Responsable des annonces en marge, Alexandre Roumat a fait samedi soir sa première apparition sur la scène internationale. Et il s’apprête à vivre un autre moment privilégié lors du week-end prochain, en défiant cette fois la Nouvelle-Zélande.
Vous avez connu vos premières sélections lors du Tournoi 2024. Mais la titularisation est-elle différente ?
Oui, définitivement. Quand on est remplaçant, on a un peu plus de temps pour se préparer, même si on peut intervenir à tout moment. Là, débuter, à domicile, au Stade de France… C’était un moment assez important pour moi mais j’ai essayé d’être détendu dans l’approche du match, en me concentrant sur ce que j’avais à faire, sans me mettre trop de pression. Une fois le coup de sifflet donné, il n’y a plus qu’à se lâcher et jouer au Rugby.
En effet, c’était aussi une première au Stade de France avec le maillot bleu pour vous…
Jeune, je suis venu dans ce stade pour voir la finale de mon père (Olivier, NDLR) dans le championnat de France. Je suis également venu plusieurs fois en tant que spectateur. Il y a toujours eu une ambiance très particulière et électrique. Savez-vous quel a été mon dernier match au Stade de France ?
Non, dis-nous…
J’étais dans les tribunes pour le quart de finale de la Coupe du monde contre l’Afrique du Sud et il y avait une ambiance incroyable ce jour-là. Sinon, la seule fois où j’ai joué sur ce terrain, c’était lors de la finale du Top 14 remportée contre La Rochelle il y a un an et demi. Là, jouer là-bas avec le maillot de l’équipe de France, devant mes parents, c’était une sensation folle…
Peut-on alors considérer que ce stade vous porte chance ?
(Il rit) Pour le moment, oui. Mais j’espère surtout que cela continue dans les deux prochaines semaines.
Vous avez également marqué votre premier essai international…
Je suis content d’avoir conclu un mouvement collectif, même si ce n’est pas l’essai le plus difficile que j’ai eu à marquer. Pendant un moment, j’ai même pensé que les Japonais avaient coulé et m’avaient obligé à lâcher le ballon. Je ne fais pas partie de ceux qui marquent très souvent, donc ça fait toujours plaisir.
Entre la blessure de Thibaud Flament et la sortie de François Cros, vous avez changé trois fois de poste, entre la troisième et la deuxième ligne. Comment l’avez-vous vécu ?
Sans trop se poser de questions. Je savais que je devrais peut-être changer de position. Cela s’est passé assez vite et de manière un peu brouillonne, puisqu’ils nous ont dépassés sur certaines touches et que nous n’étions pas très bien placés. J’ai eu l’opportunité de débuter ce match, c’est une chance, et je voulais ne pas décevoir mes coéquipiers et les gens qui croyaient en moi dans le staff. J’ai essayé de tout donner, quel que soit le poste, le poste, le moment du match…
Est-ce que tout ce que vous avez vécu avec Toulouse ces deux dernières saisons vous aide à gérer cet aspect émotionnel ?
Sans aucun doute. De manière générale, et je l’ai souvent dit, mon parcours m’aide beaucoup à comprendre ce type de match de haut niveau. Je pense à certains échecs que j’ai pu vivre, ou à certaines années qui ont été un peu moins réussies. Mais ces dernières années, mes deux saisons à Toulouse m’ont donné beaucoup de confiance dans ma capacité à disputer des épreuves de très haut niveau et à remporter des titres.
Dans quel sens ?
Disons que j’ai cette expérience et cette connaissance de ce niveau. Cela me permet d’avoir plus confiance en moi, d’aborder les matches plus sereinement. Je pense notamment aux six derniers mois de la saison passés en club, avec ce fameux doublé. Cela m’a donné encore plus de confiance.
Et, au début de votre tournée d’automne, vous avez beaucoup de responsabilités, puisque c’est aussi vous qui annoncez en marge…
Oui, mais le fait d’avoir un gros cadre toulousain, en plus d’avoir beaucoup de Bordelais avec qui je jouais auparavant, a naturellement facilité mon intégration. J’arrive à me sentir bien rapidement. Quant au toucher, c’est quelque chose que j’ai l’habitude de faire en club. J’aime avoir des responsabilités dans ce secteur. Lors de mes premiers matchs du Tournoi, quelqu’un d’autre annonçait et j’ai essayé de m’y mettre vite pour ne pas me retrouver dans la rue et aider les gars au maximum. Si j’ai la chance de continuer à occuper ce rôle, je le ferai avec grand plaisir.
Est-ce très différent de le faire au niveau des clubs ou au niveau national ?
Il y a moins d’automatisme ou, en tout cas, moins de temps pour peaufiner tous les détails lorsqu’on est en sélection. Mais dans l’équipe, il y a tellement de gars de qualité qui s’entendent vite. Les souvenirs de tournois ou de tournées reviennent rapidement. Je ne trouve pas cela beaucoup plus difficile mais les annonces sont forcément différentes, selon les clubs, la sélection ou les entraîneurs. C’est juste une petite gymnastique intellectuelle à pratiquer.
Comment jugez-vous ce premier match du tour sur le plan collectif ?
Le bilan est très positif, même si tout n’était pas parfait. Quand on regarde les derniers matches contre le Japon, on a rarement eu un tel écart. Bien sûr, nous n’avons pas porté le ballon pendant de longues périodes mais nous avons réussi à marquer très rapidement et à utiliser tous les ballons en contre-attaque. Après, dans l’ensemble, nous avons plutôt bien défendu, prenant très peu de points malgré le gros volume de jeu japonais. Mais nous avons été trop pénalisés. Nous sommes sortis de la première mi-temps avec sept ou huit fautes. C’est particulièrement vrai pour moi puisque j’en prends deux ou trois. Face aux équipes que nous affronterons dans les prochaines semaines, cette indiscipline pourrait coûter plus cher.
Vous êtes donc conscients que le mois de novembre prendra une autre dimension dans les jours à venir…
Bien sûr. Ce qui se passe cette semaine, compte tenu des deux derniers matchs de la Nouvelle-Zélande mais aussi du monstre qu’est cette équipe, ce sera évidemment un tout autre niveau. Et donc un tout autre défi.
Qu’avez-vous pensé de la victoire de la Nouvelle-Zélande en Irlande vendredi ?
C’était un match assez incroyable en termes d’intensité et de qualité de jeu. Nous savons à quoi nous attendre.
Mais êtes-vous prêt ?
Le principal point à améliorer est la discipline. Nous avons commis beaucoup d’erreurs, notamment au milieu de terrain. A ce niveau-là, quand une équipe comme les All Blacks arrive dans vos vingt-deux mètres, on sait que c’est difficile de défendre. Devant, il y a eu aussi un maul que nous avons mal défendu et sur lequel nous avons tenté. Il faudra donc encore augmenter l’intensité et la rigueur.
Depuis que tu es enfant, que représentent pour toi les All Blacks ?
Nous avons tous fait un haka dans notre salon ou dans notre jardin quand nous étions jeunes. Nous avons tous été, à un moment ou à un autre, supporter d’une grande génération de joueurs néo-zélandais. Ces gars-là ont fait rêver beaucoup d’enfants. Je l’ai toujours admiré. Mais être admiratif ne nous permettra malheureusement pas de gagner samedi (rires). Nous avons beaucoup de respect et nous savons que ce sera l’un des matchs les plus difficiles de notre année. Mais nous avons aussi des choses à mettre en avant, des garçons de qualité.
Affronter cette équipe, est-ce un rêve devenu réalité ?
Clairement. J’espère faire partie du groupe. Mais si quelqu’un m’avait dit, il y a quelque temps, que j’aurais peut-être l’occasion de jouer contre les All Blacks à domicile… De l’extérieur, à la télévision, je ressentais déjà cette électricité lors des matchs contre les All Blacks. Ce sera certainement un moment dont on se souviendra pour toujours.
Dans une précédente interview, lorsqu’on vous demandait les deux ou trois joueurs qui vous avaient le plus inspiré à votre poste, vous aviez notamment cité le Néo-Zélandais Kieran Read…
Oui. Dans tous les styles et profils de joueurs, la Nouvelle-Zélande a toujours eu des flankers exceptionnels. Mais celui composé de Kieran Read, Richie McCaw et Jerome Kaino… J’ai la chance de rencontrer au quotidien Jerome Kaino qui n’est qu’un monstre du rugby. Ce trio était la combinaison parfaite et idéale. Ils étaient à leur apogée, avec deux titres mondiaux et des années où ils n’ont pratiquement pas perdu un match.
Qu’avez-vous le plus aimé chez Read ?
J’ai vraiment aimé le regarder car sa façon de jouer me convenait. Il était à mes yeux le lien parfait entre les attaquants et les trois-quarts. Et il a toujours réussi à faire jouer les autres. C’est ce que j’aime aussi sur le terrain. J’ai donc regardé beaucoup de vidéos de lui, pour essayer de relever quelques petites astuces.
Et dans l’équipe actuelle des All Blacks ?
Des gars comme Wallace Sititi ou Ardie Savea ont des profils différents de ceux de Kieran Read mais sont tout aussi exceptionnels lorsqu’ils ont le ballon.
Vous évoquez Sititi, qui fait un peu sensation en Nouvelle-Zélande ces derniers mois et semaines. L’avez-vous déjà suivi ?
Non, pas plus que tout le monde. On l’a vu cet été, au Rugby Championship, ou encore lors des derniers matchs. On le découvre depuis quelques mois mais il semble avoir tous les « super pouvoirs », comme Ardie Savea. Il a 22 ans, il est plein de talent et il est sur le point d’exploser. Ce sera également un grand défi.
Un mot sur un autre phénomène, votre coéquipier Peato Mauvaka, qui a terminé le match en troisième ligne samedi ?
Cela ne nous surprend plus. Au Stade Toulouse, on a la chance de vivre avec lui au quotidien. Il a aussi la capacité de jouer à 6, 7 ou 8. Il nous est même arrivé, l’année dernière, de le faire sauter en touche. C’est pour vous dire… C’est un gars qui peut jouer à presque tous les postes devant, et même derrière je pense. Il adore le jeu, il adore bouger. A partir du moment où le ballon est parti, il n’y a plus grand chose de numéro sur le dos et, s’il y a un gars qui incarne ça, c’est bien lui.
Vous aviez connu l’équipe de France sans Antoine Dupont lors du Tournoi des 6 Nations, vous l’avez retrouvée avec lui pour cette tournée. Même si vous le connaissez bien, comment a-t-il cette capacité à rassurer le groupe ?
C’est un joueur qui, par sa présence sur le terrain, donne beaucoup de confiance aux gars qui l’entourent. Il a cette capacité à résoudre les situations. Il donne l’exemple, il fait la différence, il défend, il rattrape… Quant au leadership, quand il parle, il est juste. C’est le patron de l’équipe. Pour nous, les Toulousains, qui le côtoyons au quotidien, cela correspond à ce que nous vivons au club. Depuis son retour de vacances, tout s’est fait très naturellement. Il est très important pour nous, en club ou en équipe nationale. On l’a encore vu contre le Japon. Avec n’importe quelle miette qu’on lui donne, il peut faire des choses incroyables.