“Vous êtes pointés du doigt, dévisagés”, atteint d’une maladie de peau, ce footballeur breton répond par des buts

Cible de remarques chaque week-end en raison de sa maladie de peau, Émeric Leray (28 ans) répond en marquant des buts. L’attaquant de l’OC Cesson (N3), notamment via Dinan Léhon, le Vannes OC et le CPB Bréquigny, s’est construit autour de son vitiligo, qu’il a fini par apprécier.

Quand et comment est apparu votre vitiligo ?

Cela a commencé à ma naissance, je suis née avec une tache de cheveux blancs (au-dessus du front) et une dépigmentation cutanée est apparue quelques mois plus tard. Mon père a une ou deux tâches, qui ne sont pas très visibles. Un de mes deux frères aînés a la même chose que moi, mais à plus petite échelle. Je suis celui sur qui c’est le plus marqué.

Où se situent vos tâches ?

Sur les bras et les jambes. Les zones couvertes par le maillot et le short de football sont les zones où je n’ai pas de taches, à part le ventre. Imaginez un footballeur avec des chaussettes basses, c’est là que se situent mes tâches : tibia, cuisse, bras…

Ils ressortent encore plus, comme si vous étiez prédestiné à devenir footballeur…

(Il rit). Peut-être que c’était écrit ! C’est visible, donc forcément, les gens font des réflexions. Mais ça m’a toujours boosté. Je suis un joueur offensif, je veux seulement marquer et aller faire la fête dans les tribunes et leur remonter le moral.

Avez-vous toujours bien vécu les regards et les mots ?

Comme n’importe quel enfant qui se fait critiquer, mais je ne suis jamais rentré chez moi en pleurant. Cela m’a été utile plus que toute autre chose, cela a construit mon caractère. Le monde est fait comme ça, il y a une multitude de discriminations raciales, ethniques, physiques… Je n’y ai pas échappé. Ce sera du premier jour de ma vie au dernier jour.

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“Le football m’a aidé”, Emeric Leray estime que le football lui a fait changer la perception de sa maladie de peau. (Photo Nicolas Tavarès)

Avez-vous déjà essayé de cacher vos taches avec des collants ou des maillots de corps ?

Jamais, je n’en ai pas honte. Ce n’est pas comme si j’avais fait quelque chose de mal, c’est hors de mon contrôle. Que puis-je faire à ce sujet ? Ce n’est pas facile à vivre au quotidien et ça doit être encore plus dur pour certains, mais pour moi, le football m’a aidé.

Vous êtes-vous déjà senti gêné à ce sujet ?

J’avais certainement des complexes quand j’étais petite. Pourtant, c’est la diversité qui nourrit le football. Les seules fois où j’ai pu m’énerver, où j’ai entendu des choses qui m’étaient destinées, cela venait des adversaires : parents, enfants, supporters… Plus on grandit, plus on voit, on entend et on sait qu’il y a des regards et des mots qui ne trompent pas. Vous êtes pointé du doigt, dévisagé, dévisagé.

Est-ce que cela vous a déjà rendu triste ?

C’est plutôt l’effet inverse, ça me booste. Même sans dépigmentation cutanée, dans le football, il y a des mecs agressés tous les week-ends. Pour rien. Quand ça marche, j’adore ça. Je ne considère pas le football sans le chambrage. J’ai pris des choses en face qui m’ont presque fait rire, mais combien de fois suis-je allé faire la fête devant des gars qui me criaient dessus après avoir marqué le but vainqueur…

Est-ce que cela a déjà gêné votre progression dans le football ?

C’est juste une dépigmentation de la peau. Le seul impact est que les zones dépigmentées sont plus fragiles au soleil. Mais on joue en Bretagne, donc le soleil… (il sourit). En été, ça me remplit un peu d’aller à la plage. Si j’avais un message à transmettre, ce serait qu’il faut s’en servir pour avancer.

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Il est devenu buteur pour répondre aux propos qui lui étaient adressés. (Photo Nicolas Tavarès)

Pensez-vous que les jeunes ne jouent pas au football à cause de leur vitiligo ?

Je pense que oui. Je le vis bien parce que je me suis fait une coquille. Ma vie personnelle est bien remplie : je suis très proche de ma famille, j’ai toujours eu un bon groupe d’amis, notamment grâce au football, j’ai ma copine, mon fils… Donc c’est facile d’oublier. Mais pour les jeunes, mal à l’aise, harcelés, cela peut être plus compliqué.

Vous êtes né et avez grandi avec. Pour certains, la maladie survient soudainement.

Passer d’inaperçu à scruté et moqué doit être plus difficile. Mais je pense que cela dépend de la façon dont on prend les choses. Il y a un combat fondamental. Il faut mettre en avant les choses à ne pas faire et à ne pas dire, tout en gardant de la légèreté.

Vous jouez l’attaquant, un joueur que l’on recherche et que l’on surveille tout le temps sur le terrain. Êtes-vous parvenu à apprécier votre différence visible ?

C’est devenu un plaisir d’avoir un public taquin. Je ne suis pas toujours calme, ceux qui me connaissent savent que je suis même une personne optimiste. Mais si je devais répondre, je répondrais tous les week-ends. Parce que ça arrive chaque week-end, chaque match. Par la force des choses, l’attaquant a envie de jouer, de toucher le ballon, de tirer et donc, finalement, d’être vu.

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Émeric Leray (OC Cesson), amateur football player suffering from vitiligo. (Photo Nicolas Tavares)

Est-ce aussi pour répondre aux propos selon lesquels vous vouliez être attaquant ?

J’ai toujours voulu jouer en attaquant, je marquais des buts et j’adorais ça, je ne me voyais pas en défenseur, j’avais l’impression qu’ils s’énervaient. Je suis rentré à la maison et j’ai parlé de mes quatre buts, et eux, les défenseurs, je me demande ce qu’ils disaient à leurs parents (il sourit). Je me souviens d’un match, à Ploërmel, il y a trois ans, en R1. Je suis remplaçant, j’entre à la mi-temps, on mène 3-1, on gagne 5-3, je fais un triplé et je fais une passe décisive, j’ai été incendié tout le match de l’autre côté du terrain et je célébrerai la victoire devant eux. Les matchs comme celui-ci sont les meilleurs. C’est mon petit pouvoir. Le revers de la médaille.

Savez-vous comment la maladie va évoluer ?

Actuellement, la dépigmentation ne change pratiquement pas. Les tâches ont évolué au fur et à mesure que je grandissais, certaines ont disparu, d’autres se sont agrandies. Il y a des avancées, notamment les débuts du traitement médicamenteux. Mais ça ne m’intéresse pas, je me suis construit comme ça. Je ne dis pas que si j’avais eu le choix quand j’étais petite, je n’aurais pas essayé de changer. Plus on vit avec, moins c’est difficile.

Ces deux tatouages ​​​​sur vos mains sont peut-être la preuve ultime de l’acceptation de la peau.

Ce sont les initiales de ma copine Mathilde (un « M » à l’annulaire de sa main gauche), et de Noah (un « N » à l’index de sa main droite), mon fils. Cela a été fait il y a trois mois.

Crédit photo : Photo Nicolas Tavares

 
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