Avant de faire le saut comme entraîneur du Rocket de Laval en 2018, Joël Bouchard a été directeur général d’Équipe Canada junior lors de deux éditions, en 2017 et 2018. Bouchard a dû prendre des décisions difficiles pour remporter ses médailles d’argent puis d’or avec le programme national. À l’approche du Championnat du monde junior, il explique le pourquoi et le comment de certaines décisions qui pourraient faire sourciller les partisans.
Au seuil du Championnat mondial junior en 2018, le directeur général de l’équipe canadienne, Joël Bouchard, a dû départager deux joueurs pour le dernier poste vacant en attaque: Nick Suzuki et Tyler Steenbergen.
« Nous avons dit à Nick qu’il nous avait impressionnés au camp d’entraînement et qu’il avait éventuellement un potentiel incroyable pour la LNH, mais son patinage était encore en baisse, loin de ce que nous voyons aujourd’hui. aujourd’hui, et nous voulions avoir le meilleur joueur capable de nous aider à court terme pour un tournoi d’un mois seulement. »
Sept ans plus tard, Suzuki est le capitaine et premier centre du Canadien. Steenbergen, un choix de cinquième ronde des Coyotes en 2017, est resté dans la Ligue américaine pendant trois ans avant de déménager en Finlande en 2021. Il a disputé son dernier match en Autriche avec le VSV Villach au printemps dernier.
La suite n’a guère surpris Joël Bouchard. Mais s’il devait recommencer, il prendrait la même décision. Il restait 1 min 40 s à jouer dans la finale contre la Suède lorsque Steenbergen a dévié un tir de la pointe de Conor Timmins pour donner au Canada la médaille d’or.
« [Dominique Ducharme] avait fait un changement incroyable en fin de match, il a eu un ressenti avec Steenbergen et l’a inséré sur la quatrième ligne [alors qu’il n’avait presque pas joué de la rencontre] », se souvient Joël Bouchard.
On aurait peut-être quand même gagné avec Suzuki à sa place, mais si quelqu’un me demandait aujourd’hui si je prendrais les mêmes formations avec une finale perdue au sixième tirs au but et une médaille d’or l’année suivante, ce serait difficile de dire non…
Joël Bouchard, directeur général d’Équipe Canada Junior en 2017 et 2018
Hockey Canada a encore une fois laissé de côté le talent cette année pour choisir des joueurs peut-être moins doués, mais dotés de qualités plus ciblées. Le meilleur marqueur de la Ligue junior de l’Ontario avec plus de deux points par match, Michael Misa, n’a pas été choisi. Beckett Sennecke, troisième choix au classement général de 2024 non plus.
«Les gens n’imaginent pas à quel point ce tournoi est exigeant», affirme Joël Bouchard, maintenant entraîneur-chef du club agricole du Lightning de Tampa Bay. Cela demande une certaine capacité physique. Une certaine vitesse. Cela demande un peu de vitesse parce que le jeu est bien, bien, bien plus rapide qu’en junior. On n’a jamais insisté sur le choix des trois premiers trios et des quatre premiers défenseurs. Après, dans le complément, nous avons regardé ceux qui pouvaient avoir un rôle particulier. Il y a des joueurs que nous pensions bons, mais pas au moment où nous en avions besoin. »
Nous avons également prévu d’arriver au sommet le 2 janvier et non le 28 décembre. Si vous atteignez votre apogée le 28 décembre, vous n’avez rien compris. Nous devons améliorer chaque match avec des joueurs qui s’amélioreront et géreront la charge de travail et la pression. Ils seront brûlés le 29 décembre s’ils ne sont pas assez forts physiquement. Ces atouts sont importants.
Joël Bouchard
Construire la bonne équipe
Notre ancien joueur de hockey de la LNH compare une bonne équipe nationale junior à un club de la Ligue américaine. « Le hockey que nous voyons dans les rangs juniors est très différent du niveau du Championnat mondial junior. Parfois, on se laisse aveugler par les points obtenus chez les juniors. Mais le gars va jouer contre des jeunes de 16 et 17 ans. Il arrive au tournoi et affrontera les meilleurs 19 ans de chaque pays. Cela reste un tournoi masculin. »
Joël Bouchard nie avoir choisi des joueurs dénués de compétences. « C’était peut-être vrai pendant une certaine période, qu’on mettait des plombiers en quatrième ligne, mais quand je suis arrivé, la philosophie avait changé. Drake Batherson jouait toujours sur notre quatrième trio ! »
On a aussi choisi un grand centre, Nicolas Roy, désormais incontournable pour les Golden Knights de Vegas. «Il ne faut pas avoir une offensive en carton», souligne Bouchard. Nicolas pourrait jouer dans des espaces restreints, en fond de zone. Elle était solide le long des grilles. [Jonah] Gadjovich, lors de son échec-avant, les Suédois ne se sont pas amusés. »
Il faut des gars qui ne sont pas amusants à affronter. Vous voulez mettre l’adversaire dans une position inconfortable. Vous prenez quelques joueurs talentueux, mais pas trop. Sinon, nous serons bousculés comme des poupées de chiffon…
Joël Bouchard
Joël Bouchard a pris une autre décision de résultats à court terme en 2018, dans la même veine que celle de Suzuki. Il a choisi Kale Clague à la place de Samuel Girard en défense. Clague, que l’on a vu brièvement à Montréal il y a quelques années, poursuit aujourd’hui sa carrière dans la Ligue américaine. Girard a disputé plus de 500 matchs avec l’Avalanche.
« Si j’avais dirigé un club de la LNH, j’aurais pris Girard en premier. Son talent ne faisait aucun doute. Mais vous voulez un joueur pour maintenant, pas dans cinq ans. Il n’était pas encore prêt et il jouait juste sur le côté gauche. Clague a été incroyable pour nous. Sa polyvalence était importante car nous avons perdu un défenseur droitier, Philippe Myers, lors du tournoi. Nous étions heureux d’avoir Clague. »
Maxime Comtois n’était pas le plus doué offensivement au moment de sa sélection en 2018, il a explosé l’année suivante, mais il valait son pesant d’or. « Il n’avait que 18 ans. Il était capable de jouer un rôle particulier. Il était fort le long des rampes. Le rythme et la force physique sont importants pour amener du gaz dans un club. Vous voulez contrôler le match. Vous ne voulez pas perdre. »
Il était également essentiel aux yeux de Joël Bouchard d’avoir des joueurs fiables défensivement, malgré tout le talent du monde. « Il faut arrêter de penser que la défense n’est pas importante. Si vous ne défendez pas, vous n’obtiendrez pas la rondelle. On ne défend pas parce qu’on a peur de se faire marquer, mais pour récupérer la rondelle et ensuite marquer des buts. Le but ultime est de marquer. Si vous ne récupérez pas la rondelle, vous resterez plus longtemps dans votre zone et vous pourriez même être compté… »
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