LAVAL – Dans ce début de saison presque parfait du Rocket de Laval, les statistiques de Sean Farrell ressortent comme une rare tache noire sur un visage fraîchement exfolié.
Il faut aller au bas de la liste des buteurs de l’équipe pour trouver le nom de l’ancien choix de quatrième ronde. Farrell est le seul, à part les gardiens Jakub Dobeš et Connor Hughes, qui n’a toujours pas de point à son actif. Il est également l’un des deux joueurs à avoir un bilan défensif négatif. L’autre est Chris Jandric, un défenseur présentement avec les Lions de Trois-Rivières.
Huit matchs ne font pas une saison, mais ils représentent tout de même un échantillon important pour un joueur au profil offensif comme Farrell. À sa première saison complète dans le hockey professionnel l’an dernier, l’ancien attaquant vedette de l’Université Harvard n’a jamais disputé plus de quatre matchs sans marquer. Même ralenti par les blessures, il a trouvé le moyen de produire 28 points en 49 matchs.
« C’est évidemment un peu frustrant », reconnaît celui qui a fêté ses 23 ans samedi dernier. J’aurais pu au moins avoir quelques sauts favorables, une rondelle heurtant mon patin ou quelque chose du genre, mais rien de tel ne m’est encore arrivé. Je continue d’avancer, un match après l’autre, en me disant que ça ne peut que s’améliorer. »
L’arrivée de Pascal Vincent à la barre du Rocket est considérée comme un facteur important expliquant les premiers succès de l’équipe. L’entraîneur de 53 ans est l’entraîneur le plus aguerri parmi tous ceux qui sont passés par Laval pour diriger le club-école du Canadien. Certains ont trouvé dans ses méthodes une parfaite adéquation avec leur personnalité, selon ses mots les bons conseils pour s’épanouir.
Farrell fait partie de ceux pour qui l’adaptation est la plus difficile.
« C’est différent depuis qu’il est ici, je pense. Avec Pascal, j’essaie de travailler les détails d’un match. » Des exemples ? Farrell explique qu’il doit être « un peu meilleur en échec-avant » et plus agressif dans ses batailles pour la rondelle. Des actions défensives, sans la rondelle, qui sont moins naturelles pour ce meneur de jeu au gabarit modeste.
« C’est le genre de choses que nous devons faire pour gagner sa confiance, pour le faire jouer. On voit ça avec lui, les gars qui jouent bien, les gars qui produisent, ils jouent beaucoup plus. »
Quelques minutes plus tard, Vincent prend la place de Farrell devant notre enregistreur. Dans une conversation passionnante au cours de laquelle il évoque longuement la philosophie et les valeurs qui guident ses actions, il glisse cette phrase : « Je suis un gars qui est patient quand il y a un effort. Lorsqu’il n’y a aucun effort, mon niveau de patience est très, très faible. »
Lorsque la discussion porte spécifiquement sur la disette de Farrell, l’entraîneur revient sur ce passage.
« Son éthique de travail est excellente. Il a des opportunités lors des matchs, ça finira par payer. Actuellement, ce n’est pas payant. Mais son éthique de travail, je ne peux rien lui reprocher. Donc le reste, je ne m’en soucie pas trop. »
“Alors tu vas être patient avec lui?” », demandons-nous.
” Absolument. Cela fait également partie des résultats. Peut-être qu’il n’a pas les points dont nous parlons, mais je ne suis pas inquiet. »
“Il y a un bug qui va arriver”
« Quand vous ne marquez pas, cela ne veut pas dire que vous ne jouez pas bien. C’est juste que la rondelle ne rentre pas», reconnaît Brandon Gignac. Le vétéran estime parler en connaissance de cause. Sa contribution statistique se limite à quatre passes décisives après sept matchs.
« Et ça commence à jouer dans ma tête », avoue-t-il. Mais dans un autre sens, je me dis qu’à un moment donné j’aurai un match où tout ira bien. C’est comme un handicap au golf. À un moment donné, cela revient toujours à la moyenne. Plus vous tirez, à un moment donné, il y aura un point faible. Pour Sean, il s’agit simplement de rester concentré sur son jeu. Il est tellement talentueux que je ne peux pas croire qu’il n’aura aucun point cette année. Cela reviendra. »
Il sera peut-être plus facile pour Gignac, qui aura bientôt 27 ans et compte sept saisons professionnelles à son actif, de faire le tri dans ses émotions. Il se rend compte que la bête est plus difficile à dompter pour un jeune qui s’est toujours défini par son apport offensif.
« C’est parfois très long mentalement. Il a également été exclu une fois cette année. Ce n’est définitivement pas amusant, ce n’est pas cool pour lui. Mais comme je l’ai dit, ça reviendra. Tout va se rééquilibrer. C’est le début de l’année, il ne faut pas stresser. Pour lui, cela doit être lourd mentalement, mais il est très positif. Je suis assis à côté de lui dans la pièce, nous rions ensemble. Quand on traverse une période comme celle-là, c’est presque drôle parce qu’il n’y a rien qui marche. »
Ce serait un mensonge de dire que Farrell était d’humeur à faire la fête après cinq minutes passées à répondre à des questions sur sa léthargie. Mais il ne se contentait pas de ruminer non plus.
« Il y a eu des périodes l’année dernière où nous perdions beaucoup et c’était tout simplement misérable. C’est bien d’avoir une culture gagnante, de faire partie d’une équipe qui réussit. Les gars autour de moi jouent bien, ça ne peut que m’aider à m’améliorer. En espérant que cela finira par se débloquer pour moi. »