Des profondeurs du soccer collégial québécois… aux champions nationaux. En trois ans, les Nomades de Montmorency sont passés d’une équipe contre laquelle « on pouvait marquer des points » à une équipe pour laquelle les « planètes se sont alignées » en 2024. Et ce, malgré de nombreux embûches qui ont suscité des difficultés. Nomads, une équipe qui porte très bien son nom. Voici son histoire.
Audrey Lefebvre et Rafaëlle Robitaille-Bourgeois, accompagnées de leur entraîneur-chef Alexandre Kénol, sortent du Collège Montmorency de Laval avec leur trophée de champion canadien en main. Ils rejoignent le journaliste et le photographe de La presseen ce frais mardi matin de novembre, près du terrain synthétique des Nomades pour une séance photo.
Ces séances servent généralement à illustrer et placer les acteurs d’une histoire dans la scène où elle s’est déroulée. Mais cette fois, la symbolique est complètement différente : les Nomades n’ont pas mis les pieds sur ce terrain de l’année, la surface ayant été condamnée en attendant des rénovations qui n’ont même pas encore commencé.
«Nous avons dû nous entraîner sur plusieurs terrains à Laval même si nous avons un terrain dans notre cour arrière», nous expliquait quelques instants plus tard Alexandre Kénol, désormais assis à une table d’angle dans le couloir à l’intérieur de l’établissement lavallois. .
Kénol, en plus d’avoir sa licence d’entraîneur, est un entrepreneur qui travaille dans l’événementiel.
” Quand [Duane John, directeur-adjoint des Nomades de Montmorency] m’a appelé, j’ai tout de suite vu le potentiel, raconte Kénol, tandis qu’on entend au loin un étudiant du cégep jouer de la guitare. C’est le genre de projet que j’aime ! Celui où tout le monde dit : « Au diable, c’est mort, tu ne pourras jamais rien faire avec ». »
C’était en 2022. Trois saisons plus tard, son équipe a fini par remporter le championnat canadien, à Capilano, en Colombie-Britannique, en n’accordant aucun but en trois matchs. Du 6 au 9 novembre, ils ont éliminé coup sur coup la Vancouver Island University (VIU), championne de la Colombie-Britannique, puis Seneca Polytecnic de Toronto, qui avait remporté le tournoi canadien en 2023. Les Nomades ont soulevé le trophée national au terme d’un 3 -0 victoire en finale contre leurs éternels rivaux, les Ahuntsic Eagles.
« Entreprise familiale »
Rafaëlle Robitaille-Bourgeois, une attaquante de 19 ans, a marqué deux buts lors de la finale canadienne. Elle a vécu l’avant et l’après Kénol.
“Ma première année, […] c’était moins grave, se souvient-elle. Nous n’avons pas trop écouté le coach. Il n’était pas autorisé à vraiment faire quoi que ce soit de bien. »
Il y a eu aussi la COVID-19, qui a eu un impact sur la « motivation envers le football » à cette époque.
Les Nomads ont été promus en première division du circuit collégial en 2018. Pour les quatre années suivantes, leur bilan était de 4 victoires, 22 défaites et 2 nuls. C’était 83 buts contre, 19 buts encaissés en 28 matchs. Rafaëlle Robitaille-Bourgeois pousse un petit soupir rieur lorsque ces statistiques s’affichent.
Lorsque Kénol a pris les rênes du programme, accompagnée de ses adjoints Elena Waldispuehl, Stéphie-Ann Dadaille, William Bassi et Fernando Herrera Lambur, il y avait « beaucoup plus d’encadrement », dit-elle.
« Je pense qu’il sait s’affirmer ! », explique l’agresseur en rigolant.
Audrey Lefebvre, défenseure de 17 ans, est venue à Montmorency en 2024 justement parce qu’elle « avait envie de quelque chose de sérieux ».
En contribuant à trois blanchissages consécutifs et à plusieurs passes sur des buts pour les Nomades, Lefebvre a été nommé joueur par excellence du championnat canadien.
«Ils m’ont parlé de l’ambiance», souligne-t-elle. Ils m’ont tous dit que c’était extraordinaire. »
Cette caractéristique des Nomades est « notre meilleure carte de visite », explique Kénol.
Personne n’est mieux placé pour en parler que Stacey-Julia Côté, nommée capitaine de l’équipe pour cette saison 2024. Celle que ses coéquipières appellent « maman » – à 20 ans, elle n’a encore que 18 mois de plus que la majorité d’entre elles ! – arrivée l’année dernière pour évoluer dans cette « culture des filles solidaires ».
Nous lui parlons au téléphone quelques heures après notre visite au collège, puisqu’elle suit actuellement une formation pour devenir infirmière. Elle nous parle du stationnement de la Cité-de-la-Santé, après une journée en périnatalité avec des nouveau-nés.
« Notre slogan est entreprise familialeexplique celle qui se dit mi-québécoise, mi-haïtienne. […] Tout le monde a quelque chose à apporter. Kénol a apporté ça. Il est haïtien, je suis haïtien, on fait barbecues. On s’assoit, on prend le temps de manger. Nous peignons en équipe. Nous faisons souvent des activités en dehors du terrain, ce qui nous permet de tisser des liens vraiment importants. »
Un penalty qui change tout
Cette culture, associée à une défense renforcée et à une fierté accrue, a porté ses fruits. En 2024, les Nomades terminent en deuxième position du circuit, à un point du premier détenu par Ahuntsic. Ils ont la meilleure défense de la ligue.
En se qualifiant pour une toute première finale québécoise, ils obtiennent automatiquement leur billet pour le championnat canadien. Et ce, même s’ils finissent par perdre face à leurs grands rivaux aux tirs au but.
« Ahuntsic-Montmorency, c’est France-Brésil, Canadiens-Nordiques ! plaisante Alexandre Kénol. Montmo a toujours été la petite sœur d’Ahuntsic. Nous avons été un peu secoués au fil des années. »
La déception est palpable quand on en reparle avec Audrey Lefebvre, puisque c’est son penalty manqué qui a décidé les deux équipes. Mais selon son entraîneur, c’est ce qui est devenu « le déclencheur » de la brillante performance défensive de Lefebvre en Colombie-Britannique.
D’autant plus qu’elle avait eu le temps d’y réfléchir. Kénol nous explique que l’Association canadienne du sport collégial (ACSC) et le RSEQ avaient déjà acheté les billets d’avion à l’avance, prévoyant que comme d’habitude, une équipe du Québec et une équipe de Montréal se déplaceraient pour le championnat national. . Cette fois-ci, il s’agissait de deux équipes de la région métropolitaine.
” LE [autres équipes] pris des vols directs, raconte Stacey-Julia Côté. Nous avons pris un bus de trois heures jusqu’à Québec. Ensuite, nous avons pris l’avion pour Toronto. Nous avons fait une escale. Notre vol a été retardé. Nous sommes allés jusqu’à Vancouver. Nous avons fait 1h30 de route jusqu’à Capilano. »
Des nomades du début à la fin, disaient-ils.
« Une histoire de résilience »
Au nord de Vancouver, ils jouent comme l’équipe la moins bien classée du tournoi, et donc avec la mentalité d’opprimés (outsiders). Ils ont surpris tout le monde jusqu’à ce qu’ils retrouvent les Eagles en grande finale. Sur le terrain synthétique de l’Université Capilano, ils se sont imposés de manière convaincante face à Ahuntsic, au terme de leur toute première participation au championnat canadien.
Je pense que c’est la meilleure sensation au monde.
Audrey Lefebvre
«C’est une fierté que nous porterons toute notre vie», croit Rafaëlle Robitaille-Bourgeois.
Pour Alexandre Kénol, ce triomphe est « une histoire de résilience » de la part de joueurs qui ont « choisi le défi ».
« Personne n’y croyait, sauf eux. Ils auront réalisé quelque chose d’historique en apposant leur nom autour d’un premier succès en soccer, à Laval. »