Agent historique d’acteurs majeurs lyonnais (Govou, Gonalons, Balmont, Diarra et aujourd’hui Omari), Frédéric Guerra interroge, fort de son expérience en matière de gestion humaine, les conséquences de la décision de la DNCG de placer l’OL sous l’épée de Damoclès d’une rétrogradation. en fin de saison.
Si John Textor, le propriétaire de l’OL, s’est voulu rassurant lors de sa conférence de presse samedi dernier au lendemain des annonces de la DNCG puis à travers une réunion, tenue par Laurent Prud’homme avec les joueurs lundi, la réalité d’un vestiaire ne pas nécessairement cet optimisme. Décryptage avec Fred Guerra de ce dégraissage attendu, qui concernera au moins six joueurs dans un groupe pléthorique de 28 éléments avec la crainte de perdre ses fers de lance de la chute, Cherki et Fofana.
Fred Guerra, après les lourdes sanctions de la DNCG, quelle est la conséquence la plus forte, même si elle peut paraître invisible de l’extérieur, dans l’intimité des vestiaires ?
Le dossier comporte plusieurs aspects. Pour chaque joueur, la situation est qu’une fois sur le terrain, il voudra montrer le maximum, car même si cela signifie être vendu, il cherche à être transféré vers le meilleur projet sportif qui soit. . Cela risque d’amener l’égoïsme au détriment du collectif et de l’état d’esprit général.
Que doit faire un agent, un proche, dans ce contexte ?
Il est important de se rapprocher d’eux, de savoir ce que veulent faire les dirigeants pour voir sur quoi il faut travailler, dès maintenant : car dès cet hiver, il peut y avoir des opportunités ou s’il faut les reporter à l’été. . Mais de toute façon, dès que chaque joueur est à vendre, il y a un vrai travail à faire. Parce que évidemment, ça veut dire qu’ils vont se poser des questions. Pour les joueurs, une période pas comme les autres commence. Alors, ils ne sont pas tous logés à la même enseigne : Alexandre Lacazette, Corentin Tolisso, Nemanja Matic, ce sont des gens qui sont capables de se débrouiller avec leur expérience et parce que leur carrière les a déjà abrités. Mais cela peut fragiliser certains d’entre eux, qui débutent ou qui disposent d’un contrat « confort » sur plusieurs années. Ils ont de la valeur et le club peut en profiter pour les vendre, même s’ils souhaitent rester. Ils se retrouvent ainsi sur la liste des transferts sans le vouloir spécialement, s’étant investis différemment dans leur vie personnelle, dans leur famille, dans la région. Cela peut être très compliqué pour certains.
Même pour un Rayan Cherki ?
Oui, parce qu’il commence à s’épanouir dans son club, il se sent bien désormais. Il a enfin fait sa place, il a trouvé ses repères, mais peut-être que son départ vers Liverpool sera accéléré. C’est évident. Et à moindre coût en plus. Comment son jeu peut-il alors être impacté ?
Et d’un point de vue sportif, est-ce que ça peut avoir un impact ?
Évidemment, lorsque l’on est mentalement affaibli, la réaction est individuelle. L’exemple parfait pourrait être Maxence Caqueret : très bon joueur l’an dernier, indispensable au groupe, il se retrouve aujourd’hui complètement fragilisé car il n’est pas titulaire. Alors, lorsqu’il se retrouvera titulaire ou titulaire, il aura peut-être envie d’exécuter des gestes beaucoup plus vite, de se montrer. Et nous savons tous que lorsque nous faisons les choses plus rapidement, nous sommes plus susceptibles de les faire mal que de les faire bien. Tous les acteurs, inconsciemment, vont réagir ainsi : ils ne sont plus dans le même confort de travail, dans le temps, dans la facilité. Ils sont sous la « surveillance » et/ou sous le poids d’un feu qui est au-dessus de leurs têtes. Est-ce que cela peut renforcer les liens ? Je n’en suis pas sûr, car tout le monde voudra briller, individuellement : plutôt que de faire une passe en retrait, il tirera ; plutôt que de passer, il dribblera avec la possibilité de perdre le ballon. Parce qu’ils sont tous dans l’état d’esprit de montrer les choses, individuellement. En principe, dans une équipe qui fonctionne bien, ce sont les individus qui se mettent au service du collectif. Et là, ce seront des individus qui se mettront au service d’eux-mêmes et non plus au service du collectif. Il faudra être attentif à ce ressenti lors des matchs. Je ne veux vraiment pas que ma prophétie se réalise, mais c’est une probabilité.
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En tant qu’agent et ami proche, que devons-nous souligner auprès des joueurs ?
La première question que je pose à la personne concernée : que veux-tu faire ? Il y a d’abord et avant tout une collecte d’informations importante auprès du principal concerné. Il faut aussi le rassurer en lui disant : « ne vous inquiétez pas, en tout cas, la qualité que vous avez, ne vous laissez pas submerger par tout cela ». Cette éventuelle mutation est mon métier. Vous, concentrez-vous sur le fait d’être sportif et surtout, faites attention à ne pas tomber dans l’individualisme, qui peut à terme vous nuire. Et puis, je lui dirais : quand le club est dans cette situation, le grand gagnant sera probablement vous. Pour quoi ? Car le club sera obligé de vendre « à la ferraille » puisqu’il n’est pas en position de force. L’OL ne pourra pas dire non à un transfert qui vous serait favorable. Alors croyez en vous, continuez à être le même et sachez que le bateau tient debout parce qu’un gars comme vous tiendra bon. Et nous allons faire en sorte que tout le monde se lève. C’est comme ça que je vois les choses. Et vous serez le bénéficiaire du transfert car le club n’aura pas le choix.
Pourquoi le joueur peut-il être le « gagnant » alors qu’un cercle vicieux peut conduire à sa bradage ?
Si le club était en position de force, il dirait de mon joueur : « c’est 30 millions ou rien ». Mais à ce prix-là, il n’y a qu’un seul club qui peut s’aligner. Pourtant, en tombant à 20, voire 15 millions d’euros, les clubs sont plus nombreux à vouloir vous accueillir. Et quelque part, le joueur a « plus » de choix dans la destination et potentiellement, il peut être dans une position préférentielle pour négocier son salaire. Au lieu d’avoir devant vous un club à 30 millions qui vous propose un salaire l’embarras du choix, à condition qu’il ne change pas son approche et ses performances à l’entraînement et/ou en match.
Qu’en est-il du travail du coach dans cette situation ?
L’entraîneur ne peut pas ignorer la situation du club. Il faut donc qu’il en parle. Et le discours du coach sera celui-ci : « les gars, on ne se sépare pas. Nous sommes cinquièmes. Nous avons des choses à accomplir sportivement. Et puis, à la fin de l’année, on fera le point sur tout. Cependant, je tiens à vous tous, et quand on me demande mon avis, j’espère qu’il sera entendu, parce que je ne veux pas Séparez-vous de n’importe lequel d’entre vous. C’est le seul discours qu’il peut tenir, pour garder ces gars-là la tête hors de l’eau. Et d’ailleurs, c’est, en principe, un discours d’entraîneur, puisque les joueurs qui sont arrivés, il les voulait. Alors, il est obligé d’être cohérent avec lui-même, et avec ce qu’il leur a dit et de tenir ce discours de cohésion. Il ne peut y avoir d’autre issue pour lui.
Commentaires recueillis par Edward Jay