Le brouillard plane sur le quartier des Sept Deniers et le thermomètre dépasse à peine les 3 degrés. Alors que la plupart des joueurs du Stade Toulousain profitent de vacances bien méritées, Joe Tekori a rendez-vous. Pas de repos pour les guerriers, même si ce n’est pas lui qui s’entraîne. “Je suis allé aider Cissou (Cyril Baille) et romain (Ntamack)pour qu’ils puissent essayer quelques tacles», se justifie-t-il en parlant de ses deux amis et anciens coéquipiers qui reviennent de blessures.
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Tekori à Blagnac, colosse en terrain connu
Installé au chaud, il donne joyeusement de ses nouvelles, son premier match en Fédérale 1. “C’était génial. Touche à nouveau le ballon, sois sur le terrain», dit-il. Nouvelle recrue de Blagnac Rugby, l’ancien deuxième ligne de Toulouse et Castres s’est essayé lors d’un match avec les Caouecs le 10 novembre. De retour en seconde période, il a participé à la grande victoire de son équipe (38-12) face à l’Aviron Gruissanais Rugby à Ernest Argelès.
Dans son nouveau club, il s’entraîne deux fois par semaine. Cependant, le calendrier est plus compliqué à gérer dans son emploi du temps. “Je ne joue qu’à des matchs à domicile. Ensuite, ils sont dimanche. Le problème, c’est que le Stade Toulousain joue souvent le même jour, en soirée. (sourire) Je ne peux pas aller jouer et préparer les matches en même temps. Alors, je m’adapte.« Joe Tekori n’est plus un joueur du Stade, mais c’est un visage qu’on connaît à Blagnacoù il vit depuis environ 10 ans.
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En banlieue toulousaine, l’ancien international samoan fait fureur dans les tribunes. Revenu sous l’ovation du public, le quadragénaire a fait avaler certains opposants pour son premier match amateur. “JEavait une connaissance à Gruissan (NDLR : le Fidjien Sakiusa Navakadretia)mais les autres adversaires ne me parlaient pas trop au début. Puis peu après la fin du match, un des joueurs m’a demandé une photo. En fait, ils étaient timides. Après, tout le monde est venu me voir, l’équipe adverse, le coach, le président, etc.», dit-il avec un grand sourire.
De plus, il n’y avait pas que du monde dans les tribunes. Autour de lui, après la rencontre, ses fils, Jérôme Kaino, Paul Graou, Pita Ahki, Pierre-Louis Barassi, Richie Arnold, leurs familles et d’autres personnalités du Stade Toulousain ont fait le déplacement. Le grand gaillard n’hésite pas à admettre que cette attention a «très touché». Pour lui, aller à Blagnac était « naturel ». Il veut aussi «rendre ce que nous (lui) appris, à ceux qui (lui) a donné.»
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Avant de revenir en amateur, il a passé deux ans loin des terrains, ou du moins des crampons. Présent dans la direction du Stade Toulousain, il aide notamment l’équipe professionnelle lors des entraînements ou les jours de match. Depuis les tribunes d’Ernest Wallon, on le voit installer les blocs, récupérer les sacs de pêche, etc.je ne me plains pas», ajoute-t-il en souriant. D’autant que cela lui permet de continuer à vivre les beaux moments des nouvelles générations.
D’ailleurs, son plus beau souvenir, ce ne sont pas les titres ni les grandes affiches. “Le meilleur moment de ma carrière ? C’est mon dernier match ici» lance-t-il sans hésiter en tapotant du doigt le comptoir de la Brasserie du stade Ernest Wallon. Ce dernière apparition devant son publicdébut juin 2022, où il a réussi deux transformations, dans un rôle de buteur inédit. Avec un public célébrant ses adieux printaniers. Avec des masques à l’effigie du deuxième ligne samoan et de Maxime Médard. Avec beaucoup d’applaudissements et de l’émotion, des tribunes jusqu’au terrain.
Bien qu’il ait aimé ses années en tant que professionnel, il note que ses adieux en tant que rugbyman ne l’ont pas pleinement satisfait : “Quitter le club sans remporter de titre a été dur… J’ai hésité à continuer ailleurs. Les clubs étaient intéressés. Lyon, Perpignan, Carcassonne, par exemple. Mais je ne voulais pas quitter Toulouse et quitter ma famille. Mais je ne suis pas fatigué, je dois ma vie au rugby. Tout ce qui est à moi, je le dois à ce sport. Donc rester au Stade Toulousain m’a séduit aussi.»
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Stade Toulousain, la grande famille du rugby
Si Joe Tekori avait besoin de remettre les pieds dans les prés, c’était aussi pour se relancer. Le 7 juillet, sa femme, Helen Tekori, est décédée subitement. À 44 ans, elle laisse derrière elle de nombreux bons souvenirs, des amis, deux fils et un mari. “Je suis content de reprendre avec Blagnac. Nous étions attachés à cette ville. Je me vois finir ma vie ici», dit-il. A ce moment-là, il joint les mains et passe du français à l’anglais, pour mieux choisir ses mots, sûrement.
Quand Helen est partie, je voulais redevenir jeune. Le rugby m’a encore donné à l’époque. Tout le monde est venu me voir. Même Cheslin (Kolbe)… Il est venu d’Afrique du Sud avec sa femme. Cela m’a vraiment touché. Les joueurs sont comme des frères, leurs femmes sont comme des sœurs. C’est la famille du Stade Toulousain.
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D’ailleurs, ce n’est pas seulement l’attention de l’ailière championne du monde qui l’a particulièrement marquée. Début août, le tout nouveau médaillé Antoine Dupont est venu lui rendre visite. “Il nous a présenté ses condoléances et dès qu’il a été disponible, il s’est envolé pour venir voir ma famille. Il est venu à la maison, a rendu hommage à Helen puis a passé du temps avec les garçons. Pourtant, il avait beaucoup de choses à faire. Il venait d’être champion olympique. Il a une médaille à montrer, un titre à célébrer, des histoires à raconter. C’est ce genre d’attitude qui fait que le Stade Toulousain est incroyable, que le rugby est incroyable.»
Pour se remettre du drame, Joe Tekori s’est concentré sur ses missions. La transmission, par exemple, une des nouvelles passions du triple champion de France. Une nouvelle envie dans laquelle il s’est lancé ces derniers mois, en intervenant auprès des espoirs du Stade Toulousain. Un intérêt qu’il avait déjà auprès de ses fils, Preston (15 ans) et Owen (21 ans). Tous deux nés en Nouvelle-Zélande, ils vivent en Haute-Garonne depuis plusieurs années. Avec fierté, le Samoan ne peut s’empêcher de sortir son téléphone portable et de montrer une photo de ses garçons, avec sa main immense et un sourire qui n’a rien à lui envier.
De taille similaire à son père, l’aîné jouait au rugby, mais s’en éloignait. Son jeune frère, Preston est encore plus grand que son frère et donc son père. Adolescent, il aimerait suivre les traces de son père, avec le numéro 5 sur le dos. “Il veut devenir professionnel, c’est son rêve», confie son père. Avec Blagnac, le Stade Toulousain et le reste des siens, Joe Tekori se tourne désormais vers l’avenir.
Plein de regrets, cet ancien directeur de stade confie : “On dit que le rugby, c’est une famille… A Toulouse, c’est bien le cas !”