impacts petits et moyens, qui ne donnent pas forcément de symptômes. Ce sont tous des microtraumatismes qui s’accumulent avec le temps et qui rendent un joueur soit plus à risque de blessure, soit moins efficace. »
M. Falbriard cite également une étude de l’Université de Boston publiée très récemment dans la revue médicale Réseau JAMA ouvertce qui montre que les joueurs de hockey courent un risque plus élevé de démence en raison des impacts répétés à la tête.
« Ce que nous disons, c’est : sans capteur, tous ces petits impacts et ces impacts moyens sont impossibles à voir, à quantifier. »
Lisez notre article « Les joueurs de hockey plus à risque de démence »