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« Elon Musk à Notre-Dame, deux mondes qui s’entrechoquent »

En 2024, Elon Musk est venu à Notre-Dame. Il a même tweeté en latin les premières paroles du Magnificat, le chant de la Vierge Marie à sa cousine Elisabeth. Moment comique et cosmique où, pendant deux heures, les principales coordonnées de notre civilisation se sont enroulées sur elles-mêmes. Pour comprendre cet amas de symboles, il faut sans doute relire Régis Debray (Les diagonales du médiologue, 2001). Elon Musk à Notre-Dame est la machine à compression spatiale qui télescope la machine à voyager dans le -.

Selon le philosophe et père de la médiologie, toute civilisation doit résoudre deux problèmes : relier les points de l’espace et relier les instants du -, communiquer et transmettre ; ce que font respectivement Elon Musk et Notre Dame. Nos moyens de communication nous permettent d’aller ici puis ailleurs et même d’être ici et ailleurs. Voitures, avions, fusées, médias, serveurs numériques et satellites font circuler à des vitesses variables des individus, des images, des informations, des passions, des problèmes, des virus… Mais « ce n’est pas parce que nous mettons le monde en réseau que nous pourrons habiter ce réseau comme un monde »Prévient Régis Debray.

Connectez tout

Encore faut-il veiller à ne pas perdre le fil des générations et relier le présent au passé, les femmes et les hommes d’aujourd’hui à ceux d’hier. Ça s’appelle transmettrec’est à dire « informations de transport dans le - ». Raison de l’existence des États, des écoles, des églises, des académies, des entreprises et de toutes les institutions, qui sont d’immenses machines à sédimenter et à perpétuer l’expérience humaine.

La fabrique du monde est constituée de ces deux fils irréductibles l’un à l’autre : la communication et la transmission, l’espace et le -. Elon Musk, en bon ingénieur, s’emploie à densifier l’ancien, repliant toujours plus l’espace sur lui-même. Chacune de ses sociétés (SpaceX, Tesla, Starlink, Neuralink, X, Hyperloop, etc.) confirme cette même obstination à tout connecter. N’imaginait-il pas relier San Francisco à Los Angeles en moins de trente minutes grâce à un TGV supersonique voyageant dans un tunnel sous vide ? Notre-Dame, de son côté, continue “la légende des siècles” comme l’a rappelé le président Emmanuel Macron, non sans lyrisme. En le reconstruisant, nous avons humblement pris notre place dans la longue chaîne des bâtisseurs et renoué avec un savoir-faire ancestral.

Communication et transmission en harmonie

Si Elon Musk est venu à Notre-Dame, c’est parce que ceci (communication) n’a pas tué que (transmission). Victor Hugo craignait que le livre ne remplace la pierre. Régis Debray craint que nos dispositifs de domestication de l’espace n’engloutissent et supplantent nos dispositifs d’apprivoisement du -. Il faut dire que les premiers sont fascinants et dociles : on loge le monde au creux de sa main et on navigue avec fluidité et liberté (du moins en apparence). Ces derniers sont ennuyeux et coercitifs. La loi, la règle, la leçon, la messe… Il faut se forcer et obéir. Aussi, ce que nous gagnons en mobilité, nous risquons de le perdre en continuité.

Mais pour restaurer Notre-Dame, il a fallu que les images, les capitaux et les matériaux circulent ; et rapidement. Le monde entier s’est précipité au chevet de la vieille Europe. Preuve que les deux forces opposées de communication et de transmission peuvent encore s’additionner sans s’annuler. Mais justement, nous aimerions connaître la formule exacte de cet équilibre afin de la reproduire dans tous les segments de notre expérience. Surtout dans notre relation avec la nature, cela « temple où des piliers vivants laissent parfois échapper des paroles confuses… ». Car si cette cathédrale brûle, n’est-ce pas justement parce que notre passion de communiquer et de circuler l’emporte sur notre devoir de transmettre ?

 
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