Après plusieurs mois d’analyse des modes de gestion du Football professionnel français depuis l’affaire Mediapro, les sénateurs Laurent Lafon (président de la commission) et Michel Savin (rapporteur) ont rendu compte des conclusions de leur enquête intitulée « Football-Business : Stop ou Encore ? » lors d’une grande conférence de presse au Sénat, à laquelle la rédaction de Marché aux pieds a été invité. Cette grande mission d’information sur l’intervention des fonds d’investissement dans le football professionnel français a été l’occasion de revenir sur une multitude de sujets tournant autour d’un écosystème à la dérive. A l’issue de cette mission sénatoriale, le rapporteur Michel Savin a dressé une liste de 35 recommandations en vue d’améliorer la gouvernance et de renforcer la régulation du secteur du football français. Des propositions qui ont été validées à l’unanimité par le Sénat lors d’un vote en début de semaine et qui visent à ouvrir la voie à des évolutions concrètes : « La mission est attachée à ce modèle français qui met l’accent sur la solidarité et la redistribution, tout en garantissant des compétitions équitables et attractives jusqu’au plus haut niveau. », explique le rapport en introduction.
La suite après cette annonce
Au milieu d’autres débats mis en avant comme la mauvaise gestion économique de la Ligue de Football Professionnel (LFP), le fiasco lié à la négociation des droits TV ou encore les nombreux conflits d’intérêts impliquant plusieurs acteurs du secteur, le rapport d’information n°87 du Sénat faite au nom de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, que l’élaboration du Marché aux pieds a pu obtenir, pointe un autre phénomène croissant au sein du football français, celui de la multipropriété des clubs devenue légion ces dernières années : « Compte tenu des difficultés que la réduction des droits va engendrer pour les clubs français et en l’absence de nouvelle « solution miracle », le risque existe de voir les propriétaires mettre la clé sous la porte au profit des fonds d’investissement internationaux. . Ces investisseurs apportent des capitaux indispensables pour financer un sport de plus en plus onéreux, mais ils n’ont pas vocation à s’attacher durablement à un club ni à s’implanter sur un territoire. », peut-on lire en introduction à la page 7 du rapport d’information. Le Sénat est prêt à prendre le taureau par les cornes.
Un essor explosif et incontrôlable du football français
La 35e et dernière recommandation de ce rapport d’information concerne donc la multipropriété. Le Sénat invite notamment le football français à « mieux limiter et contrôler la multipropriété en lien avec l’UEFA et la FIFA pour préserver l’équité des compétitions sportives et protéger le modèle sportif européen ». : ” Je pense qu’en effet, sur le temps partagé, il faut regarder le phénomène en l’analysant attentivement. Il n’est pas nécessaire d’avoir une opinion bien arrêtée dans un sens ou dans un autre, mais pesez soigneusement les conséquences. Ce qui semble également important, c’est de maintenir un modèle dans lequel il existe plusieurs types de propriétaires. Citons les timeshares, ces grands fonds d’investissement qui possèdent différents clubs en Europe, il existe aussi encore, en France et heureusement des clubs qui sont la propriété de gens qui ont réussi jusqu’au professionnel et qui, parce qu’ils ont un attachement au club ou territoire dans son tissu de ces clubs, investissent leur argent personnel dans ces clubs », nous a confié le sénateur Laurent Lafon, président du rapport. En 2023, 37 des 96 clubs des grands championnats européens de football sont soutenus par des investisseurs privés, soit plus d’un tiers. En France, 8 clubs de Ligue 1 étaient sous pavillon étranger.
La suite après cette annonce
Les fonds d’investissement publics ont manifesté un vif intérêt pour le football européen ces dernières années. Symbole du softpower sportif, le Qatar (PSG), l’Arabie saoudite (Newcastle) et les Émirats arabes unis (Manchester City) sont devenus des acteurs importants du secteur. Les investisseurs chinois sont également présents, comme à Auxerre en France : « Cette coexistence des deux systèmes nous paraît extrêmement importante et on voit bien qu’actuellement, il existe une forme de conflit ou un risque qu’un système prenne le pas sur l’autre et la situation financière préoccupante des clubs résultant de la réunification des les droits audiovisuels fragilisent une série de clubs et principalement la deuxième série. Les clubs qui appartiennent à des familles ou à des propriétaires individuels en font des proies faciles pour les fonds d’investissement, il faut être extrêmement vigilant et c’est pour cela qu’on attire l’attention. C’est pourquoi c’est un des fils conducteurs des propositions de Michel Savin. Attirer l’attention et demander à l’État et à la Fédération française de football de s’impliquer davantage dans l’organisation », continued Laurent Lafont.
Un modèle qui inquiète les dirigeants français
En France, 10 clubs de Ligue 1 sont intégrés dans des structures d’investissement multiclubs, soit la majorité, ainsi que 7 clubs de Ligue 2. On peut notamment citer l’Olympique Lyonnais avec Eagle Football Group, le Toulouse FC avec le fonds Rouge Bird, l’ESTAC avec City Football Group, le Red Star avec 777 Partners, l’OGC Nice avec Ineos, le RC Strasbourg de BlueCo. Ces équipes partagent le point commun d’évoluer au sein de groupes possédant d’autres clubs dont certains pèsent lourd dans le paysage européen (Manchester United, Manchester City, AC Milan…). Cette situation met en évidence une tendance lourde puisque, selon l’UEFA, 105 clubs européens de première division, soit 13% de l’ensemble des clubs, entretiennent des relations de propriété croisée avec un ou plusieurs autres clubs : Cette dernière recommandation fait suite à nos auditions. Ce sujet de multipropriété a été évoqué à plusieurs reprises dans les discussions. Plusieurs clubs nous ont fait part de leur inquiétude face à la multiplication des multipropriétés, même les présidents de club. Ils s’inquiètent également de ce phénomène qui devient de plus en plus répandu. Cette recommandation revient plutôt à dire à la Fédération et à la Ligue, mettez tout votre poids dans les discussions au niveau européen, car elle ne peut se résoudre uniquement au niveau national. », explique le rapporteur Michel Savin. L’annonce du rachat prochain du Paris FC par la Famille Arnault la branche football du groupe Red Bull a été accueillie positivement puisqu’elle annonce une cohabitation entre un système local-national classique et une autre opération de multipropriété. Ce phénomène de propriété multiple suscite néanmoins de vives craintes parmi les dirigeants des clubs filiales, car ils craignent que leurs ressources ne soient utilisées par des concurrents plus importants.
La suite après cette annonce
Les clubs français sont rarement leaders dans leur groupe. Le risque est que ces équipes françaises soient considérées comme l’antichambre des équipes premières : « C’est un débat qui doit se tenir au niveau international, au niveau européen, et c’est pour cela que ces recommandations sont très ciblées, certaines vers la Ligue, d’autres vers la Fédération, vers le ministère, c’est un phénomène où aujourd’hui certains présidents sont très inquiets de ce qui se passe », a conclu le sénateur Michel Savin. En France, l’article L. 122-7 du Code du sport interdit à une même personne privée de contrôler exclusivement ou conjointement plusieurs sociétés sportives d’une même discipline, ou d’exercer une influence notable. Cette interdiction est limitée au territoire national et n’interdit donc pas la multipropriété des entreprises sportives, pour autant qu’une seule d’entre elles soit rattachée au territoire national. L’UEFA a également transposé l’article 5 dans son règlement officiel de la Ligue des Champions qui n’a pas toujours été appliqué dans le cadre du Red Bull Leipzig et du Red Bull Salzbourg par le passé, de Manchester City et de Gérone cette saison ou encore de l’AC Milan et du Toulouse FC en Ligue Europa. la saison dernière. Sous la supervision de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC), ces groupes de multipropriété doivent procéder à des changements significatifs en transférant des actions ou en cédant une partie de la gestion sportive, tout en s’engageant à ne pas conclure d’accords entre clubs membres d’un même groupe et à ne pas utiliser la base de données. d’autres clubs filiales pour les transferts.
Pub. le 03/11/2024 16h00
– MISE À JOUR 03/11/2024 18h00