Les mondes brefs de François Thibaux

Écrivain méconnu et nouvelliste hors pair, François Thibaux propose un recueil de douze nouvelles qui naviguent entre fantaisie folle et réalisme cru. C’est très fort.


Version 1.0.0

Il habite près de Soissons (02), et son éditeur, l’excellent Cours Ouvert, n’est pas loin. Il peut sembler à première vue que François Thibaux joue la carte du régionalisme, voire départementalisme axonais. Indiquer. L’écrivain a plus d’une corde à son arc et ne se limite heureusement pas au terroir, aussi superbe soit-il. (L’Aisne n’est-il pas le département le plus français ?) Par ailleurs romancier et traducteur, auteur de onze romans, de trois recueils de nouvelles, notamment lauréat du prix Paul-Léautaud 1997, du prix Joseph-Delteil 2000 et surtout, surtout , le prix Loin du marketing 2017 (ça ne s’invente pas ! Qui d’autre que lui pourrait se voir décerner une telle récompense ? Cela lui va comme un gant !), François Thibaux nous donne à lire Le vélo de l’angeun opus de douze textes courts, des fictions singulières, étonnantes, captivantes, captivantes, qu’il ancre, bien sûr, dans sa Picardie bien-aimée, mais aussi en Sicile, dans le Sud-Ouest, et dans le grand et lointain Orient. Certains écrivains, bien que de qualité, manquent d’univers ou, du moins, sont dispersés. style de casse-tête », comme aurait dit Bernard Blier. Thibaux creuse son sillon, têtu, têtu, animé par la terrible détermination de surprendre son lecteur ; il y réussit non sans brio et sans panache.

Trotsky au clavier

Dès le premier récit, le narrateur attend un accordeur de piano. Quelqu’un frappe à la porte ; c’est Léon Trotsky. Serait-ce l’ami du percutant Ramón Mercader qui s’installera au clavier ? Son double ? Nous sommes dans le doute. Il cale le bloc instrument avec une biographie, Vie de Charles IXcontinue de proposer de l’alcool à Léon qui, poliment, refuse. Trotsky parti, il finit par apprendre que le préparateur, le vrai, a eu un problème sur la route ; ceci ajouté à un téléphone portable privé de batterie, il n’a pas pu empêcher ; les établissements ducrotois, spécialisés dans l’accordage des pianos, s’en excusent. Étrange, non ? Les autres nouvelles sont dans la même veine, toutes écrites dans un style impeccable, limpide, précis, poétique mais sans affectation.

Ici, lors d’un enterrement, ” l’eau du ciel (qui) noircissait le cercueil » ; un peu plus loin, une religieuse naine apparaît : « plus cireux qu’une bougie « . Là, d’un couple qui ne s’entend pas : « (…) elle était trop méchante pour lui. » Ou, d’un prêtre, dans son presbytère, qu’il imagine « grignotant du pain dur avec du beurre rance et des sardines à l’huile. » On comprend alors que l’on est en train de lire un véritable nouvelliste ; un roi du bref; un sprinter de haut vol.

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Le vélo de l’angeFrançois Thibaux ; éd. Courez toujours ; 127 p.

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