“Salut, c’est Titou.” Au bout du téléphone portable, une légende. Christophe Lamaison, demi d’ouverture, arrière, plus rarement centre, fait partie de cette génération dorée du rugby français qui a remporté deux Grands Chelems (1997, 1998) et qui a battu les Néo-Zélandais un an plus tard lors d’une demi-finale mythique à Twickenham.
Avant 15 anse Journée de Pro D2 (ce jeudi à 21 heures) entre Brive, avec qui il est champion d’Europe (1997), et le SUA dont il est l’un des finalistes en 2002, l’ancien recordman de points en Bleu a rouvert le livre des souvenirs… Et la rivalité franco-anglaise. Comme au bon vieux -.
Avec José Matéo et Bernard Viviès, vous étiez invités à parler aux joueurs avant le match du SUA face à Aurillac (43-17), comment ça s’est passé de revenir à Armandie ?
J’ai rappelé aux joueurs mon histoire avec le SUA [entre 2000 et 2002, NDLR]Adolescent, je voulais être Philippe Sella, Pierre Berbizier, Dominique Erbani… Tous ces gens qui ont marqué le rugby à l’époque.
Vous arrivez au milieu de Crenca, Benetton, Benazzi ou Elhorga… Une des dernières générations dorées du SUA ?
Peut-être par rapport aux « stats », mais ce n’est pas le sentiment que j’ai. J’ai juste l’impression d’avoir aidé à continuer l’histoire. On était sur le bon chemin, celui qui nous a amené au Stade de France [finale perdue 25-22 contre Biarritz en 2002, NDLR]. Notre génération avait conscience de vouloir marquer notre passage par rapport à nos qualités actuelles. Collectivement, nous étions peut-être les meilleurs dans ce championnat.
Cette finale de 2002 est peut-être votre meilleur et votre pire souvenir avec Agen ?
On peut se concentrer sur le côté sportif, mais l’histoire humaine est magnifique. Le SUA est un club qui a forgé des générations de joueurs, dans la victoire comme dans la défaite. Quand les journalistes nous demandent : « Quel est votre meilleur souvenir de match ? », je m’abstiens d’y répondre ! Car ce qui reste, pour un joueur qui a raccroché, ce ne sont pas les victoires ou les défaites, mais les préparations, les échanges avec des coéquipiers qui n’ont pas forcément le même caractère, ce sont les émotions, les discours dans le vestiaire. .
Ce qui reste, ce sont aussi les titres, non ? Vous êtes le premier champion d’Europe avec un club français, le CA Brive en 1997…
Alors là, c’est un autre club, une autre ambiance. J’arrive à Brive [1996-2000, NDLR] à une époque où le rugby commençait à être professionnel. C’était un défi. Brive n’avait rien gagné. Mais que ce soit Pierre Montlaur [entraîneur des trois-quarts, NDLR]Laurent Seigne [entraîneur, NDLR]Patrick Sébastien [président, NDLR]ils ont initié et validé une nouvelle façon de travailler.
C’est à dire ?
Nous avons construit une équipe avec un système de jeu très clair, cohérent, adapté au rugby de l’époque. Et ce rugby, il a eu la chance de gagner très vite. C’est ce qui laisse perplexe tout le monde car nous sommes restés invaincus pendant quatre mois. Jusqu’à revenir avec cette Coupe d’Europe [en 1997 contre Leicester Tigers, 28-9, NDLR]. Il y avait un engagement, certes, mais il y avait une ambition cachée car personne ne savait comment positionner Brive sur la carte de France. Et en 3-4 mois, nous avons positionné Brive-la-Gaillarde sur la carte de France et de l’Europe elle-même.
La France gagnant, d’ailleurs contre les Anglais, ça parle à un international, non ?
Avec Brive en Coupe d’Europe, on commence à titiller les Anglais qui avaient dix ans d’avance sur nous. Nous avons battu les Harlequins au Stade de Brive, qui réunissaient près de la moitié de l’équipe d’Angleterre sur le terrain. Et nous avons battu Leicester en finale qui avait l’autre moitié de l’équipe d’Angleterre.
« Si le joueur veut jouer, s’il est ambitieux, s’il veut entrer dans l’histoire du SU Agen, il a l’essentiel pour le faire »
D’autant que vous avez enchaîné avec deux Grands Chelems en 1997 et 1998…
L’équipe de France, à cette époque, commençait à se faire connaître pour son rugby agréable à regarder mais aussi gagnant. Les Anglais pensaient avoir inventé le rugby, ce qui est vrai, mais ils pensaient que la France était un bel outsider.
Et un an plus tard, les Bleus réalisent le « miracle de Twickenham » en demi-finale de la Coupe du monde 1999. Vous avez éliminé les Néo-Zélandais (43-31), qui n’ont pas très bien compris ce qui se passait. passé…
Et ils ne comprennent toujours pas aujourd’hui ! A cela s’ajoutait la Première Ministre sortante de Nouvelle-Zélande, qui se présentait aux élections et qui était heureuse d’accompagner son équipe. Et elle a également perdu les élections.
Avez-vous conscience que cette victoire a laissé des traces dans l’inconscient collectif ?
Cela va au-delà de cela. Cela s’appelait un exploit. Et j’en suis fier. Tous ceux que je rencontre se souviennent de ce qu’ils faisaient à ce moment-là, comme lors de la finale de football de 1998. Pour moi, c’était en 1987 pour le match entre la France et l’Australie [30-24, demi-finale de Coupe du monde, NDLR]J’ai échoué à mes examens d’histoire et de géographie.
C’est un de vos meilleurs matchs en Bleu (1 essai, 4 transformations, 3 penaltys et 2 drops), mais vous ne vous adressez pas à la presse après le match ?
Je te raconte une histoire. Fabien Galthié, qui était à l’époque le vilain petit canard, est arrivé en équipe de France avec plein d’a priori. Il décide de ne pas parler aux médias, aucun média ne peut le remettre en question. On joue ce match et Fabien et moi restons dans les vestiaires et ressortons trois heures après la fin du match. Et là, on arrive tous les deux main dans la main, la conférence de presse est terminée, il n’y a plus de journalistes, juste les vieux. Et là, ils pleurent, on leur tire des larmes et on leur dit « Écrivez ce que vous voulez, les gars. On s’en fiche, on prendra une bière ensemble.
On peut encore écrire quelque chose même si Thomas Ramos bat votre record de points (2e meilleur buteur avec 380 points) en Bleu ?
[Rires] Laissez-le le battre, bien sûr ! Et il atteint 1 500 ! Je m’en fiche. Quand j’ai battu ce record, je n’ai rien eu, peut-être trois lignes dans la presse. Honnêtement, on a des phénomènes avec un Dupont qui défend toutes les valeurs du rugby, avec un Ramos qui peut jouer n’importe où. Alors laissez-le battre tout le monde et surtout, surtout, laissez-le battre les records anglais… Au diable les Carter et les Wilkinson.
Si je comprends bien, vous n’êtes pas fan de l’ouvreur anglais du SUA, Billy Searle…
[Rires] Je vais vous surprendre, mais quand je vois un Anglais faire une chistera contre Oyonnax, je me dis que, quelque part, il a beaucoup apprécié ses week-ends au Pays Basque, donc je ne peux pas être contre lui. Bien au contraire !
Un pronostic pour le match entre Brive et Agen ?
Brive fait tout pour jouer le Top 14. Il y a de tout, un public qui suit son équipe, des moyens financiers, des infrastructures. Aujourd’hui, ils sont prêts. Et Agen est en phase de reconstruction. J’ai pu apprécier les infrastructures à Armandie. Si le joueur a envie de jouer, s’il est ambitieux, s’il veut entrer dans l’histoire du SU Agen, il a l’essentiel pour le faire. Maintenant, c’est un match à l’extérieur. Agen vient de prendre 5 points contre Aurillac, ils se sont amusés. Ils ont une histoire avec un staff qui, je pense, n’est pas loin de la vérité. Mais jouer Brive à domicile sera compliqué.