ce qui se cache derrière l’abandon du Renault V6

a déception est immense, à la mesure de l’incrédulité qui s’empare du site Renault F1 de Viry-Châtillon – et d’une grande majorité des observateurs sportifs – depuis l’abandon officialisé lundi du projet de courir avec un V6 maison à partir de 2026. ; préférer sans doute un client Mercedes. Mais comme depuis le début de cette énième affaire qui secoue Alpine F1, entre renoncement technologique, économies résiduelles et gaspillage humain, les salariés du site sud parisien restent mobilisés et constructifs dans leurs objections à Luca de Meo, le PDG du groupe français. qui a pris cette décision de rompre. Parce qu’ils déploient des arguments recevables, parce qu’ils tracent un avenir face à l’aventure de ce court-termisme qui reflète une urgence, voire une panique. Ce qui maltraite la glorieuse histoire de cette usine et son ADN.

Louis, ingénieur à Viry dont nous avons modifié le prénom pour respecter son anonymat, nous a expliqué comment Renault, la maison mère d’Alpine, en est arrivée là. Sacrifier son moteur, expression ultime de la maîtrise technologique en Formule 1, marqueur de son engagement depuis 1977. Et pourquoi, surtout. « L’annonce de lundi a un peu plus d’impact que ce que nous avons entendu jusqu’à présent. Ça fait mal, c’est clair. Il y a eu des années de travail derrière », confie-t-il en préambule, avant d’en venir au fait : « Nous avons passé dix ans à essayer de rattraper le retard que nous avions depuis le début, lors du changement réglementaire », concède-t-il à propos du virage raté. du V6 turbo. hybride en 2014.

«Nous sommes en train de démonter Alpine»

Boîte de vitesses Enstone, vrai problème

En termes de puissance et de fiabilité, la motorisation française n’est pas bien née et s’est payée au fil du temps. Et le gel du développement à partir de 2022 – en réponse urgente à la crise post-Covid – a porté le coup final à ses développeurs. Alors qu’on parlait d’un déficit d’environ 30 chevaux courant 2023, le retard par rapport aux références Honda, Ferrari et Mercedes est bien moindre en réalité. « Il y a 7 kilowatts soit 10 chevaux, ce qui n’est pas grand-chose, imputable au moteur en tant que tel, ou du moins à la pièce développée par Viry-Châtillon, concède Louis. Il a un déficit qui ne contribue qu’à 15% du total et nous sommes incapables de poursuivre notre développement qui porte ses fruits depuis 2022. Le reste, en effet, est en partie justifié par le mauvais fonctionnement de la boîte de vitesses, qui en est la responsabilité. d’Enstone. »

Luca de Meo reproche donc aujourd’hui ce constat au V6, et ferait d’une pierre deux coups en achetant un train arrière complet chez Mercedes. En effet, la firme de l’Etoile commercialise la transmission qui va avec. Pas une réelle option selon Louis, qui rappelle que « pour la majorité des gens du secteur, on ne peut pas espérer être champion du monde en achetant une fourniture moteur externe ». L’Histoire de la F1 n’a en réalité connu qu’une seule exception au fait maison, en dehors de la période Cosworth V8 : Brawn avec la Mercedes, en 2009.

Pierre Gasly (Alpine)

Crédit : Getty Images

« Un désaveu »

Evidemment, Flavio Briatore, conseiller exécutif de Luca de Meo et venu « nettoyer » Alpine F1 comme il le dit, sans jamais venir à Viry, est heureux de souligner que McLaren est le numéro 1 mondial des constructeurs dotés d’un V6 Mercedes. Mais justement, s’équiper du même moteur que Mercedes, McLaren et Williams reviendrait à se priver de faire la différence sur le groupe motopropulseur. “Le déficit de performance d’Enstone sera peut-être compensé grâce à l’apport de Mercedes, mais quoi qu’il arrive, c’est un désaveu d’espérer être champion sans utiliser le moteur (de 2026)”, estime Louis.

En fait, le V6 n’est qu’une partie du problème, et pour s’en convaincre, il suffit de voir qu’Alpine a signé son meilleur bilan depuis son retour en terminant 4e de la Coupe du Monde Constructeurs en 2022. « Depuis, nous avons “Nous n’avons plus la possibilité de développer le moteur et nos résultats sont en chute libre”, constate notre interlocuteur à Viry. Tous les blocs du paddock étaient gelés, c’est donc au niveau de la conception des châssis que l’équipe a plongé, suite aux changements de chefs d’équipe et de directeurs techniques.

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Flavio Briatore (Alpine) au Grand Prix d’Espagne 2024

Crédit : AFP

Économies, compromis

Au-delà de cet extraordinaire patrimoine technique qui risque de se perdre, malgré la mise en place d’une veille technologique déjà jugée insuffisante par Viry, c’est la motivation financière qui choque les salariés. « Certains de mes collègues ont rencontré vendredi dernier M. De Meo, qui a finalement parlé d’économies, de compromis, de dépenses liées au groupe motopropulseur ne justifiant in fine le gain de performances. On voit que dans l’ambition de devenir champion, Audi, comme Red Bull, investissent des sommes colossales pour leurs moteurs. Pour Audi, c’est un milliard d’euros, alors que le groupe Renault parle de 100 millions d’économies. Nous n’avons pas la même chose. ambitions face à cela.

Comme Renault, champion au milieu des années 2000, Audi développe un châssis et un moteur dans des bases distinctes, voire dans des pays différents (Allemagne et Suisse), ce qui laisse penser que ce modèle, certes plus exigeant, est toujours d’actualité en Formule 1. Et que Flavio L’argument de Briatore sur la proximité de l’usine de moteurs Mercedes, à Brixworth, et de la filiale Alpine d’Enstone, également en Angleterre, est celui de la facilité.

Le dilème du « faire ou acheter »

Bref, il n’y a aucune raison décisive de ne pas croire en cet avenir d’un Renault V6 finalement performant, attractif pour les équipes clients, et donc capable de générer des revenus. « Cette (V6) R26 est notre opportunité de revenir totalement dans le jeu en 2026, plaide Louis. Nous attendions beaucoup de cette année-là et il y a une profonde déception, une grande frustration de ne pas avoir eu l’occasion de laisser parler la technique pour décider de notre sort. Malgré une forte instabilité dans notre management à Viry, notre projet moteur 2026 a toujours pu pour maintenir sa ligne de déploiement. Il a pu arriver au banc d’essai à temps et offrir des résultats. étaient plus que prometteurs.

Malheureusement, un nouvel argument, rendu public récemment, torpille encore un peu plus le projet : Viry ne serait pas en mesure de développer son V6 aussi bien que Mercedes et Ferrari. « Nous avons une approche de développement qui n’est pas celle de Mercedes ou de Ferrari, explique Louis, dans le sens où la stratégie du « make or buy », Mercedes et Ferrari ont plutôt choisi la stratégie du « make ». Alors que Renault, historiquement, a toujours choisi « acheter ». C’est-à-dire que nous nous appuyons sur un réseau de fournisseurs plutôt que d’essayer de fabriquer nos concepts en interne. On peut nous reprocher, à tort, ces histoires de développement alors qu’en fin de compte, notre approche consiste à trouver les experts là où ils se trouvent. En bref, l’option moteur client libérerait également la gestion de nombreuses complications quotidiennes.

Viry s’est néanmoins rapproché d’Enstone

Si Louis reconnaît effectivement chez Luca de Meo « l’ambition d’être champion », au prix d’un « pari risqué » et d’un trait sur une belle histoire, il n’exclut pas une dimension personnelle, politique dans cette décision. L’ingénieur de Viry rappelle que le PDG sera en fin de mandat en 2027, et que c’est peut-être pour cette raison qu’il prend aujourd’hui un raccourci afin d’afficher dans son bilan une compétitivité retrouvée d’Alpine F1.

Malgré ces contraintes, qui font partie du défi de la F1, Viry est prêt à continuer à donner des garanties à la base d’Enstone pour réaliser, encore et encore, du sur-mesure. « Avoir deux sites distincts pour gérer le développement d’une équipe n’est pas évident, rappelle-t-il. « Nous avons travaillé pendant deux ans pour améliorer les relations, pour intégrer le plus tôt possible dans les développements du châssis, pour que nous prenions en compte leurs avis dans la construction des questions d’intégration du PU (Power Unit). Avec le R26, nous avons décidé de revoir complètement notre démarche d’innovation, de revoir la stratégie de gestion technologique. éclatement. On a un peu remis en question tous nos prérequis pour vraiment repartir de zéro.

Par le passé, Renault s’est déjà retrouvé à la croisée des chemins, se perdant avec le V10 ouvert à 110° au début des années 2000. Pour vite repartir sur un nouveau projet, conventionnel dans son architecture (un V10 à 90°°), qui a finalement sacré les équipes champions du monde en 2005 et 2006.

Les glorieux anciens s’en souviennent bien, et leurs témoignages, s’ils ne sont pas encore efficaces, seront toujours un soutien précieux pour ces hommes et femmes de Viry prêts à démontrer qu’ils possèdent un savoir-faire unique dans le sport, qu’ils représentent un fleuron du sport. Industrie automobile française. Qui espère aussi un soutien, une prise de position publique des services de l’Etat afin de changer le cours de l’histoire. Parce qu’il n’est jamais trop tard.

 
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