Lucas Chevalier, votre fils, est appelé en équipe de France. Quand quelqu’un vous dit ça, que dites-vous ?
Pourtant, nous nous y attendions. Nous dirons qu’il n’y a pas de surprises. Compte tenu de ses performances, cela renforçait le fait que cela allait forcément arriver. Nous sommes heureux. Franchement, je vous parlerai différemment si un jour il est titulaire (en équipe de France). Mais c’est une étape très importante. Il devra se fondre dans le groupe et apporter sa contribution. Aider l’équipe dans ce qu’elle peut faire lors des entraînements, pousser le niveau des gardiens. Et si cela permet à chacun d’être encore plus efficace…
Est-ce qu’on se dit : « Enfin » ?
Même pas. Il est jeune. La principale préoccupation est de bien performer dans le club. L’équipe de France est le résultat d’un travail bien fait. Il a réalisé une superbe performance contre le Real Madrid. Il fallait confirmer contre l’Atlético de Madrid et la Juventus. Sur ce plan international, il a confirmé. Cette sélection, c’est un peu la suite logique des choses. Et c’est bien que ça se passe ici. Il le mérite.
Il a eu 23 ans mercredi. C’est un beau cadeau…
Super cadeau! Il l’espérait. Cela faisait un moment qu’il souhaitait qu’on l’appelle. Mais pour lui, c’est à mon avis son plus beau cadeau.
Votre fils est impatient ?
Il était toujours très impatient. Depuis six mois, il l’est un peu moins, avec un peu plus de maturité peut-être. Il commence à voir les choses un peu différemment. Je pense que ses performances l’aident à être plus calme. Cette année est un peu charnière. Il découvre la Ligue des Champions. Nous en avons parlé : « Cela va changer votre rythme de vie, vous jouerez tous les trois jours. Les matchs de C1, en termes d’intensité, de pression psychologique et physique, sont d’un autre niveau… » Initialement, lorsqu’il n’a pas été sélectionné (en octobre 2024)Je lui ai dit : « Vous savez, ce n’est peut-être pas si grave. Cela permet de souffler, de sortir de ce contexte de pression permanente. » Et j’ai ajouté : « Si vous répétez ces performances, vous y irez… »
Vous parliez d’une année charnière. Diriez-vous qu’il s’est mis la pression en disant : « C’est la saison que je dois prouver » ?
Cela n’a jamais été son discours, ni le nôtre. Lucas est très déterminé depuis qu’il est petit. Dans tout ce qu’il fait, c’est un travailleur. Il se concentre sur le maintien de cette détermination, sur l’envie de progresser… Je pense qu’il aime même jouer des matchs sous pression. Il a une grande confiance en ses capacités en tant que gardien de but. Sur le plan technique et athlétique, il estime avoir un très bon niveau. Mais il sait aussi que pour être un grand gardien, cela ne suffit pas.
Quand on voit l’incroyable arrêt contre Dušan Vlahović mardi dernier contre la Juventus…
Cela va vous paraître bizarre, mais c’est le genre d’arrêts pour lesquels je n’ai aucun doute sur sa capacité à faire cela. C’est peut-être son point fort. Quand il était jeune, tout le monde était aux anges car il avait cette capacité de réactivité et de rapidité. Une explosivité un peu inhabituelle. Quand il jouait au football à 8, il était petit, mais il vous recevait les ballons dans la lucarne supérieure. Et il a remporté le titre de meilleur gardien du tournoi pour cet arrêt car personne n’en était capable. Mais pour en revenir à la Juventus, oui, c’était un arrêt de très grande qualité. Le temps de réaction est si rapide que le cerveau doit être câblé. Il a aussi cette longueur d’avance car, au fond, il est bien placé. Au moment du croisement, il fait les petits pas nécessaires pour se mettre dans la meilleure position pour intervenir. L’arrêt est extraordinaire, mais c’est grâce à ces petits pas. S’il est 80 centimètres plus à droite, il ne peut pas l’avoir.
Comment vous impressionne-t-il le plus sur le terrain ?
Cette sérénité, cette tranquillité qu’il possède. Son attitude corporelle est toujours très bonne. C’est à la fois dynamique et calme. Il sait donner du rythme et sait se calmer. On a l’impression qu’il joue à un haut niveau depuis dix ans, même si c’est sa troisième saison en Ligue 1. Cela me fait penser qu’il se sent bien sur le terrain. Il travaille avec un préparateur mental, qui a dû l’aider à comprendre les événements. Il le voit moins ces derniers temps. Mais il voulait travailler avec, non pas parce qu’il ne se sentait pas bien, mais pour se sentir encore mieux. Comme il veut toujours progresser, il comprend que l’aspect mental est fondamental. Alors s’il pouvait avoir des idées pour améliorer cette fraîcheur mentale… Il faut aussi qu’il gère la pression, les matchs… Contrairement aux idées reçues, oui, un gardien n’est pas forcément fatigué physiquement comme un joueur de champ, mais, mentalement, s’il l’est concentré tout le match, à la fin, il est très fatigué.
Vous parliez d’attitude corporelle : quand on le regarde sur le terrain, faire la fête, ou affronter les journalistes en zone mixte avec une certaine décontraction, on a l’impression qu’il apprécie ce qui lui arrive.
Je pense qu’il est conscient de la possibilité de faire un travail extraordinaire. Si on regarde ses deux premières saisons en Ligue 1, elles sont bonnes. Le premier, il a même été nommé parmi les cinq meilleurs gardiens. A l’époque, j’avais dit : « Il faut comprendre que Lucas ne voit pas le football comme un simple métier. » Il va plus loin. Il veut vivre des émotions, et surtout les partager avec le public, les supporters. Il a besoin de cette connexion. Cela permet peut-être aussi de s’exprimer, de relâcher la pression… Pour lui, le football est une communion. C’est sa philosophie.
Dans cette série de bonnes performances, d’exposition, avec désormais l’équipe de France, comment vous sentez-vous ?
Je le trouve heureux. Se sentir bien dans ses baskets. Dans sa vie privée, il est très rigoureux. Vous pouvez vous rendre chez lui à tout moment, je peux vous dire que la maison est impeccable. Avant de se coucher, il passe l’aspirateur. Si vous vous couchez à minuit, vous entendrez l’aspirateur. C’est son tempérament, il aime que tout soit bien rangé. Il se sent mieux comme ça. Mais je le trouve épanoui, confiant. Sa vie est bien organisée.
Quand on prend du recul sur cette convocation, quand on repense à tout ce cheminement depuis Coquelles (sa ville d’enfance dans le Pas-de-Calais)… C’est dans ce genre de moments qu’on repense à tout ce qui ?
La dernière fois, j’en parlais avec des amis. Quand je vois ce voyage qui est passé si vite… On n’a pas pris de vacances parce qu’on savait qu’il fallait les prendre (Lucas et ses frères, NDLR) au foot début juillet, être disponible les samedis et dimanches pour faire 200 kilomètres aller, 200 kilomètres retour… Au final, quand on arrive avec un résultat comme Lucas, on se dit que c’est aussi une récompense pour nous.
Un match en U16, 4 matches en U18 : les Bleus réussissent rarement chez les jeunes…
Il a une histoire quelque peu mouvementée avec les équipes de France de jeunes. Il n’était pas forcément numéro 1 de sa catégorie en U16 et U17. Mais quand les listes arrivèrent, il lui dit : « J’espère que j’y serai ! » » Quand il n’était pas là, il était déçu. L’équipe de France a toujours été un objectif pour lui, dès son plus jeune âge.
Pour une personne impatiente comme lui, ça a dû être dur…
Oui. Mais je l’ai minimisé avec lui. Je lui ai dit : « Vous savez, les équipes de France de jeunes, beaucoup y vont et font toutes les catégories jusqu’aux Espoirs, et puis c’est fini. » Et il y a le contraire, comme Mike Maignan. Mais lorsqu’il est allé en sélection, il s’est senti supérieur aux autres. En équipe de France U17, il a joué en National 2, les deux autres en U17 ou U19, national. Mais l’entraîneur des gardiens de la sélection ne savait même pas que Lucas évoluait en N2 ! C’est pour vous dire… Dans ces catégories, au niveau du staff, on ne se renseigne pas assez sur les joueurs… C’est lors d’une discussion avec ce coach qu’il a demandé : «À quel niveau jouez-vous ? Quand Lucas répond : «Une Nationale 2. » Il lui dit : «Ah bien ?” A 16 ans, Lucas, pour son premier match, c’était contre Épinal de Jean-Philippe Krasso… C’était un régal. Et il a joué tout de suite.
Vous en parliez : à Clairefontaine, Lucas Chevalier va retrouver Mike Maignan, qu’il a connu au LOSC. Et leur relation est particulière.
Mike lui a fait voir le football et le poste de gardien de but différemment. Une vision que Lucas avait changée au contact de Mike Maignan. Sur l’aspect préparation, mental, travail… Cela a été crucial et bénéfique. Si Lucas arrive en sélection aujourd’hui, on peut dire que c’est parce qu’il a eu la chance de côtoyer un gars comme Mike Maignan. Lucas a vraiment apprécié qu’il ait de la considération pour lui. Maignan est un travailleur acharné, c’est un perfectionniste, toujours à l’œuvre. Lucas, ça lui convenait, parce qu’il avait un peu ce caractère-là. Avoir un type comme ça comme modèle, c’était dire à Lucas : « Le poste de gardien de but, c’est tout. Cette voie est la bonne. »
Lucas Chevalier devrait être convoqué par Didier Deschamps