un an après l’explosion de la rue Saint-Jacques à Paris, le combat pour la vérité et la reconstruction

un an après l’explosion de la rue Saint-Jacques à Paris, le combat pour la vérité et la reconstruction
un an après l’explosion de la rue Saint-Jacques à Paris, le combat pour la vérité et la reconstruction

Son cœur s’emballe à l’approche du 277, rue Saint-Jacques (Paris V). Chef de projet pour l’éducation catholique, Mickael Gac, 48 ans, le dit sans détour : « Je suis miraculeux. » Le 21 juin 2023, à 16h55, il quitte son bureau sur son vélo pliant, direction la gare Montparnasse pour rejoindre sa famille au Mans, comme chaque jour. « Un wagon de poste bloquait le passage, sous le porche, j’attendais derrière… J’ai été projeté en arrière de plusieurs mètres, en une fraction de seconde. J’avais l’impression d’avoir été passée au chalumeau, dévorée par les flammes. »

Il se souvient de tout. Les sirènes, les cris, les éclats de braises, les collègues qui se relaient pour le faire boire, lui mettant une planche sur la tête pour le protéger des chutes de décombres, en attendant les secours… « Mon casque et mon cartable sur le dos, avec mon ordinateur, m’a sans doute sauvé la vie», explique, les sanglots dans la voix, ce père de trois enfants dont l’état n’est toujours pas consolidé. Brûlé à 20 %, il a repris le travail, portant des vêtements compressifs « 23 heures sur 24 ». « Il ne se passe pas un jour sans que je pense aux trois personnes décédées », explique cet homme qui espère encore pouvoir tourner la page.

Et pour cela, un jour « il faudra savoir pourquoi ce bâtiment a explosé ». L’origine est-elle à chercher dans le réseau de gaz ou dans l’installation au sein de l’école américaine Paris American Academy (PAA), dans le bâtiment où a eu lieu l’explosion, au 277, rue Saint-Jacques, classé drapeau appartenant à l’armée ? Dans le quartier, beaucoup se souviennent de cette rue « criblée de tranchées pour les travaux du réseau ». « L’information judiciaire est toujours en cours », répond GRDF. Nous réservons nos réponses aux questions relatives à l’accident aux autorités compétentes. » Sollicité lundi, le ministère des Armées n’a pas répondu au moment où nous publions cet article.

Les experts des risques industriels cherchent à comprendre

Une information judiciaire a été ouverte au tribunal judiciaire de Paris le 6 juillet 2023 pour « homicides et blessures involontaires, par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ». Un expert a été désigné. Il n’est pas le seul à rechercher les causes de l’explosion. Un expert en incendie et explosion a également été désigné au civil, cette fois, par le juge des référés le 13 mai, à la demande du syndicat des copropriétaires du 288, rue Saint-Jacques, touché par le souffle de l’explosion. Cet expert dispose de cinq mois pour remettre son rapport. Les deux procédures sont totalement indépendantes.

Fait nouveau, le bureau d’enquête et d’analyse des risques industriels (BEA-RI), service à compétence nationale chargé de mener des enquêtes techniques pour déterminer les causes des accidents industriels, travaille également sur l’explosion. “Nous avons déjà enquêté sur le réseau gazier, notre objectif n’est pas de rechercher les coupables mais les causes, d’éviter les répétitions et de formuler des recommandations”, explique son directeur Henri Kaltembacher au Parisien. Cela n’a pas été le cas pour l’explosion de la rue de Trévise (Paris, 9e), en 2019, ce bureau ayant été installé en 2020.

La procédure d’indemnisation est en cours, prise en charge par Generali, assureur de l’école de mode et de design Paris American Academy, sans préjuger de l’issue pénale et civile. A ce jour, une cinquantaine de personnes ont dû être relogées, 27 logements restent inhabitables, dont celui de Martine. «C’était un cataclysme. En un instant j’ai tout perdu, cinquante ans de vie conjugale, à 88 ans. J’avais l’impression d’être complètement dévêtue, j’étais désorientée, et en plus je n’avais plus rien, pas un vêtement, pas une paire de chaussures… La dernière partie de mon existence sera conditionnée par cette tragédie”, confie cette élégante. et modeste qui nous reçoit dans son nouvel appartement, dans le 6e arrondissement, trouvé grâce aux « petites annonces ». Son assureur finance deux ans de relogement.

Deux semaines après l’explosion qui a ravagé son appartement, 2, place Alphonse-Laveran, son mari est mort de maladie. « Ce 21 juin 2023, je l’ai emmené en maison de retraite, il était très malade. Ma femme de ménage m’a appelé pour me dire Madame, c’est très grave… Elle avait quitté notre maison cinq minutes avant l’explosion, heureusement”, souffle Martine.

« Des mannequins enflammés ont débarqué dans ma chambre »

À son retour, le quartier n’est plus que des ruines fumantes. Son appartement situé côté pair, juste en face de l’école américaine, est déjà en partie incendié. «C’était ma chambre», raconte Martine en feuilletant des photos du chaos sur son téléphone portable.

L’appartement du premier étage de l’immeuble faisant face au 277 rue Saint-Jacques a été ravagé par les flammes. RD

« Avec l’explosion, des mannequins enflammés ont atterri dans ma chambre », m’expliquent les pompiers. “Heureusement, ils sont intervenus rapidement, sinon tout le bâtiment aurait brûlé”, raconte Martine, qui y vivait depuis onze ans. Elle n’a rien dit à son mari du carnage. Il est décédé le 2 juillet, emportant sans doute avec lui un souvenir de bonheur. « Il mettait son fauteuil devant la fenêtre », raconte Martine. Il était en contemplation absolue, la fenêtre ouverte sur la place et le Val-de-Grâce, les fontaines, les gens qui discutaient sur les bancs, c’était vivant, disait-il. Quelle chance nous avons de vivre là-bas. »

De sa chambre, elle apercevait les bureaux de l’école de design, et son directeur, Peter Carman, 77 ans, visage familier du quartier. « Il était occupé à son bureau jusqu’à 23 heures, c’était un homme dévoué à son école », se souvient Martine. Brûlé à 80 %, il combat toujours dans un centre de rééducation, dans une unité des grands brûlés.

Permettre au quartier de retrouver son âme

Martine a choisi de retourner vivre rue Saint-Jacques, une fois les travaux terminés. En attendant, elle raconte le vide abyssal, les démarches : “C’est colossal, l’informatique est difficile, c’est coincé pour des pertes de biens, de meubles, de vêtements, de bijoux… Tous les papiers étaient dans des dossiers, dans un secrétaire, qui a brûlé”, elle explique. Cependant, une preuve est nécessaire. « Mais qui photographie leur chambre ? » demande-t-elle, pleine de gratitude envers le responsable du syndicat des copropriétaires, « qui a tout pris en main », un groupe WhatsApp a été créé.

Elle porte plainte et rejoint le collectif Val-de-Grâce, qui regroupe une centaine de personnes, dont la première assemblée générale s’est tenue le 27 mai. Parmi les membres, des avocats, des magistrats, des ingénieurs qui ont mis à profit leurs connaissances, également plus locataires modestes et commerçants aux abois. « On retrouve des voisins du quartier qu’on ne connaissait pas avant, ça nous permet d’être ensemble, d’avancer vers la justice », salue Mickael Gac. Le collectif a contacté le cabinet d’avocats Bibal, qui assiste également les victimes de l’explosion de la rue de Trévise.

Les résidents de Saint-Jacques espèrent ne pas avoir à attendre cinq ans devant les tribunaux. “Il est essentiel que l’enquête soit menée jusqu’au bout pour rendre justice aux victimes et que cela ne se reproduise plus”, répète Alain Polonsky, président de l’association, qui actionne tous les leviers pour aider les victimes et permettre au quartier retrouver son âme, avec la reconstruction tant attendue du pavillon du Val-de-Grâce.

 
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