Kevin De Bruyne qui se fait siffler par ses propres supporters. Il a fallu remonter très loin dans les archives pour retrouver un scénario pareil. A la mi-temps d’un Genk – Lokeren (0-1) en février 2012 (il avait vingt ans), il déclarait au micro de Telenet : « Je ne comprends pas pourquoi on me siffle à chaque mauvaise passe. Au moins, je donne le meilleur de moi-même. Certains coéquipiers, en revanche… Je me sens gêné à leur place. Ça ne va vraiment pas bien dans notre équipe. » À la fin de cette saison, il part pour Chelsea.
C’était son idée pour gagner du temps, avec Vertonghen. Il se sentait personnellement visé.
Treize ans plus tard, le capitaine Kevin est devenu un homme. Il mord dans sa chique avant de critiquer ses coéquipiers ou même ses supporters. Mais il n’en est pas moins écoeuré par un comportement qu’il qualifie d’inacceptable de la part des 12.000 Belges. C’est lui qui, après avoir applaudi une première fois les supporters après le coup de sifflet final de l’arbitre, a fait signe aux autres de rentrer, ce qui a encore fait monter les décibels. De Bruyne s’est senti personnellement visé, car c’est lui qui (avec Jan Vertonghen) a décidé de gagner du temps lors des corners pour la Belgique en fin de match.
Retour sur le premier des trois corners, à la 86e minute. Vertonghen sprinte sur 50 mètres vers De Bruyne pour lui murmurer quelque chose à l’oreille ; une scène qui n’est pas retransmise à la télévision. On comprend vite le contenu du message : De Bruyne joue le corner court avec Bakayoko, puis sert Vertonghen, qui adresse une passe en retrait (assez risquée, du pied droit) à Casteels. Le public belge siffle pour la première fois.
Les Ukrainiens récupéraient facilement le ballon et se créaient deux occasions dans les minutes suivantes : une grosse frappe de Malinovskyi dans les côtes de Castagne et une frappe trop loin au centre de Sudakov, qui avait réussi à pénétrer dans le rectangle des Diables.
A la 93e minute, De Bruyne crie sur Bakayoko pour l’aider à monopoliser le ballon près du poteau de corner. Les deux hommes forcent un autre corner mais les sifflets deviennent plus forts lorsque, cette fois, les Ukrainiens obtiennent un coup de pied de but. Les supporters l’ont compris depuis longtemps : la Belgique ne veut pas gagner, alors que la voie vers la finale semblait grande ouverte via l’autre partie de tableau. « Nous aurions dû prendre des risques à la 94e minute et être éliminés en contre-attaque ?De Bruyne a demandé au micro de la VRT.
Il serait triste de voir le meilleur joueur belge de tous les temps quitter les Diables sur une mauvaise note.
En 1994, après un Belgique-Espagne (1-4), les sifflets du public (notamment des supporters d’Anderlecht puisque le match se jouait au Parc Astrid) avaient poussé Franky Van der Elst à dire (temporairement) au revoir au équipe nationale. Les larmes de son fils Tim dans le vestiaire lui avaient brisé le cœur. A huit ans, le maçon Milian De Bruyne est sans doute trop jeune pour comprendre ce qui s’est passé en fin de match face à l’Ukraine. Il pleure surtout quand son père perd un match. Mais Kevin n’a pas besoin de son fils pour prendre une telle décision.
Si Kevin décide de dire au revoir aux Diables – il faut aussi prendre en compte une éventuelle retraite internationale de Lukaku – les sifflets des supporters n’auront pas été son seul argument. Mais ils auraient pu être la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Un exploit contre la France peut évidemment tout changer et espérons surtout que l’idée de disputer une Coupe du Monde aux USA, pays de ses rêves, l’aidera à décaler ses adieux. Il serait dommage de voir le meilleur joueur de l’histoire du football belge, l’idole de tous les enfants, quitter l’équipe nationale sur une mauvaise note.
