Révélation du mercato estival niçois, Moïse Bombito a connu une adaptation express sur la Côte d’Azur. Mais si sa progression semble aujourd’hui inarrêtable, le véloce défenseur central de 24 ans a parcouru un long chemin. Retour sur un parcours atypique, semé d’embûches.
Une course folle, un tacle salvateur et une fête endiablée. Ce dimanche 6 octobre, après un duel remporté contre Bradley Barcola lors de la rencontre entre Le Gym et le Paris Saint-Germain (1-1), Moïse Bombito a réalisé une magnifique remontée défensive face à la star parisienne avant de communier avec ses supporters. Une action symbolisant parfaitement les débuts niçois du Montréalais arrivé sur la Côte d’Azur l’été dernier en provenance des Colorado Rapids (États-Unis).
Ce soir-là, Rocco Placentino était présent dans les allées de l’Allianz Riviera pour voir jouer son ancien poulain pour la première fois depuis son arrivée en Europe. Directeur sportif du CS Saint-Laurent, le tout premier club de Bombito, le manager de 42 ans est un homme épanoui. “C’est un jeune qui a joué dans notre club pendant presque 10 ans, il nous rend fiersdit-il. J’ai toujours imaginé voir un joueur formé à Saint-Laurent jouer au plus haut niveau. Mais le voir sous mes yeux était magnifique.
Avec 15 matches joués au complet depuis son arrivée officialisée le 19 août (sauf Angers, où il a été expulsé à la 65e minute)Moïse Bombito a subi une adaptation expresse. Devenu membre de l’arrière-garde de Franck Haise, le défenseur central de 24 ans n’a pas tardé à entrer dans le cœur des supporters niçois, vite conquis par ses qualités de vitesse, sa personnalité ensoleillée et son état d’esprit. guerrier sur le terrain. International canadien depuis juin 2023, le Laurentien traverse la meilleure période de sa carrière, lui qui brille également en sélection, où il sort d’une belle Copa America. Pourtant, si son ascension ces derniers mois semble irrésistible, Bombito a parcouru un long chemin. De très loin.
UN RÊVE INACCESSIBLE
Né à Montréal le 30 mars 2000, le petit Moïse a grandi dans une famille modeste. Passionné de football, il rêve d’un avenir professionnel. Mais comme beaucoup d’enfants locaux, ce fantasme semble inaccessible. “La province de Québec est très vaste, nous avons une zone de chalandise de près de 9 millions d’habitants. (8 874 683 habitants au total) et pourtant, nous n’avons qu’un seul club professionnel, le CF Montréalse souvient Anis, scout indépendant et gestionnaire de la page Instagram Montreal Cracks, suivie par plus de 3 000 personnes. Il n’existe qu’une seule académie professionnelle pour tous les jeunes Québécois. Les opportunités manquent cruellement», explique l’homme, fervent adepte du parcours de Bombito dans sa jeunesse.
Dans un tel contexte, les chances de se démarquer sont rares. Pas découragé par son essai non concluant avec l’Impact de Montréal (ancien nom du CF Montréal) à l’âge de 13 ans, Bombito s’est concentré sur sa progression dans son club amateur, le CS Saint-Laurent. Même au sein de son équipe de quartier, le Canadien peine à se démarquer. “Quand je l’ai rencontré, il avait 12 ans et demise souvient Rocco Placentino. Il faisait partie de la génération « an 2000 ». C’était une génération vraiment forte, il faisait partie des 20 joueurs de l’équipe mais était-il l’un des meilleurs joueurs ? Non pas du tout. Il y avait des jeunes bien plus intéressants que lui.»
A l’époque, le longiligne droitier évoluait au poste d’attaquant et personne ne pariait vraiment sur lui. Personne, sauf Kwame Ansah, alors entraîneur des équipes de jeunes de Saint-Laurent, aujourd’hui directeur technique. “Il a toujours été un garçon avec de bonnes aptitudes avec le ballon.se souvient le technicien. Mais il était petit, ses coéquipiers étaient plus grands que lui. Sa condition physique l’empêchait de s’exprimer au mieux, mais il y avait quelque chose en lui lorsque je l’ai vu jouer pour la première fois. Je me souviens qu’un de mes assistants m’a dit : « Kwame, quand ce petit sera grand, ça va être quelque chose ». »
une rencontre et un clic
Mais le - presse et Bombito reste toujours aussi éloigné du monde professionnel. A 17 ans, le Nord-Américain entre au collège, l’équivalent du lycée en France. Au sein de son équipe scolaire, les Aigles du Collège Ahuntsic, il fait une rencontre qui va changer la trajectoire de sa carrière.
Entraîneur français en exil au Québec, François Bourgeais, entraîneur de l’équipe collégiale, a vu le potentiel du jeune Moïse. Il l’a d’ailleurs recruté dans son club, le CS Saint-Hubert, pour poursuivre le travail, à l’été 2020. »Quand je l’ai rencontré, il était U18 et il jouait comme attaquant à Saint-Laurent. Il avait du talent devant, il marquait des buts et il allait très vite mais il n’était pas le plus constantanalyse le technicien, désormais entraîneur adjoint des U19 du FC Lorient. On sentait que ce n’était pas fini morphologiquement. En tant qu’attaquant, il n’avait ni la fraîcheur ni la régularité. Il y avait d’autres joueurs qui étaient plus efficaces que lui en tant qu’attaquant.»
Rapidement, Bourgeais, ancien milieu défensif professionnel, a compris que l’avenir de son jeune talent nécessitait de prendre du recul sur le terrain. “Au collège, j’ai décidé de l’utiliser comme milieu défensif, puis comme défenseur central.explique l’éducateur. J’étais convaincu qu’il pouvait encore mieux s’exprimer sur le terrain en jouant à un autre poste, plus en retrait. Il fallait convaincre Moïse, qui n’était pas forcément pour au départ. Mais il avait confiance en moi, on s’entendait bien et le message est passé. En tant que défenseur central, souvent dans une défense à trois, il est devenu infranchissable.»
Sous les ordres de son nouvel entraîneur, le futur Aiglon progresse à Saint-Hubert, malgré une adversité limitée, à « niveau »R1-N3» selon François Bourgeais. Surtout, le petit Moïse grandit, progresse physiquement et développe sa qualité première : la rapidité. “Il a renforcé ses muscles pour répondre aux duelsse souvient le sélectionneur français. C’est très rare de voir des garçons de sa taille (1m91), qui va aussi vite que lui. Et il n’est pas rapide, il est super rapide »s’amuse l’ancien mentor.
« faites confiance au plan »
Le football québécois devient alors trop petit pour Bombito. Pour grandir davantage, le défenseur doit franchir la frontière. Objectif : les États-Unis et la MLS, dont les lumières attirent tous les jeunes joueurs canadiens. “À cette époque, il a refusé plusieurs offres de clubs évoluant dans la Première Ligue canadienne. (le championnat canadien) et a préféré tergiverser car il savait qu’il avait une chance pour la MLSAnis nous le révèle. Il aurait pu jouer pro plus tôt mais il a préféré s’exposer au monde et passer par la NCAA. (le championnat universitaire américain) jouer devant les recruteurs de la MLS ».
Déterminé et confiant, le joueur de 21 ans prend un risque. D’autant que l’accès aux meilleures universités américaines est semé d’embûches. Étape incontournable pour les joueurs non sélectionnés dans les centres de formation des clubs professionnels, le championnat NCAA est un vivier de talents dans lequel viennent puiser les plus grands clubs des Etats-Unis. Mais pour intégrer une université prestigieuse et pouvoir progresser sous les yeux des recruteurs, votre dossier académique doit suivre. “Moïse n’avait pas les notes nécessaires pour passer directement en première division universitaire», dit Anis.
Un nouveau coup dur qui ne décourage pas Bombito. Le Canadien décide de prendre du recul pour mieux sauter : «Il a dû passer par le Junior College, une sorte de préparation, pendant qu’il réglait les formalités académiques.», détaille le scout indépendant. Pendant un an, le futur chouchou de l’Allianz Riviera a évolué sous les couleurs des Iowa Western Reivers dans un championnat bien en dessous de son niveau. “Il a eu l’humilité suffisante pour jouer à un niveau qui lui était très facile, pour tuer une année pendant laquelle il aurait pu s’essayer en tant que pro au Canada. Il avait tracé un chemin et il avait confiance en lui pour suivre ce chemin et devenir un pro. Cela montre à quel point il était lucide. Pour ce faire, vous devez vraiment, vraiment être humble et faire confiance au plan.»
Et le plan se déroule à merveille. Dix-huit mois plus tard, le Montréalais reçoit une offre de l’Université du New Hampshire et rejoint la Nouvelle-Angleterre. Son année 2022 est celle de l’explosion. En six mois, l’étudiant Moïse a gravi tous les échelons. Grâce à sa performance, les Wildcats, l’équipe de son école, ont remporté le championnat de la conférence. Les distinctions individuelles affluent : meilleur défenseur de la conférence, nommé dans l’équipe du championnat… Surtout, Bombito obtient le label « Génération Adidas » et signe un contrat avec le célèbre équipementier qui lui offre la possibilité d’être drafté en MLS dès son première année d’université. “En règle générale, les joueurs passent 3 à 4 ans à l’université avant de rejoindre la MLS.dit Anis. Mais Moïse a tellement tout fait exploser en six mois qu’il n’avait déjà plus rien à faire là-bas. Il a fait à peu près tout dans l’équipe.»
« À MONTRÉAL, Moïse Bombito est une icône »
Chez lui, à Saint-Laurent, ses proches continuent de le suivre et sont impressionnés par son changement. “Ce n’était plus le même Moïse Bombito que j’avais connuse demande son premier entraîneur Kwame Ansah. Il comprenait beaucoup mieux le football, techniquement il avait progressé. Il avait franchi une étape.» Repéré par les Colorado Rapids, le défenseur, aujourd’hui âgé de 22 ans, voit ses rêves se réaliser. Il rejoint la franchise MLS et devient enfin joueur professionnel. “À partir du moment où il est parti pour le Colorado, on avait l’impression qu’il s’améliorait à chaque match. Nous avons compris qu’il allait être l’un des meilleurs défenseurs du monde”s’exclame l’éducateur.
Devenu rapidement incontournable dans sa nouvelle équipe, Bombito est prêt à s’envoler pour une nouvelle étape à l’été 2024 : l’Europe, direction l’OGC Nice. Non sans laisser un véritable héritage au Québec. “Il n’a pas oublié d’où il vientconfirme Rocco Placentino. Pour les jeunes joueurs de Saint-Laurent, il est un modèle. Partout dans le monde, les enfants sont fans de Messi, Ronaldo… Mais ici, les jeunes veulent être Moses Bombito.»
Parti de rien, le natif de Montréal est devenu un pionnier, une lueur d’espoir pour les jeunes de sa province et de son pays. “Ce n’est pas écrit pour lui, tout ça. A 20 ans, il ne renifle même pas au niveau professionnel. Il est passé de joueur universitaire à star nationale. explique Anis. “Le chemin qu’il a décidé de suivre, en passant par un an de préparation, malgré son talent, il a été l’un des premiers à le faire.”
“Il représente un athlète devenu pro sans passer par un centre de formation, confirms François Bourgeais. Moïse, quand il revient, il distribue des maillots, il vient signer des autographes aux enfants qui ont les yeux écarquillés. Aussi écarquillés que lorsque Zidane ou Mbappé viennent dans les quartiers de France. Il est devenu un modèle à suivre et pourtant il reste très humble, la tête sur les épaules. Tout en profitant de sa vie, à chaque fois qu’il y a une victoire, on voit son grand sourire. Le sourire de Moïse est difficile à manquer. Il est grand, il est radieux, il aime la vie. Aujourd’hui, à Montréal, Moïse Bombito est une icône. A Nice, il pourrait bien le devenir aussi.
Hugo Rondet