ENTRETIEN – L’Académie César, en partenariat avec la maison Chanel, a confié à la cinéaste Vanessa Filho la réalisation d’un court métrage sur les 32 actrices et acteurs en compétition dans la catégorie espoir. Pleins feux sur une nouvelle génération de cinéma.
Dans la course aux Césars, ils représentent l’espoir, celui du cinéma français. Ces diamants bruts mis en avant pour leur talent, leur puissance d’acteur, leur puissance émotionnelle feront peut-être partie des grands acteurs et actrices de demain. Cette année, en partenariat avec la maison Chanel, le comité Révélations de l’Académie des César, composé de 14 réalisateurs et directeurs de casting, en a présélectionné 32 : 16 actrices et 16 comédiens en lice pour les Révélations 2025, dont deux réussiront. Ella Rumpf et Raphaël Quenard, consacrés en 2024. Leurs noms seront dévoilés le 28 février lors du 50e édition des Césars présidée par Catherine Deneuve et dirigée par Cédric Klapisch.
En attendant, ces nouveaux visages font l’objet d’un court métrage qui sera présenté le 20 janvier lors de la Soirée des Révélations. Derrière la caméra, Vanessa Filho, la réalisatrice de Consentement, dont l’adaptation du récit émouvant du livre de Vanessa Springora a marqué les esprits dès sa sortie en 2023. La cinéaste a filmé cette promotion 2025 dont l’engagement et l’énergie l’ont profondément émue.
Des garçons et des filles d’aujourd’hui, dont les Films racontent la magie du premier amour dans sa forme la plus passionnée (Amour oufle drame romantique de Gilles Lellouche qui mettait en lumière Mallory Wanecque et Malik Frikah, film générationnel), que le monde actuel dans ce qu’il a de plus cruel – mais aussi de plus beau. Et c’est cette lueur d’espoir, cette petite flamme persistante que Vanessa Filho a mise en lumière dans le film qui leur est consacré. Pour Madame Figaro, elle se confie sur cet exercice particulier et nous livre son regard inspiré sur ces aspirantes inspirantes.
Les acteurs en lice pour Révélations 2025
Madame Figaro. – Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet de court-métrage ?
Vanessa Filho. – Tout d’abord, j’ai été très honoré que l’Académie des César et Chanel m’aient accordé leur confiance pour la réalisation de ce court-métrage ainsi que de la série de photos qui l’accompagne, et qui sera également exposée lors de la Soirée des Révélations. . C’est surtout l’aspect carte blanche qui m’a touché, cette liberté accordée dans l’expression, qui est aussi un des thèmes forts de ce film.
Que dit-il ?
C’est une dystopie tournée en noir et blanc comme un film expressionniste allemand, car je voulais gommer la notion de temps. Il raconte la chute d’un pays dans une dictature qui impose son régime totalitaire, et surtout l’interdiction de toute manifestation d’émotion. Le dictateur ne cesse de répéter que « la drogue de l’émotion affecte notre monde ». Et chez lui, l’ennemi majeur, ce sont les artistes et leur liberté de création. Je voulais montrer comment ils résistent, armés uniquement de leur force émotionnelle. Ces résistants, ce sont ces jeunes acteurs et actrices que j’ai filmés.
Que vous inspire cette nouvelle vague ?
J’ai vraiment senti qu’ils étaient en phase avec mon projet, émus et combatifs. Ils m’ont rappelé cette jeunesse qui s’est emparée de mon film Consentement dès sa sortie. J’ai été très marqué par son engagement, par sa révolte et son envie d’un monde différent. Ils m’ont donné de l’espoir. D’ailleurs, à la fin du court métrage, l’image passe à la couleur, elle est le symbole du refus de soumission, de l’uniformité. A travers cette histoire, j’ai voulu exprimer la reconnaissance du cinéma français envers cette nouvelle génération qui ne cessera de se battre pour la liberté d’expression.
Vanessa Filho / Stupefy Films pour les César et l’Académie CHANEL 2025
Dans Consentement, vous avez vous-même révélé Kim Higelin, nominée l’année dernière au César du meilleur espoir masculin…
Je me souviendrai toujours de la réaction de Kim lorsqu’elle a appris sa nomination. J’étais avec elle, dans un avion, nous revenions d’un festival. Elle n’y croyait pas, elle poussa un cri de joie si expressif que tous les voyageurs se tournèrent vers nous. J’étais bouleversée de la voir si heureuse… Kim est comme ma petite sœur, nous avons gardé des liens très forts, nous sommes toutes les deux hyper émotives. Et bien que nous soyons séparés d’une vingtaine d’années, nous partageons les mêmes affinités et nous retrouvons dans beaucoup de choses. Par exemple, elle chante, moi aussi…
Quand on est cinéaste, comment deviner le potentiel d’un jeune talent ?
Ce que je recherche lorsque je participe à des castings, c’est avant tout des acteurs ou des actrices qui ont un univers, une personnalité. Ce qui m’attire, c’est quelqu’un dont le jeu n’est pas prévisible quels que soient les fantômes qu’il invoque. Lors d’un casting, j’aime perdre un peu le contrôle, être confuse. Par exemple, lorsque j’ai filmé Marion Cotillard dans Visage d’ange (film sorti en 2018, NDLR), elle m’a surpris à chaque prise, dans chaque scène. Elle n’était plus le personnage que j’avais fantasmé ou écrit, elle était différente, elle ne s’arrêtait jamais aux limites de l’histoire. Il y avait une envie d’oubli de soi, une implication émotionnelle exceptionnelle. Qu’est-ce que je souhaite à tous ces nouveaux talents ? Rester des diamants bruts, garder leur liberté de jeu, ne jamais chercher à être quelqu’un d’autre qu’eux-mêmes…
Le César du meilleur espoir est né en 1983. Quels lauréats vous ont le plus marqué ?
J’ai été très ému par le discours de Bastien Bouillon, César 2023 du meilleur espoir masculin de La nuit du 12, où il incarne un capitaine de police hanté par un féminicide non résolu. Notamment par sa première phrase : « Un César pour avoir gardé espoir… » Et puis dans mes souvenirs plus anciens, il y a deux jeunes actrices à la grâce captivante : Vanessa Paradis et son César en 1990 pour Mariage blanc. Elle avait 17 ans, elle était bouleversante, émerveillée et choquée, une lumière dans les yeux, une émotion sincère. Et la seconde, c’est Élodie Bouchez, si belle et si touchante lorsqu’elle fut récompensée en 1995 pour Roseaux sauvages.
La jeunesse et l’adolescence font partie des thèmes favoris de vos films…
La protection des mineurs est un sujet qui me touche. Que ce soit dans Visage d’ange ou Consentementil y a un désir d’engagement. Je me suis même posé la question de travailler dans ce domaine, surtout à l’époque Visage d’ange, qui a pris beaucoup de temps à mettre en place. Ce qui m’intéresse aussi, c’est de filmer ces âges charnières, tous en vulnérabilité, ces périodes où l’on se construit et se déconstruit au gré des événements de la vie, ces passages d’un monde à l’autre. Dans mes films, j’ai aussi voulu attirer l’attention sur l’inconscience des adultes face à des jeunes en danger.
Quels conseils donneriez-vous à cette nouvelle génération d’acteurs et d’actrices ?
Ne jamais abandonner. Et de saisir pleinement chaque instant, car monter sur scène ou jouer sur un plateau sont des moments de grâce qu’il faut chérir. J’ai une passion pour les actrices et les acteurs, c’est très sincère. J’admire le courage qu’il leur faut pour agir : quels que soient les films, ce sont toujours des révélations. C’est mettre son cœur, son corps, son âme au service d’un personnage et du spectateur. Nous ne pouvons pas faire les choses à moitié.
Qu’avez-vous gardé de votre jeunesse ?
La même passion, le même désir intact de cinéma. A 13 ans, j’ai décidé d’en faire mon métier après avoir vu Trois couleurs-bleu, de Krzysztof Kieslowski. J’ai alors annoncé à mes parents que je serais réalisateur, ce qu’ils ont accueilli avec un grand sourire.
Il vous a fallu du temps pour réaliser votre premier long métrage. Pour quoi ?
J’ai réalisé mon premier moyen métrage à 19 ans, puis j’ai suivi d’autres voies artistiques en devenant photographe, vidéaste, musicien. À un moment donné, j’avais l’impression de passer à côté de ma vie, alors j’ai tout arrêté pour me consacrer pleinement à cette envie de cinéma qui ne m’avait en fait jamais quitté. Mais je ne regrette pas ce parcours éclectique, car je puise dans mes films tous ces chemins.
A quoi sert le cinéma ?
Explorer la complexité humaine, offrir un point de vue sur le monde. J’ai l’impression que le cinéma, même s’il est utopique, nous rend plus empathiques et curieux envers les autres. J’aime les films qui me bousculent, me font évoluer et grandir.
La prochaine étape ?
Je travaille sur l’écriture de deux projets. Un film fantastique au service d’un drame social sur les violences conjugales et d’un thriller psychologique, inspiré d’un fait divers, qui raconte la montée de la violence chez les jeunes. Je travaille également avec Lætitia Casta sur le scénario du premier film qu’elle va réaliser.
La Soirée des Révélations est diffusée à partir du 20 janvier sur le site de l’Académie des César. academie-cinema.org